Le retour programmé de la France dans le commandement intégré de l’OTAN fait de plus en plus de vagues. Une partie des députés de la majorité exprime désormais ouvertement son opposition à la décision prise par le président Nicolas Sarkozy et réclame un vote du Parlement.
Le député Jacques Myard a déclaré que le retour de la France dans l’OTANT « serait une régression forte », tandis que Jean-Pierre Grand dénonce, pour sa part, un « arrimage plein et entier aux Etats-Unis ».
De son côté, Georges Tron estime qu’il y a « dans le monde entier des pays qui attendent de la France qu’elle demeure une transition, une passerelle, et qu’elle ne s’aligne pas sur les Etats-Unis ».
Samedi à Munich, Nicolas Sarkozy a confirmé sa décision de réintégrer la France dans l’ensemble des structures militaires de l’OTAN. Le retour de la France, sortie du commandement intégré sur décision du général de Gaulle en 1966, devrait être officialisé lors du sommet de l’Alliance à Strasbourg et Kehl les 3 et 4 avril prochains.
Mais ce tournant dans la politique étrangère de la France passe mal dans la classe politique. A gauche comme à droite, en passant par le centriste François Bayrou, des voix s’élèvent pour dénoncer la fin de l’indépendance française et un « alignement » sur les Etats-Unis. Tandis que M. Bayrou demande un référendum, les socialistes exigent un débat et un vote au Parlement.
Le gouvernement a donc décidé de multiplier les rencontres: les commissions des Affaires étrangères et de la Défense de l’Assemblée ont auditionné jeudi matin le secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer. Un groupe de travail interne au groupe UMP a entamé parallèlement des auditions.
Des réticences de plus en plus nombreuses dans la majorité
Lors d’une réunion du groupe UMP mercredi à l’Assemblée nationale, plusieurs députés – Lionnel Luca, François Goulard, Jacques Myard, Hervé Gaymard ou encore Guy Tessier, le président de la commission de la Défense – ont dit leurs réticences.
Le souverainiste UMP Jacques Myard a redit son opposition à un retour qui va « lier les mains » de la France et l’arrimer à un « bloc monolithique » occidental et dirigé par les Etats-Unis. « Ce serait faire litière de l’Europe de la défense, ce serait une régression forte », a ainsi estimé Jacques Myard.
« Ce qui nous dérange, c’est l’aspect symbolique », explique le souverainiste Lionnel Luca. « Pour un grand nombre de pays arabes, le fait que la France soit dans l’OTAN, c’est un mauvais signal. »
Les villepinistes en pointe
En pointe, les villepinistes dénoncent, à l’image de Jean-Pierre Grand, cet « arrimage plein et entier aux Etats-Unis ». « Il y a plein de questions qui se posent, et on n’a pas les réponses », a déploré le député de l’Hérault.
« Il y a dans le monde entier des pays qui attendent de la France qu’elle demeure une transition, une passerelle, et qu’elle ne s’aligne pas sur les Etats-Unis. Cette décision aujourd’hui risque de donner le sentiment de façon un peu rapide d’être alignée sur les Etats-Unis », a renchéri Georges Tron.
Ces deux proches de l’ancien premier ministre Dominique de Villepin ont demandé un débat suivi d’un vote du Parlement avant le sommet des 3 et 4 avril. Ils souhaitent aussi que l’ancien Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères soit auditionné par les députés UMP.
Un débat sans vote au Parlement?
« C’est un faux débat », a répondu Bernard Deflesselles, vice-président du groupe UMP: le député des Bouches-du-Rhône assure que la France conserverait « toute son autonomie et toute son indépendance ». Il est ainsi « hors de question » d’intégrer la force de dissuasion nucléaire dans l’OTAN. De plus, « à l’OTAN, il faut pour engager des troupes l’avis exprès du pays concerné ».
Les responsables de la majorité font valoir que la France participe déjà aux opérations militaires de l’OTAN, que ce soit au Kosovo, en Bosnie ou en Afghanistan.
M. Deflesselles a cependant admis la nécessité d’un « travail d’explication » sur ce sujet. Une réunion spécifique du groupe UMP sur le sujet est prévue mardi prochain en présence des ministres Bernard Kouchner (Affaires étrangères) et Hervé Morin (Défense).
En réponse à ces demandes, le président de l’Assemblée, Bernard Accoyer, s’est déclaré favorable à un débat dans l’hémicycle, qui pourrait se tenir fin mars. Mais il ne s’est pas prononcé sur la question d’un vote.
Même si beaucoup s’interrogent à l’UMP, les opposants ne se font pas d’illusion sur leurs chances de bloquer le processus. « On a avalé tellement de trucs depuis 25 ans », soupire Lionnel Luca.
Sources: L’Express, Nouvel Observateur et La Presse Canadienne