Dans ses voeux aux parlementaires, le chef de l’Etat a estimé, hier, que la relance par la consommation « ne sert à rien ». Et il a fait la leçon aux élus de tous bords, sans toutefois dire un mot du retrait du texte contesté sur le travail dominical.
Le 31 décembre, lors de ses voeux aux Français, Nicolas Sarkozy s’était déclaré prêt « s’il le faut, à faire davantage » contre la crise économique. Il a dit peu ou prou la même chose hier en présentant ses voeux aux parlementaires, mais en y ajoutant une précision de taille. Comme le Premier ministre la veille, le chef de l’Etat a rejeté toute relance par la consommation : « Si la relance par la consommation marchait, cela se saurait. On en a eu deux, une de Chirac, une de Mitterrand. Cela ne sert à rien. Dans les deux cas, on a versé de l’eau dans le sable, on a accru les déficits de la France, nous n’avons pas gagné de parts de marché et en plus nous avons poussé les productions étrangères et les délocalisations. »
Dans un contexte social tendu, la première secrétaire du PS, Martine Aubry, et le président du Modem, François Bayrou, réclament un second plan de relance orienté sur le pouvoir d’achat. Et sans aller jusque-là, des élus de la majorité pourraient bien, à l’instar du rapporteur général du budget, Gilles Carrez, souhaiter des crédits supplémentaires en faveur des plus défavorisés.
« Que chacun garde son sang-froid », a martelé Nicolas Sarkozy, tant lors du Conseil des ministres que face aux parlementaires. Les uns et les autres en auront sans doute besoin s’ils doivent expliquer aux électeurs que l’Etat « prêtera » à nouveau aux banques : « Nous irons au-delà de la première tranche de fonds propres prêtés (10,5 milliards, NDLR) en décembre », a réaffirmé hier le président.
L’invite au « sang-froid » pouvait aussi s’entendre globalement hier, Nicolas Sarkozy ayant fait la leçon aux parlementaires de tous bords. A la gauche, il a reproché ses tactiques d’obstruction et ses « amendements déposés à la brouette », jugeant que « ce n’est pas une démocratie mature qui fait comme cela » et appelant de ses voeux un consensus plus qu’improbable sur la loi organique réformant la procédure parlementaire.
Aux élus de droite qui se plaignent d’un agenda trop chargé sans hiérarchisation suffisante des réformes, il a lancé : « Je sais combien vous êtes accaparés, vous êtes nombreux à me le dire (…) Mais enfin, quel parlementaire pourrait se plaindre d’avoir trop de travail dans la situation actuelle de notre pays ? » Et d’ajouter : « On va continuer à travailler et à travailler très dur. » Quitte à revendiquer le qualificatif d’ »omniprésident ». « Je préfère plutôt qu’on dise cela que roi fainéant », comme « on en a connu » , a-t-il lancé, en visant implicitement Jacques Chirac.
En revanche, le chef de l’Etat n’a pas dit un mot sur la proposition de loi sur le travail dominical, retiré la veille de l’agenda parlementaire, si ce n’est par une allusion aigre-douce au tout début de son intervention lorsqu’il a salué – sans parler de lui, a-t-il juré – ceux qui ont vécu « l’expérience de se sentir minoritaire dans leur famille politique.
Plusieurs élus de la majorité n’ont relevé ni cette remarque ni la leçon qu’ils venaient de recevoir, préférant retenir le silence du chef de l’Etat sur une réforme qui ne les convainc pas. Le vice-président du groupe UMP à l’Assemblée, Jean Leonetti, était tout sourire. « Cela veut dire qu’il y tient moins qu’avant », a souligné, de son côté le député de la Somme Alain Gest, qui espère que l’exécutif donnera priorité à la loi sur le logement.
Le chef de file des députés, Jean-François Copé, comptait bien convaincre le chef de l’Etat (qu’il voit ce matin lors du petit déjeuner des dirigeants de la majorité) de ne reprogrammer la proposition de loi sur le travail dominical qu’après l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure parlementaire (limitant le temps de débat dans l’hémicycle).
Source: Elsa Freyssenet (Les Echos)