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Un "fonds d'investissement stratégique" pour défendre la souveraineté économique française

Le Fonds stratégique d’investissement, dont Nicolas Sarkozy a annoncé jeudi le lancement d’ici à la fin de l’année, aura pour mission d’apporter des capitaux aux entreprises jugées stratégiques par l’État, mais aussi de soutenir les filières d’avenir en difficulté ou encore de financer l’amorçage des lourds projets industriels.

Ça, c’est pour la version « offensive » du fonds. Car ce dernier a également une ambition « défensive », clairement assumée par le chef de l’État, quitte à faire grincer des dents à Bruxelles : protéger les entreprises françaises contre tout raid hostile.

Le fonds stratégique, mode d’emploi

« Le fonds doit avoir une approche réactive, anticiper », explique-t-on à l’Élysée. Il doit être capable de mobiliser rapidement des ressources pour investir dans des entreprises dont les cours seraient artificiellement sous-évalués et qui se retrouveraient, de ce fait, sous la menace de prédateurs étrangers.

Concrètement, la Caisse des dépôts assurera la gestion de ce fonds stratégique, qui sera doté à partir de ses propres ressources. Mais le fonds pourra également bénéficier d’autres apports, publics ou même privés. « Rien n’interdit l’État d’apporter certaines de ses participations », fait valoir l’Élysée.

L’Agence de participation de l’État, l’institution logée à Bercy et qui gère les participations publiques dans les grandes entreprises, pourrait donc voir certaines d’entre elles transférées à ce futur fonds. La CDC pourra également lever des capitaux sur le marché, si besoin est, pour renforcer les dotations de l’organisme.

Au sein du gouvernement, on se refuse à donner le montant total qui sera géré par ce fonds. « Nous devons encore définir ses missions et déterminer sa doctrine d’intervention », explique un haut fonctionnaire. Les participations dans les entreprises pourront prendre plusieurs formes : entrée au capital, prêts à long terme ou avances remboursables.

Augustin de Romanet, directeur général de la CDC, y voit la reconnaissance de la « réactivité » dont son établissement a fait preuve dans le contexte de la crise financière : rachat de 10 000 logements en mal d’acheteurs, ligne de crédit à la société de refinancement de l’État, 5 milliards pour les PME et apport de liquidités aux banques via les fonds d’épargne.

Reste que la création de ce fonds pose de nombreuses questions en terme de gouvernance et risque de rendre encore plus opaques les interventions politiques dans les entreprises.

Questions autour du fonds d’investissement stratégique

1) A quoi va servir ce fonds ?

A investir dans des entreprises françaises « stratégiques », selon l’Elysée, notamment pour « stabiliser » celles qui « pourraient être des proies pour les prédateurs », selon M. Sarkozy. Toujours selon l’Elysée, la « stabilisation » vaut également pour les entreprises sous le coup de délocalisations.

Les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et des technologies sont plus particulièrement visés. Autre objectif du fonds, financer « des projets industriels et novateurs », toujours dans des secteurs stratégiques.

Concrètement, le fonds pourrait investir sous plusieurs formes, directement au capital des entreprises, devenant donc actionnaire, mais aussi sous forme de prêts participatifs ou d’avances remboursables.

2) Comment ce fonds sera-t-il financé ?

Inscrit dans le périmètre de la Caisse des dépôts, le fonds sera initialement financé avec les moyens de la Caisse. Fin 2007, la CDC disposait d’un portefeuille de placements d’environ 38 milliards d’euros, dont 21 milliards en actions. La CDC est déjà premier ou deuxième actionnaire d’une douzaine de sociétés du CAC 40.

Pour renforcer les moyens du fonds, l’Etat pourrait lui adjoindre de nouvelles ressources publiques, qui ne sont pas aujourd’hui à la disposition de la CDC. Il est également question, selon l’Elysée, de solliciter des grands investisseurs privés.

La Caisse aurait également la possibilité de s’endetter pour augmenter les ressources du fonds, même si l’établissement est, par nature, plus prêteur qu’emprunteur.

Le chiffre de 100 milliards d’euros évoqué par certains a été catégoriquement démenti vendredi par la ministre de l’Economie, Christine Lagarde. « Je ne peux pas vous donner de chiffre parce qu’on n’a pas de chiffre précis », a-t-elle dit. « Cela n’a pas de sens d’annoncer un montant. C’est prématuré », déclarait-on jeudi à l’Elysée, ajoutant qu’il fallait d’abord « bâtir le fonds, sa gouvernance, définir les critères (d’éligibilité) pour les entreprises ».

3) Pourquoi ce fonds n’est-il pas un véritable fonds souverain ?

S’il s’agit bien d’un fonds apparenté à l’Etat, dans la mesure où il sera créé dans le périmètre de la Caisse des dépôts, bras financier de l’Etat français, ce fonds diffère des fonds souverains classiques, tant par son financement que par sa mission d’investissement.

Les fonds souverains existants sont destinés à gérer un excédent d’épargne lié à d’importantes ressources pétrolières, des réserves de change ou un excédent budgétaire, l’Etat français ne bénéficiant d’aucune de ces trois ressources.

Autre différence principale, les fonds souverains investissent l’essentiel de leurs ressources hors de leur pays d’origine et se situent uniquement dans une logique d’investissement et de rentabilité, alors que M. Sarkozy envisage ce fonds comme un véritable instrument de politique industrielle, qui n’investira qu’en France.

Sources: Bertille Bayart et Cyrille Lachèvre (Le Figaro) et Agence France Presse

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