François Baroin est l’un des rares membres de la majorité à avoir clairement pris position contre la nomination du président de France Télévisions par Nicolas Sarkozy. D’après le député UMP et maire de Troyes, c’est « un retour en arrière ».
Le chef de l’État, qui recevait les députés de la majorité mercredi 10 décembre, lui a répliqué : « C’est un procès d’intention que tu me fais. » Dans un entretien accordé au point.fr, François Baroin persiste et signe.
Le Point : Après votre prise position sur la loi audiovisuelle, vous vous êtes fait tancer par Nicolas Sarkozy ?
François Baroin : Non, il ne m’a pas tancé. On se connaît depuis longtemps, avec le Président. Quand il était le porte-parole d’Édouard Balladur, j’étais celui de Jacques Chirac. Donc on s’est accrochés plus d’une fois ! (sourire). Là, en l’occurrence, notre échange était respectueux et sa réponse a été courtoise. Mais vous savez, en m’opposant à la nomination du patron de France Télévisions, je pense rendre service au chef de l’État. Je suis le seul à lui parler franchement. De quoi ont peur mes petits camarades ? Qu’il ne soit pas content ? Au lieu de ça, la gauche monopolise le débat en se faisant passer pour les seuls défenseurs de la liberté de la presse. Des défenseurs de la liberté de la presse, il y en a à droite. Bien sûr, je réagis aussi en ancien journaliste.
Comment l’entrevue s’est-elle passée avec le président de la République ?
En nous recevant à l’Élysée, il a évoqué, en s’adressant à moi, le fait que Patrick de Carolis avait été désigné par le CSA alors qu’il avait cosigné un livre d’entretien avec Bernadette Chirac. Il voulait démontrer qu’il n’avait pas été nommé par le CSA mais, en vérité, par Jacques Chirac. Mais je tiens à dire que si Jacques Chirac avait proposé de désigner lui-même le président de France Télévisions, je m’y serais opposé de la même façon.
Qu’avez-vous répondu à Nicolas Sarkozy ?
Je lui ai dit qu’il n’allait pas au bout de sa logique. Soit le CSA est aux ordres, et alors, on n’a pas besoin de son avis qui sera de toute façon « conforme ». Dans ce cas-là, il faut le supprimer, ce dont Nicolas Sarkozy est convenu. Ce qui gêne le chef de l’État, ce sont les autorités administratives indépendantes. Il voudrait mettre France Télévisions sur le même pied qu’EDF, la SNCF ou la RATP. Ce n’est pas la même chose. S’agissant d’EDF, c’est la sécurité nucléaire du pays qui est en question. Il est normal que l’État soit aux commandes. Concernant la RATP et la SNCF, là encore, c’est la sécurité de millions de voyageurs qui est engagée. Mais France Télévisions, c’est autre chose. C’est une entreprise de création et d’information. Le CSA est certes une institution imparfaite, mais elle est utile.
Peut-être fallait-il tout simplement réformer le CSA ?
Bien sûr, on pouvait, par exemple, faire en sorte que les membres du CSA soient désignés par les commissions compétentes des assemblées, et que les auditions des futurs membres soient publiques et diffusées sur les chaînes parlementaires.
Voterez-vous le projet de loi audiovisuel finalement ?
Je m’abstiendrai sur l’ensemble du texte. Je n’ai pas de problème particulier avec la suppression de la publicité. J’adhère à l’idée d’une entreprise unique pour France Télévisions. C’est vrai que ça finissait par ressembler à des poupées russes. Mais cette réforme ne me paraît pas opportune.
Pensez-vous que le financement de France Télévisions soit pérenne ?
Nous sommes dans le cadre d’un budget annualisé. Donc, pour la première année, pas de problème, l’État garantit 450 millions d’euros. Maintenant, qu’en sera-t-il en 2010, 2011… ? J’ai cru comprendre que Gilles Carrez, le rapporteur général de la commission des finances, exprimait des réserves. Disons que je pense que Nicolas Sarkozy tiendra parole et versera les 450 millions d’euros promis pendant trois ans. Mais on sait ce qu’il en est des lois de programmation militaire quinquennales. Elles sont révisées au bout de deux ans. C’est comme le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, au bout d’un moment, on supprime des choses…
L’augmentation de la redevance n’était-elle pas la meilleure source de financement de France Télévisions ?
Logiquement, c’est la meilleure. En pratique, vu la conjoncture, c’est injouable. On aurait dû reporter la réforme de l’audiovisuelle à des jours meilleurs, le temps de sortir de la crise.
Source: Emmanuel Berretta (Le Point)