Concernant la baisse de popularité de Nicolas Sarkozy, « j’ai tendance à penser qu’il y a deux facteurs qui pèsent peut-être plus lourd que les autres: d’abord, un problème de gouvernance.
Je crois que nous avons un problème de gouvernance dans la mesure où le Président de la République occupe beaucoup d’espace politique, qu’il s’impose comme le centre de la vie politique dans une époque où il faudrait jouer davantage collectif, mobiliser les uns et les autres et faire en sorte que chacun connaisse exactement sa feuille de route.
Or, on voit bien qu’entre le Président de la République, le Premier Ministre, les membres du gouvernement, il y a parfois non seulement des dissonances, mais une mauvaise organisation, une mauvaise orchestration du travail de chacun. On l’a vu sur la Guadeloupe, on le voit sur les Universités, on le voit sur beaucoup d’autres sujets. Je crois que tout ceci est dommageable.
Je crois que la crise doit nous obliger à revenir à un schéma institutionnel qui a fait ses preuves et qui est celui de la Vème République: – un Président qui définit une vision, qui définit des grandes orientations, – un Premier Ministre qui est en appui du Président et qui est à la manoeuvre, – et des Ministres qui sont là pour appliquer une politique.
Je pense que dans la difficulté, c’est une sécurité pour le Président de la République que de définir ce travail d’équipe. Donc ça, c’est un premier point qui me paraît très important.
Le deuxième point, c’est que le Président de la République a beaucoup de mal à utiliser la marche arrière et à accepter de reconnaître quand il y a eu erreur ou précipitation.
Or, je crois qu’en politique, on est toujours plus fort (et je l’ai parfois même appris à mes dépens), on est toujours plus fort quand on est capable de reconnaître, ben, que l’on s’est trompé et que l’on est capable de se changer.
Dans la crise, l’homme politique, dans le fond, a des marges de manoeuvre réduites. Et ces marges de manoeuvre, elles tiennent essentiellement à sa capacité de se changer, de se métamorphoser, de dire: « Ben voilà, oui c’est vrai, au début de mon quinquennat, je pensais que la croissance allait repartir en France. Je me suis trompé. J’ai engagé un certain nombre de dépenses et je n’aurais sans doute pas dû. Eh bien, j’en tire les conclusions. Aujourd’hui, je veux me concentrer sur la meilleure façon pour les Français, tous ensemble, de sortir de la crise. »
Je vois que l’on continue à se mobiliser sur ce qui me paraît secondaire, des réformes qui ne sont pas centrales ou qu’on continue à se mobiliser sur l’organisation partisane de l’UMP au sein de la majorité. Tout ceci ne me paraît pas à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui.
Donc, tirer les conséquences de ce qui marche comme de ce qui ne marche pas, je crois que pour un homme politique, c’est ce qui donne un peu cette huile sainte, cette huile sacrée qui permet d’aller plus loin, d’être entendu, d’être plus crédible.
Il faut reconnaître ses erreurs en marchant, et je pense que ça invite là aussi à une action politique modeste dans la crise. C’est toujours plus sûr et certainement plus utile. »
Source: Chat de Dominique de Villepin avec les lecteurs du site L’Internaute – 3 mars 2009