Le député libéral-villepiniste Hervé Mariton a suggéré dimanche soir sur BFM un report de l’examen du texte controversé sur le travail dominical, qui doit reprendre le 15 janvier à l’Assemblée, estimant que cette réforme n’est pas une priorité.
« Ce n’est pas urgent. Faisons gaffe. Il y a derrière cela des questions de société sur lesquelles nous devons travailler davantage. Allons sur les sujets sur lesquels nous sommes prêts », a ajouté M. Mariton, habituelle voix critique de la majorité qui a voté contre la réforme de l’audiovisuel.
Volontiers franc tireur au sein de la majorité, Hervé Mariton revient, dans une interview au Journal du Dimanche, sur une fin d’année politique chargée. Tel un leitmotiv, le député de la Drôme déplore la méthode avec laquelle certaines réformes ont été préparées par le gouvernement.
Le Journal du Dimanche: Audiovisuel public ou travail dominical, les débats ont été houleux ces dernières semaines à l’Assemblée, y compris même au sein de la majorité. Comment analysez-vous cela?
Hervé Mariton: Je me rends compte que ce que je disais au début de la législature, sur le fait que les réformes, si elles devaient être rapides et nombreuses, devaient aussi et surtout être préparées en profondeur, est aujourd’hui devenu le message majoritaire. Sur ce point, je ne peux donc être que satisfait. Ensuite, je dis que si chacun a le courage de vouloir transformer les choses, cela permettra à la majorité de réaliser des progrès considérables.
Est-ce un avertissement que vous lancez au gouvernement?
Non, je ne me permettrais pas. Mais, je pense que le diagnostic est clair et que ce sentiment est partagé. En 2007, on a démontré l’idée que la majorité voulait réformer très vite. En 2009, il faudra montrer que l’on veut réformer bien et sérieusement.
Dans quel état d’esprit se trouve le député que vous êtes à l’issue de cette année 2008?
Je suis d’un joyeux tempérament… Je suis heureux d’avoir beaucoup travaillé. Et j’ai l’espoir que l’on puisse transformer l’an prochain ce plus de confiance emmagasiné. Le pouvoir ne se donne pas, il se prend. Il faut donc que les parlementaires de la majorité prennent le pouvoir afin de transformer la méthode et l’intensité de la réforme.
Quitte à s’opposer au gouvernement, comme, à titre personnel, vous l’avez fait au sujet de la réforme de l’audiovisuel public?
Dans ce cas précis, c’est vraiment s’inventer une réforme dont le pays n’a absolument pas besoin. J’ai voté donc « non », mais en responsabilité, sans rien retirer à mon engagement et à ma fidélité pour l’UMP. Mais, à un moment, quand on pense qu’un texte, sur ses points importants – car tout n’est pas à jeter – n’est pas bon, il faut savoir dire « non ». Surtout quand il s’agit d’un texte qui n’est pas essentiel, qui remet en cause la solidarité et l’union de la majorité.
Que vous inspire le projet d’extension du travail dominical?
C’est un autre problème. Sur ce sujet, le débat s’est mal engagé, en ce sens que l’on a sous-évalué les questions de société qui sont derrière. Je suis d’ailleurs très flatté que le groupe UMP m’ait confié pour 2009 la mission d’éclairer les questions de société (*). C’est pour moi un vrai challenge que de réfléchir aux réformes dont a besoin notre société, tout en conservant les valeurs auxquelles nous tenons.
Quel bilan tirez-vous de la présidence française de l’UE?
Le bilan est à la fois positif, décevant et stimulant… Positif sur la réaction à la crise financière, qui a été bonne. Il est plus décevant en revanche sur le plan diplomatique. En Géorgie, on a réussi à éviter le pire, mais on n’a toutefois pas à être fier de la résignation russe. Sur le plan institutionnel, la France a créé une impulsion qui est intéressante. On a donné une utilité à l’Europe dans la réforme, on a créé une dynamique. Mais pour que celle-ci n’en reste pas au stade des incantations, il faudra la faire durer, la transmettre. A ce titre, je ne suis pas sûr que de « bâcher » la future présidence tchèque soit la meilleure façon de faire.
Vous parlez des relations entre Paris et Prague, mais certains disent également que l’axe franco-allemand a été mis à mal tout au long de ces six derniers mois. Est-ce votre avis?
Qu’aujourd’hui, on se rende compte qu’il faut faire quelque chose avec les Allemands, on ne peut que trouver ça bien…
Et quel regard portez-vous à la nomination de Bruno Le Maire, germanophile, mais également villepiniste, à la tête du secrétariat d’Etat chargé des Affaires européennes?
Vous l’aurez relevé, il a lui-même dit qu’il n’était pas villepiniste… Ensuite, c’est un homme de qualité. Et la nomination d’un homme de qualité n’est jamais une erreur. S’il a été nommé pour d’autres motifs que sa seule compétence, ce n’est pas à moi qu’il faut le demander…
Dominique de Villepin n’aura pas droit au grade de Grand officier de la légion d’honneur, comme d’autres anciens Premiers ministres. Nicolas Sarkozy a-t-il manqué de fair play?
La grandeur d’une âme grandit tous les hommes (sic)…
N’avez-vous pas été trop déçu par la défaite de John McCain (**) aux Etats-Unis?
Ce n’est pas parce que je n’étais pas en faveur de Barack Obama que je ne peux pas reconnaître que ses débuts sont plutôt bons. Ce que je pointais du doigt était le risque d’une capitalisation uniquement centrée sur son image, aux dépens de la méthode. Or, la méthode, très bien maîtrisée, est au rendez-vous. Je rêve qu’en France, on en fasse de même.
Vous trouvez qu’en France, on est trop sur l’image et pas assez sur la méthode?
Tout à fait.
(*) Le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, a confié à Hervé Mariton, le soin d’approfondir la réflexion de la droite sur les grands sujets de société.
(**) Hervé Mariton a été l’un des rares hommes politiques français à avouer sa préférence pour le candidat républicain contre Barack Obama.
Source: Nicolas Moscovici (Le Journal du Dimanche)