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Juges d'instruction: ne pas régler la question "en quelques heures", estime Hervé Mariton

Le député UMP de la Drôme Hervé Mariton a souhaité mercredi que Nicolas Sarkozy ne « règle pas en quelques heures » une éventuelle réforme concernant les juges d’instruction.

Le rôle du juge d’instruction

Le juge d’instruction est un magistrat du tribunal de grande instance (TGI), chargé des dossiers les plus sensibles. Il ne peut s’auto-saisir d’une affaire : il est saisi par le procureur de la République qui ouvre une information judiciaire ou par un particulier qui porte plainte en se constituant partie civile.

Son rôle n’est pas de juger mais de rassembler tous les éléments de l’affaire, qu’ils soient à charge ou à décharge, afin de préparer un procès pénal. En recherchant la « manifestation de la vérité », il doit établir clairement les faits et en identifier les auteurs et les complices présumés.

Dans le cadre de l’information judiciaire, il peut procéder à des perquisitions, confrontations, écoutes téléphoniques, reconstitutions des faits.

Lorsque son travail lui paraît terminé, le juge d’instruction peut rendre une ordonnance de non-lieu ou renvoyer la personne mise en examen devant la cour d’assises ou le tribunal correctionnel pour y être jugée.

L’interview d’Hervé Mariton ce matin

« Je ne sais pas ce que le président de la République dira cet après-midi, mais je trouverais mieux qu’il ne pose pas à la fois la question et la solution en même temps », a déclaré ce matin à i-Télé M. Mariton, proche de l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin.

« Le président de la République a raison de poser la question » mais l’éventuelle suppression du juge d’instruction est « une question complexe » pour laquelle il faut « le temps de la réflexion », a-t-il ajouté.

« Le président de la République a raison d’ouvrir le débat » mais « je préférerais que ça ne se règle pas en quelques heures simplement », a-t-il insisté.

L’annonce de Nicolas Sarkozy cet après-midi

Comme annoncé, Nicolas Sarkozy a proposé mercredi la suppression de la fonction de juge d’instruction, lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation.

Le juge d’instruction est actuellement chargé de l’enquête pour les affaires judiciaires les plus graves. Magistrat du siège(*) indépendant du pouvoir exécutif, il est senser mener, avec la police, une enquête aussi bien à charge qu’à décharge, assurant ainsi l’équité de la justice. Il est à la fois enquêteur et arbitre, chargé d’établir les faits et de préparer le dossier en vue de l’organisation du procès. Mais ce personnage central de la procédure pénale en France, considéré comme trop seul et trop puissant, fait l’objet de critiques régulières depuis 20 ans.

Celui-ci ne peut plus « être l’arbitre » en l’état actuel, estime Nicolas Sarkozy. « La confusion entre les pouvoirs d’enquête et les pouvoirs juridictionnels du juge d’instruction n’est plus acceptable. Un juge en charge de l’enquête ne peut raisonnablement veiller en même temps à la garantie des droits de la personne mise en examen ». C’est pourquoi selon lui, « il est temps que le juge d’instruction cède la place à « un juge de l’instruction », qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus ».

Oter au juge d’instruction ses pouvoirs d’enquête reviendrait à les transférer aux seuls magistrats du parquet, hiérarchiquement soumis au ministère de la Justice. Le juge de l’instruction devra notamment de son côté statuer sur les mesures privatives de libertés (mise sur écoute, perquisition, etc.) demandées par les enquêteurs.

Parmi les autres lignes directrices de la future réforme figure aussi la suppression du secret de l’instruction, « une fable à laquelle plus personne ne croit » selon Nicolas Sarkozy. Celui-ci serait remplacé par un « secret de l’enquête avec comme seule limite de renforcer la communication du parquet afin de (…) démentir les informations fausses » destinées à « nuire à tel ou tel ».

Le chef de l’Etat a aussi souhaité que les décisions de placement en détention provisoire soient confiées à « une audience collégiale publique ». Sa mise en place entraînerait la suppression de fait de l’actuel juge des libertés et de la détention (JLD), créé par la loi sur la présomption d’innocence en 2000. Cette proposition figurait parmi les recommandations de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau.

Une proposition très fortement contestée

La mort annoncée du juge d’instruction suscite des remous depuis lundi. Une centaine d’avocats et de juges d’instruction se sont rassemblés mercredi sur les marches du palais de justice de Paris pour dénoncer ce projet. Ils craignent les pressions que pourraient exercer le pouvoir politique sur les magistrats du parquet chargés de mener l’enquête. Ces derniers ne sont actuellement pas indépendants puisqu’ils sont nommés par le pouvoir et contrôlés par la Chancellerie.

(*) Les magistrats du siège sont les juges, qui sont totalement autonomes. Alors que les magistrats du parquet sont les procureurs et leurs substituts, soumis au pouvoir hiérarchique du ministère de la Justice.

Sources: Agence France Presse et Le Figaro

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