Pour le Président du Conseil constitutionnel, les Sages ont connu ces derniers mois, sous son impulsion, une “évolution très importante”. En attendant que la réforme des institutions ne vienne “changer la nature” du Conseil.
Profession Politique: Le Conseil constitutionnel s’apprête-t-il à connaître une petite révolution, avec la réforme constitutionnelle ?
Jean-Louis Debré: Le Conseil constitutionnel est à l’aube d’une nouvelle vie pour plusieurs raisons. D’abord, la réforme constitutionnelle va effectivement introduire l’exception d’inconstitutionnalité et cela va changer la nature du Conseil. Et il y a une deuxième évolution, dont je suis directement responsable : le développement du contradictoire dans les procédures.
En quoi consiste cette évolution ?
Par exemple, pour un recours portant sur une élection sénatoriale partielle à Montpellier, j’ai fait entendre, sous la foi du serment, le président du tribunal de grande instance de cette ville, et le chef du bureau des élections à la préfecture de l’Hérault. Par ailleurs, nous entendons, pour les dossiers les plus importants et s’ils le souhaitent, les avocats et les parties en présence, qui viennent plaider leurs dossiers devant les membres du Conseil. C’est une évolution très importante. Nous annonçons à l’avance les dossiers que nous allons examiner, nous publions le rôle des séances et toutes les décisions sont notifiées aux parties. Auparavant, après l’examen par le Conseil, on envoyait simplement une information aux présidents des assemblées concernées.
Et s’agissant du rôle du Conseil dans l’examen des lois ?
Nous procédons à une véritable instruction. C’est ainsi que nous avons récemment entendu l’ensemble des représentants des associations syndicales : c’était la première fois en cinquante ans ! De même, il nous arrive également de procéder à des investigations directes. Pour la loi sur la rétention de sûreté, tout le Conseil s’est rendu à la prison de Fresnes pour voir dans quelles conditions pourrait se faire la rétention. Voici en quoi consiste la procédure contradictoire. Nous allons aussi la mettre en application pour l’exception d’inconstitutionnalité.
Certains spécialistes parlent de gadget…
Ce n’est pas du tout un gadget, c’est un principe fondamental du droit, d’ailleurs utilisé dans toutes les cours constitutionnelles européennes.
L’exception d’inconstitutionnalité va-t-elle beaucoup augmenter l’activité du Conseil constitutionnel ?
Il est naturellement bien trop tôt pour le dire. D’abord parce que je ne connais pas le texte de la loi organique, ensuite parce que nous n’avons pas de précédent dans ce domaine.
La façon dont vous respectez le fameux “devoir de réserve” a déjà fait beaucoup parler…
Je n’ai jamais dépassé la ligne jaune, car le devoir de réserve consiste à ne divulguer en aucun cas la teneur des délibérés du Conseil constitutionnel et de ne pas intervenir au sujet des lois en cours. Il me semble qu’il y a quelques années, certains présidents expliquaient les décisions du Conseil beaucoup plus précisément que je ne le fais aujourd’hui.
Espérez-vous marquer de votre empreinte la fonction de président du Conseil constitutionnel ?
Tous les présidents du Conseil constitutionnel ont cherché à marquer cette maison. J’essaye de faire la même chose, en faisant de cette institution une juridiction chargée de veiller non seulement au respect de la Constitution, mais aussi au respect des grandes valeurs républicaines.
Source: Profession Politique