L’Elysée le voulait, il n’y avait donc pas une once de suspense. Mais le Premier ministre a annoncé vendredi dernier son intention de recourir à l’article 49.1 de la Constitution et d’engager la responsabilité de son gouvernement. Un message directement adressé à certains parlementaires de l’UMP qui ont manifesté leur hostilité au retour complet de la France au sein de l’Alliance atlantique.
Parmi les députés ciblés, le député-maire UMP de Vannes, François Goulard, ne désarme pas face à ce passage en force.
20 Minutes: Que pensez-vous de la décision de François Fillon d’engager la responsabilité de son gouvernement?
François Goulard: Ça écourte le débat. On nous empêche de nous exprimer dans un vote en notre âme et conscience. Quel choix nous donne-t-on pour exprimer notre désaccord? Ne rien faire ou renverser le gouvernement.
Vous allez donc vous abstenir…
Je n’ai pas d’autre choix. C’est regrettable. Le député socialiste, ça ne le gêne pas de censurer le gouvernement, mais le député UMP. Au départ, on ne savait pas si ça passerait au Parlement. Quand les députés l’ont su, nous avons espéré voter exclusivement sur ce sujet. Mais mardi prochain, on ne se prononcera pas sur l’Otan, mais sur la politique du gouvernement. Nous sommes coincés. J’essaierai de faire vivre le débat mais bon…
Qu’est ce qui a motivé cette décision du Premier ministre? La peur de revivre le camouflet sur le travail du dimanche?
Je pense qu’il y a la crainte évidente de voir se former une minorité défavorable au sein du groupe UMP. Et une minorité importante. J’ai déjà évoqué le chiffre de 40 députés défavorables à cette décision.
Nicolas Dupont-Aignan se bat pour un référendum sur le sujet. Qu’en pensez-vous?
Il est difficile de dire si les Français sont intéressés par ce sujet dans leur grande majorité. Et c’est un processus lourd à organiser. C’est une très bonne idée, mais pas réaliste.
Hervé Morin a minimisé cette intégration de la France. Dans la pratique, elle serait déjà réalisée, il suffirait de la formaliser. Etes-vous d’accord?
Personne ne peut dire que c’est un acte anodin. Quand de Gaulle a décidé de sortir du commandement intégré en 1966, la portée pratique n’est pas considérable. Mais la portée symbolique et politique est, elle, énorme. Le retour de la France dans le commandement intégré est une décision considérable. En diplomatie, de tels symboles comptent énormément.
C’est une vraie rupture politique.
Nicolas Sarkozy a fait le choix de nous aligner sur la politique étrangère des Etats-Unis. L’Otan est une machine américaine, que nous intégrons, et nous donnons cette impression au monde. Et ce n’est pas un hasard si c’est Nicolas Sarkozy qui prend cette décision, il sait très bien comment on va l’interpréter. C’est le plus atlantiste, le plus pro-américain des présidents français. Voilà un vrai changement, mais il n’est pas surprenant, il y avait déjà fait allusion lors de plusieurs voyages aux Etats-Unis et dans son discours devant le Congrès.
Ce sont les derniers oripeaux gaullistes que l’on déshabille… Avec la réforme des institutions et la politique extérieure de la France, Nicolas Sarkozy vient en effet de décider de deux changements fondamentaux pour la Ve République.
Sur le terrain, qu’est-ce que ça va changer pour l’armée française?
Il n’y avait aucune nécessité de revenir sur la décision du Général de Gaulle. Comme on peut le voir avec l’Afghanistan, la France discute intervention par intervention avec les Etats-Unis. Quand Chirac a décidé de venir en Afghanistan, il a pu négocier les conditions. Ce ne sera plus possible désormais. Nous admettrons par avance ce qui sera décidé par l’Otan.
L’Otan est-elle dépassée?
L’Alliance ne correspond plus à ce qui avait prévalu aux débuts de l’organisation. L’Alliance est devenue le vecteur de l’intervention américaine dans le monde. Ensuite, elle empêche le développement de la défense européenne. Sarkozy nous dit : « On se rapproche de la position des autres pays européens ». Mais dans les faits, on rend une véritable défense européenne impossible.
Source: 20 Minutes (propos recueillis par Mathieu Grégoire)