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Max Gallo: En temps de crise, le vrai leader est celui qui sait "voir loin et voir vite, avant les autres"

Tout comme Dominique de Villepin hier matin au micro d’Europe 1, Max Gallo estime, dans une interview au Journal du Dimanche, qu’au-delà de la crise conjoncturelle que nous traversons, un Monde Nouveau est en train de se dessiner.

« Nous vivons un processus de transformation majeur comparable à la fin de l’Antiquité romaine ou au passage du Moyen Age à l’âge moderne, à travers la Renaissance. Nous sortons d’un monde qui s’est mis en place à la fin du XVIe siècle et qui a atteint son apogée à la fin du XIXe siècle », affirme l’académicien.

Dans cette période de transformation historique, il affirme que les vrais leaders sont ceux qui sont capables d’anticiper: « Voir loin et voir vite, avant les autres. Il faut pour cela de l’intelligence et du caractère ».

Comment les grands hommes se révèlent dans les crises, comment leurs choix modifient le cours de l’Histoire… C’est la matière habituelle d’étude de Max Gallo qui a écrit aussi bien sur Louis XIV, Napoléon, Garibaldi, Victor Hugo, de Gaulle, les résistants. Il publie le 16 février le tome 2 de sa Révolution française (XO Editions). Interview pour le Journal du Dimanche

Le Journal du Dimanche: Comment analysez-vous la situation actuelle?

Max Gallo: Nous vivons un processus de transformation majeur comparable à la fin de l’Antiquité romaine ou au passage du Moyen Age à l’âge moderne, à travers la Renaissance. Nous sortons d’un monde qui s’est mis en place à la fin du XVIe siècle et qui a atteint son apogée à la fin du XIXe siècle. Depuis le conflit de 14-18, nous sommes dans un enchaînement de guerres et de crises, symptômes d’une mutation qui prendra sans doute encore plusieurs décennies.

Dans une période telle que celle que nous vivons, quelles sont les qualités nécessaires à un leader?

Tout d’abord la lucidité, c’est-à-dire le contraire de la myopie. Les processus à l’oeuvre sont très complexes. On ne demande évidemment pas à un Président d’être l’équivalent d’un Prix Nobel d’économie mais on peut lui demander d’être capable d’écouter un Prix Nobel d’économie. Sa responsabilité, c’est de décider, de fixer un cap et de le suivre.

Coûte que coûte?

Non, contradictoirement, il lui faut une grande capacité d’adaptation aux faits, être à la fois dans le court et le long terme. Il y a une belle citation de Charles de Gaulle au moment où il affrontait, en 1963, la grande grève des mineurs: « L’action comporte toujours à court terme des dommages dans l’opinion. Mais si on veut ménager la chèvre et le chou, et danser d’un pied sur l’autre, les dommages à long terme sont irréparables. » En même temps, il eut l’intelligence de céder quand il comprit que son ordre de réquisition n’avait aucun effet.

Comment se construit la prise de décision?

Le plus important, c’est la capacité d’anticipation. Par exemple, Churchill qui a compris tout de suite que la conciliation de Munich ne réglerait aucun problème. Ou bien de Gaulle: en juillet 1940, c’est encore la bataille d’Angleterre. L’Allemagne nazie domine de Varsovie jusqu’à Paris. Ni les Etats-Unis ni l’Union soviétique ne sont encore entrés en guerre et pourtant de Gaulle sait déjà que l’Allemagne sera vaincue. C’est l’oeil d’aigle, voir loin et voir vite, avant les autres. Il faut pour cela de l’intelligence et du caractère.

Et une aptitude à sortir des vieux schémas?

Oui, le grand homme est celui qui possède cette capacité de transgression. La candidature à la présidence de la République, par exemple, passe souvent par une transgression. François Mitterrand a accompli sa transgression majeure en 1965 quand il a décidé de s’allier avec les communistes. En disant « oui mais… » à de Gaulle, Giscard a accompli, lui aussi, une transgression, il anticipait la fin du gaullisme.

En 1983, vous étiez près de François Mitterrand à un moment clé de sa présidence.

Ce fut une longue méditation qui a duré des mois. François Mitterrand avait compris l’échec de la relance par la consommation. La question de la sortie du système monétaire européen se posait. Il a beaucoup consulté ceux qu’on appelle « les visiteurs du soir » puis il a finalement choisi le tournant de la rigueur.

Des mois… Tout va plus vite aujourd’hui.

C’est une difficulté de nos sociétés. On assiste à une multiplication des avis, ceux des experts et ceux des citoyens. Cela rend plus difficile le choix. D’autre part, le prince gouverne sous l’oeil des caméras. Il doit anticiper le temps long mais tenir compte de la courte durée, des échéances électorales.

Source: Le Journal du Dimanche

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