A quand les hausses d’impôt ? Cette question iconoclaste surgit immanquablement à la lecture des dernières prévisions macroéconomiques du gouvernement.
Avec un déficit budgétaire 2009 multiplié par deux et frisant les 104 milliards d’euros, un déficit public de 5,6 % du produit intérieur brut (PIB) et une dette qui a augmenté de 20 points de PIB depuis 2002, la situation des finances publiques françaises apparaît très dégradée. Assez, en tout cas, pour que l’on s’interroge sur une hausse éventuelle des prélèvements obligatoires.
Entre la mise en oeuvre des dernières baisses d’impôt promises par Nicolas Sarkozy au sommet social du 18 février et la diminution annoncée de la TVA dans la restauration, le gouvernement juge la question inopportune. « La hausse de la fiscalité, ce n’est pas le moment », dit-on à Matignon.
Mais les projections 2009- 2012, tablent sur une hausse de 0,4 point du taux de prélèvements obligatoires qui retrouverait, à la fin du quinquennat, son niveau de 2008 (42,9 % du PIB). L’objectif du candidat Sarkozy – les faire baisser de quatre points pour les ramener dans la moyenne européenne – est hors d’atteinte.
Il n’y a que Philippe Séguin pour oser appeler un chat un chat : « On ne peut exclure que l’aggravation quasi généralisée des déficits conduise les Etats, partout dans le monde, à augmenter les impôts. En dépit de sa situation de départ moins favorable, la France n’échapperait pas à ce mouvement », a estimé, mercredi 4 mars, le premier président de la Cour des comptes qui était auditionné par la commission des finances de l’Assemblée.
Dans la majorité, les plus lucides reconnaissent que la situation actuelle ne peut pas durer. « Le solde des administrations publiques plonge de manière désespérante, et chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles, la dernière étant la TVA à taux réduit dans la restauration », observe Philippe Marini, rapporteur UMP de la commission des finances du Sénat.
Les gouvernements, analyse Charles-Amédée de Courson, député Nouveau Centre de la Marne, ne peuvent « pas grand-chose » sur la croissance, en revanche, ils ont la possibilité d’agir sur la dépense et la recette. « La France n’aura pas d’autre choix que d’augmenter la pression fiscale en réduisant les dépenses fiscales inéquitables », pronostique le centriste, qui plaide pour un recentrage des charges sociales patronales (« on peut gagner 10 milliards d’euros en 5 ans »), une rationalisation des dépenses des collectivités locales et la poursuite de la réforme de l’Etat. « On n’échappera pas, dit-il, à une politique de rigueur, même si le calendrier électoral n’est pas du tout favorable à la droite. »
Son collègue UMP, Gilles Carrez, rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée, estime, lui, qu’il faut limiter la casse : « On ne peut pas se permettre de financer de nouvelles baisses d’impôt, taxe professionnelle ou TVA, par de la dette. Quand la croissance reviendra, il faudra en réserver intégralement les fruits à la diminution de l’endettement public. La seule chose que nous puissions faire, c’est du redéploiement fiscal en étant irréprochable sur le plan de l’équité. »
C’est précisément sur l’équité qu’insiste la gauche. « Il serait inconcevable d’imaginer des hausses d’impôt sans que soient mises sur la table la question du paquet fiscal ruineux de l’été 2007 et celle du bouclier fiscal, désormais critiqué au sein même de l’UMP, car il atténue mécaniquement l’effort des contribuables les plus aisés, insiste Didier Migaud, président PS de la commission des finances. Mais, si le gouvernement continue sur sa lancée, il aura de plus en plus de mal à redresser les comptes. Et de nombreux Français risquent de payer pour des allégements fiscaux consentis à quelques-uns. »
Les hausses d’impôt ? Pour le député PS Jérôme Cahuzac, qui tient à jour la liste des taxes nouvelles créées depuis 2007 (franchises médicales, hausse de la taxe sur le chiffre d’affaires des mutuelles, relèvement du prélèvement sur les revenus du patrimoine), « on n’y a pas échappé », et il y en aura d’autres. « Une hausse de la CSG, avec son assiette large et son rendement élevé nous pend au nez. Et une deuxième tranche de l’impôt sur les sociétés n’est pas inimaginable », analyse-t-il.
Source: Claire Guélaud (Le Monde)