Invité d’Anne-Sophie Lapix sur Canal+, l’ancien Premier ministre a demandé que le gouvernement « se concentre sur l’essentiel », à savoir l’emploi, l’innovation et la lutte contre l’endettement.
Alors que le Président de la République a indiqué que la crise allait imposer des « efforts », Dominique de Villepin a ciblé le coût du paquet fiscal voté à l’été 2007 ainsi que les allègements de charges liés aux 35 heures. Verbatim.
Sur le Sommet social de mercredi dernier
Après l’urgence financière (…), il fallait faire place à l’urgence sociale. Et là aussi, nous ne savons pas pour combien de temps et nous ne savons pas à quel niveau. Je pense que c’était important que l’Etat marque son souci de justice sociale. Cela fait des mois que je réclame ce nouveau positionnement, cet infléchissement (…) avant la gauche, dès le lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy. J’ai toujours pensé que la priorité devait être donnée à la justice sociale, compte tenu des difficultés qui sont devant nous.
Mais ne perdons pas le sens du long terme. Nous devons préparer une sortie de crise. Il y a des priorités qui doivent être affirmées. Ma conviction, c’est que notre action en matière de réformes doit se concentrer sur l’essentiel. Là aussi, je pense que Nicolas Sarkozy doit tirer les leçons des derniers mois. On ne peut pas multiplier les réformes tous azimuts quand tout va aussi mal.
Il faut se concentrer sur l’essentiel. Et c’est quoi l’essentiel aujourd’hui:
-C’est l’emploi. Nous devons nous concentrer sur les grandes réformes encore à faire dans le domaine de l’emploi: contrat de travail, financement de la protection sociale.
- C’est aussi l’innovation: la France a besoin, dans la crise, se positionner en tête, sans quoi nous perdrons des places et notamment en matière de politique industrielle, une grand service public de l’innovation.
- Et c’est enfin la lutte contre l’endettement. Vous savez que nous aurons en 2009 plus de 100 milliards de déficit, c’est-à-dire 1500 euros de dettes supplémentaires par Français dont quelques centaines d’euros qui seront donnés aux plus faibles. C’est une charge inacceptable. Nous devons donc prendre en compte cette situation.
Sur le paquet fiscal et les allègements de charges liés aux 35 heures
Nous avons deux marges de manoeuvre (…). Il faut mettre l’ensemble de ces données sur la table. Nous avons d’un côté le paquet fiscal au sens large (près de 15 milliards d’euros) et nous avons les 35 heures, les allègements de charges liés aux 35 heures qui représentent plus d’une vingtaine de milliards d’euros.
Face à une crise qui va être longue, qui va être profonde, nous ne pouvons pas manquer de nous poser la question: est-ce que ces mesures qui sont prises à travers le paquet fiscal ou à travers l’allègement des charges pour les 35 heures, eh bien, apportent véritablement, à travers la crise, les contreparties que nous attendons? Est-ce qu’elles nous aident dans la crise?
Ce questionnement, il faut le faire, donc je suis pour qu’on réexamine très sévèrement et de façon très exigeante, à la fois le paquet fiscal et en même temps ces allègements de charges, à travers une question qu’a posée le Président de la République, mais à laquelle il n’a pas tout à fait répondu. Il a dit: « Il faut faire des efforts dans la crise ». Très bien, mais quels efforts? Quels efforts et comment les répartit-on? Je pense que c’est la question qui se pose aujourd’hui.
Oui, la France sortira de la crise, mais pour sortir bien de la crise, pour ne pas faire face à d’autres remous sociaux, à d’autres difficultés sociales, il faut que ce sentiment de justice soit partagé par tous, donc allons jusqu’au bout de la franchise, allons jusqu’au bout des négociations et prenons les bonnes décisions. (…)
On a le sentiment pour certains qu’il s’agit d’une crise qui va passer dans quelques mois: ce n’est pas ma conviction (…). Cette crise sera longue et pour passer les caps difficiles qui sont devant nous, nous devons mettre sur la table l’ensemble des marges de manoeuvre qui sont les nôtres et définir un consensus.
C’est important aussi dans la crise: ne nous divisons pas sur ce qui n’est pas l’essentiel. Quand on voit des réformes comme celle de l’audiovisuel public ou le retour de la France dans l’OTAN, tout ceci n’est pas d’actualité: concentrons-nous sur ce qui est essentiel.
A suivre, dans le prochain billet: l’Outre-Mer, l’Afghanistan, le retour de la France dans l’OTAN et Jacques Chirac
Dominique de Villepin – Dimanche + – 22 février 2009