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Dominique de Villepin au Progrès de Lyon: Il faut "privilégier les réformes qui rassemblent"

Dans une interview au quotidien Le Progrès, Dominique de Villepin invite Nicolas Sarkozy et le gouvernement à privilégier les réformes qui rassemblent. En matière de politique étrangère, il rappelle la nécessaire fidélité à « la politique d’indépendance et d’équilibre de la France ».

Le Progrès: Votre analyse du plan de relance?

L’orientation est bonne, parce que l’idée du plan est de se concentrer sur l’investissement. Mais je lui vois deux défauts. Le premier, c’est le saupoudrage. Or, il ne faut pas se disperser. Le second, c’est de ne pas mettre l’accent suffisamment sur la modernisation de la France. Ce qui se joue, c’est d’abord notre capacité à rebondir après la crise. C’est pour cela qu’il faut se concentrer sur deux axes essentiels, l’emploi et l’innovation, susceptibles d’enclencher une dynamique de productivité et de compétitivité. Parallèlement, il faut un vrai plan pour accompagner les plus fragiles: les personnes âgées, les jeunes, les femmes seules et les travailleurs pauvres.

Ce n’est pas le cas?

Le gouvernement fait le choix de relancer les projets d’infrastructure, en rénovant ici un monument, ou en améliorant une section de route nationale. C’est, à mon avis, une réponse un peu décalée par rapport aux enjeux de la crise mondiale que nous traversons. L’enjeu, c’est de sortir plus fort de cette crise, en musclant nos entreprises, la recherche et l’innovation, et en aidant chaque chômeur à retrouver un emploi.

Jamais depuis le CPE, autant de Français n’avaient manifesté. Que faire?

Fixons un cap clair, celui de la modernisation, mais évitons une crise de confiance. Concrètement, l’Etat vient de garantir notre système financier, en intervenant massivement. Disons très simplement aux Français qu’il y a trois domaines qui sont aussi stratégiques que le système financier: la qualité de l’éducation pour tous nos enfants, la qualité de notre système de soin, et le droit à la retraite. Cela veut dire par exemple que l’hôpital comme l’éducation nationale ne doivent pas se sentir menacés.

M. Fillon a confirmé dans nos colonnes ne vouloir remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite en 2010…

J’ai été Premier ministre et je sais qu’il y a des choix douloureux. Mais il est parfois préférable de prendre le temps nécessaire pour créer le consensus. Nos services publics jouent un rôle important d’amortisseurs dans la crise, mais aussi de compétitivité économique. Pendant de nombreuses années, j’ai entendu la ritournelle de ceux qui voulaient importer en France le modèle anglo-saxon. Je m’y suis toujours refusé, par conviction et par choix de société, tout en défendant l’indispensable modernisation.

Quel est votre rôle aujourd’hui?

Je souhaite, comme d’autres, contribuer à la réflexion et à l’action à travers mon expérience. Notre démocration a besoin de propositions et de débats. Je me situe dans une approche politique constructive. Face à la crise, il nous faut privilégier les réformes qui rassemblent. Est-ce que la réforme du juge d’instruction ou de France Télévisions est prioritaire? Je n’en suis pas sûr, pas plus que ne me paraît fondé le retour de la France dans l’OTAN. La politique d’indépendance et d’équilibre de la France est particulièrement nécessaire dans le nouvel ordre du monde. Il y a une exigence de modernisation et de fidélité à nos valeurs.

Source: Nathalie Mauret (Le Progrès)

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