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Ces députés UMP qui tiennent tête à Nicolas Sarkozy (1/2)

Le Parlement a suspendu ses travaux jusqu’au 5 janvier. Une trêve bienvenue pour l’exécutif qui se retrouve face à des élus de plus en plus déterminés à affirmer leur pouvoir. Dernier exemple en date, la discussion de la proposition de loi sur l’ouverture des commerces le dimanche s’est achevée mercredi 17 décembre au soir, avant même d’avoir pu commencer.

Le chef de l’Etat qui tenait à ce que ce texte « marqueur » soit inscrit « coûte que coûte » s’est heurté à la grogne récurrente des élus UMP.

L’alerte est significative. Au fil des mois, Jean-François Copé, le « patron » des députés de l’UMP, s’est imposé comme l’interlocuteur direct du chef de l’exécutif, éclipsant le rôle du gouvernement et du premier ministre. Une situation que l’un comme l’autre tentent d’apprivoiser, mais dont nul ne mesure encore tous les effets.

Ce nouvel équilibre est instable. Il repose en partie sur l’arme de la dissuasion. M. Sarkozy ne cesse de répéter aux députés de sa majorité que c’est à lui qu’ils doivent leur (ré) élection ; M. Copé veille à lui rappeler que, faute de prise en compte des demandes des élus, ça risque de « coincer ». « J’ai atteint la première partie de mon objectif, confie le maire de Meaux, me rendre indispensable. Je ne suis pas un contre-pouvoir, je suis un pouvoir. Je suis, tout simplement. »

Les responsables présents aux petits déjeuners hebdomadaires de la majorité – organisés à l’Elysée et non plus à Matignon – rapportent volontiers les échanges « musclés » entre les deux hommes. Lorsque M. Sarkozy a convoqué ministres et députés autour d’une table, lundi 15, pour négocier un compromis sur le travail du dimanche, c’est M. Copé qui lui faisait face.

Le chef de file des députés a théorisé cette cohabitation inédite sous le vocable de « coproduction législative ». Il l’assortit d’un mode d’emploi : « 100 % liberté de débat dans le groupe, 100 % soutien à l’exécutif. » Les deux membres de l’équation sont indissociables. M. Copé, aussi soucieux soit-il d’affirmer son autonomie, doit veiller à ce que le premier ne prenne pas le pas sur le second. Sinon…

Au cours d’un petit déjeuner très privé qui a réuni, lundi 15, le président de la République, le député de Seine-et-Marne et les deux hommes forts de l’UMP, Xavier Bertrand et Brice Hortefeux, M. Sarkozy a soudain lâché : « Tu sais, j’aurais pu mettre Estrosi à ta place… »

Le problème est qu’il ne le peut plus : M. Copé, élu pour cinq ans, est à présent « indéboulonnable ». Et il répète qu’il ne lâcherait ce poste « pour rien au monde ». « Sarkozy commence à mesurer que sa majorité est un sujet qu’il doit traiter. Le Parlement godillot n’existe plus », souligne le chef de file des députés, se décrivant comme « la glissière d’autoroute qui évite que ça parte en vrille ».

Car les élus ont pris goût à cette liberté conditionnelle. Quel changement de ton entre la réception à l’Elysée des députés de l’UMP, le 7 mai, et la dernière en date, le 10 décembre ! Lors de la première, alors que des dissonances s’étaient fait entendre sur les OGM, le président de la République avait pris la parole pendant une heure pour « recadrer » sa majorité. Sept mois plus tard, il ouvre la discussion en disant « je vous écoute » : travail du dimanche, audiovisuel, plan de relance, les critiques s’expriment sans détours. Et il ne suffit plus d’une réunion pour les faire taire.

La mise en oeuvre de la révision constitutionnelle – ordre du jour partagé entre le gouvernement et le Parlement, délai d’examen des textes en commission, examen en séance du texte issu de la commission – est passée par là : elle oblige le président de la République à composer là où, auparavant, il avait plutôt tendance à vouloir passer en force. M. Sarkozy n’y était pas habitué. « Ce n’était pas son logiciel au départ », relève M. Copé.

La situation risque de s’avérer d’autant plus complexe qu’une autre « légitimité » est en train de s’affirmer au Sénat. Le nouveau président, Gérard Larcher, a besoin à la fois de restaurer une image de l’institution passablement écornée et de prendre en compte la fragilité de la majorité.

« Nous ne procédons pas de l’élection présidentielle, rappelait-il récemment. Ici le son du canon n’existe pas, il faut donc jouer du violon, ce qui est normal quand on s’appelle Larcher… » Aussi entend-il se porter garant de l’expression du Parlement et veiller à ce que les droits de l’opposition soient respectés.

Le projet de loi sur l’audiovisuel, qui viendra en discussion au Sénat à partir du 7 janvier, après avoir beaucoup agité l’Assemblée nationale constituera un véritable test.

Source: Patrick Roger (Le Monde)

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