Le signe d’un volontarisme intact ou une fuite en avant destinée à masquer la fin de la « rupture »? Interrogations.
Et une réforme de plus, une! Vendredi, Nicolas Sarkozy a détaillé son projet de réorganisation des hôpitaux publics. La veille, il avait dû rassurer les psychiatres, déstabilisés par ses plans concernant la prise en charge des malades mentaux. Mercredi, il dévoilait une réforme de la procédure pénale, qui remplacerait le juge d’instruction par un « juge de l’instruction », chargé de superviser les enquêtes au lieu de les mener lui-même.
Passé les six mois frénétiques de sa présidence européenne, le chef de l’Etat a retrouvé le rythme des débuts: une annonce par jour, dans les domaines les plus divers et parfois improbables. On attend déjà la réforme du permis de conduire (mardi prochain), un mini-remaniement du gouvernement (peut-être mercredi) et des mesures pour restructurer la presse écrite (bientôt).
La stratégie est connue: il faut occuper le terrain, ne pas laisser l’opposition souffler, dicter en permanence son agenda. Sauf que, cette fois, la technique semble atteindre ses limites. Les médias français, dans l’une de ces analyses politico-psychologiques qu’ils affectionnent, se demandent si le président ne s’est pas lancé dans une fuite en avant, destinée à masquer le manque d’ambition et de direction des réformes.
Signe qui ne trompe pas: son vieil ennemi, Dominique de Villepin, est sorti de son silence pour pilonner la « dispersion » de Nicolas Sarkozy. « L’hyperactivité n’est pas suffisante, a déclaré l’ancien premier ministre. Il faut donc un président capable de hiérarchiser les problèmes et de se consacrer à l’essentiel. Faire des images, c’est une chose, mais je crois qu’on a besoin de temps en temps de se recaler à la réalité. »
D’autres observateurs ont noté que Nicolas Sarkozy a dû reculer sur plusieurs dossiers: l’assouplissement du travail le dimanche (repoussé) ou la suppression de postes de professeurs (limitée). Quant à la « rupture », thème préféré du début de mandat, elle s’est faite rare dans ses discours.
Officiellement, bien sûr, le président ne lâche rien. « La rupture, c’est la réforme, et la réforme, c’est la rupture », explique son porte-parole Franck Louvrier. Cette semaine, Nicolas Sarkozy a même revendiqué le terme d’ »omniprésident » dont l’a affublé la presse: « Je préfère qu’on dise ça de moi plutôt que roi fainéant », a-t-il expliqué devant les parlementaires de son parti. Mais son intervention n’a guère impressionné l’assistance: « C’était très convenu », estime un proche d’un dirigeant de la majorité.
Le coup de mou de début d’année est un peu une habitude chez Nicolas Sarkozy. L’an dernier, une conférence de presse ratée, centrée sur le nébuleux concept de « politique de civilisation », avait précipité sa chute dans les sondages.
Aujourd’hui, la popularité du président est à nouveau en hausse. Mais la critique sur sa méthode n’a rien perdu de son acuité: « Le problème n’est pas de faire beaucoup de réformes et de les faire vite, mais de les faire avec intensité et résultat, estime Hervé Mariton, un député qui fait figure de dissident au sein de la majorité. Un certain nombre d’entre nous le disent depuis le début du mandat, mais ça s’est aggravé et nous sommes plus nombreux à le penser. »
La crise financière est une autre source d’inquiétude. Nicolas Sarkozy a remporté la présidentielle de 2007 avec un programme d’inspiration essentiellement libérale. Aujourd’hui, il professe un « retour de l’Etat » qui fait grincer des dents une partie de la droite.
Elle craint de voir réapparaître un vieux travers français: le président promet de réformer drastiquement les politiques publiques, avant d’y renoncer et de multiplier les dépenses destinées à acheter la paix sociale, ce qui creuse les déficits et la dette.
C’est la menace qui plane désormais sur la suite du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Source: Sylvain Besson (Le Temps)