Xavier Darcos, Rachida Dati, Valérie Pécresse, Yves Jégo… L’équipe de François Fillon est à la peine. Outre le phénomène d’usure naturelle, le management Sarkozy a affaibli leur autorité et leur crédit.
Les membres du gouvernement Fillon ont dû apprendre à vivre avec des conseillers de l’Elysée perçus comme de véritables ministres bis. Ces dernières semaines, les nominations en cascade de démineurs en tout genre (médiateurs, commissaires…) ont rogné encore un peu plus les pouvoirs de certains.
Pour ce Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Claude Guéant se font attendre. « S’ils sont en retard, c’est qu’ils sont en train de refaire le gouvernement », lâche Roselyne Bachelot afin de détendre l’atmosphère. « S’ils sont en train de le refaire, c’est que je n’y suis plus ! » réplique Yves Jégo.
Dans le salon Murat, en ce 13 février, flotte une certaine gêne. A la suite de la crise guadeloupéenne, le nom du secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer est venu s’ajouter à la liste, de plus en plus longue, des grands blessés de l’équipe Fillon. Cette semaine, il n’est pas le seul. Valérie Pécresse, qui affronte la colère des enseignants-chercheurs, connaît la même relégation.
C’est le lot des gouvernements: la plupart de ses membres s’usent au gré des réformes, des mécontentements qui les accompagnent, des maladresses dont ils sont responsables et des crocs-en-jambe dont ils sont victimes.
Ce qui est, en revanche, inédit avec le management Sarkozy, c’est qu’à ce processus naturel s’est ajoutée une perte d’autorité et de crédit des ministres. L’hyperprésidentialisation a renforcé leur inféodation. « Tu reviendrais au gouvernement, tu ne reconnaîtrais pas le job », glissait récemment un de ses titulaires à Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée.
« L’ambiance est mauvaise »
Qu’importe Valérie Pécresse ! Alors que le conflit avec les enseignants-chercheurs se propage aux universités, celle-ci confie sa colère au sujet du conseiller de l’Elysée chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche: « Il faut qu’il choisisse. Soit il négocie avec moi, soit il négocie avec les organisations étudiantes. »
Tant pis pour Michel Barnier! Le 10 février, le syndicat des Jeunes Agriculteurs sort furieux d’une entrevue avec leur interlocuteur auprès du chef de l’Etat et publie un communiqué courroucé: « Nous avons appris que l’Elysée reprenait en main une partie de la politique agricole commune. Certaines orientations du ministère nous convenaient. A l’Elysée, le discours est légèrement différent. »
Les membres du gouvernement Fillon ont dû apprendre à vivre avec des conseillers de l’Elysée perçus comme de véritables ministres bis. Ces dernières semaines, les nominations en cascade de démineurs en tout genre (médiateurs, commissaires…) ont rogné encore un peu plus les pouvoirs de certains.
Les circuits d’information leur rappellent en permanence leur condition. Lorsque le chef de l’Etat annonce devant les maires de France sa décision d’aménager le service minimal d’accueil à l’école, Xavier Darcos n’a pas été informé à l’avance.
Dans ce système, les bonnes nouvelles et les plans ambitieux sont réservés au président; le reste va aux ministres. Ceux-ci retrouvent alors leur fonction classique de fusible et, donc, de ministre cramé en puissance.
L’un d’eux complète le tableau: « Ce gouvernement est usé par la flagornerie. L’ambiance est mauvaise, mais le président l’a voulu ainsi. » « Quand Sarkozy pense du bien de vous, il le dit à tout le monde pendant quinze jours, ça vous revient de tous les côtés, et c’est assez jouissif! Mais, quand il n’est pas content, il fait pareil, et c’est beaucoup moins agréable… Depuis quelque temps, il est exaspéré par Jégo et tout le monde en entend parler! » décrit un autre.
Le 13 février, face à ce gouvernement désormais très critiqué à l’Elysée, Nicolas Sarkozy s’est fendu d’un rappel à l’ordre: « Soyez solidaires. Cela peut arriver à chacun d’entre vous d’être sous le feu des projecteurs, d’être malmené. Regardez François Fillon, il était fini. Il y a quelques mois, il avait tellement mal au dos… »
Aujourd’hui, les noms du prochain casting commencent à circuler. Claude Allègre devrait, cette fois-ci, en être; Philippe Séguin pourrait remplacer Rachida Dati à la Justice…
Source: Ludovic Vigogne (L’Express)