Dans une interview au quotidien Libération, le villepiniste François Goulard, député UMP du Morbihan, regrette le « défaut de transparence » du gouvernement sur le budget 2009. Et prédit des « gels de crédit ».
Le gouvernement doit-il revoir son budget 2009, dont l’examen commence aujourd’hui à l’Assemblée, en raison de la crise ?
Oui, c’est une évidence. Entre le moment où le budget a été préparé, pendant l’été, et l’examen par le Parlement, la situation économique a changé en quelques semaines. C’est exceptionnel, mais personne ne peut nier ce changement. Le consensus des économistes tourne sur une prévision de croissance à peu près nulle, alors que le gouvernement tablait sur une croissance entre 1 et 1,5%. On est certain qu’il y a aura moins de recettes fiscales. De plus, il y a aura des dépenses nouvelles en raison de la crise, comme l’augmentation du nombre de contrats aidés, ce qui est normal, ou l’indemnisation chômage, qui coûtera plus cher pour l’Etat. Il serait bien que le gouvernement tienne compte de cette situation nouvelle.
Comment ?
Ça peut se faire par amendement présenté en cours de discussion par le gouvernement. Les députés commencent l’examen aujourd’hui et le vote n’aura lieu qu’en décembre. Donc c’est possible. Ce serait de bonne pratique. C’est mieux d’intégrer les conséquences de la crise que d’être dans la fable. Mais il est classique qu’un gouvernement en rajoute un peu dans l’optimisme. Son rôle n’est pas de noircir le tableau. Mais entre ça et ne pas tenir compte des réalités, il y a une certaine marge.
Selon vous, pourquoi le gouvernement ne change-t-il pas son budget alors que Christine Lagarde reconnaît elle-même que les prévisions de croissance sont « fragilisées » ?
Le gouvernement agit ainsi car cela conduirait à afficher que nous dépasserons les critères de Maastricht pour les 3% de déficit public et l’endettement. C’est difficile à reconnaître. On passera les 3% de déficit, c’est à peu près évident, mais ça dépend tout de même des mesures qui seront prise. Y aura-t-il des économies nouvelles ? Des tentatives de relance budgétaire ?
N’est-il pas difficile pour le gouvernement de couper encore plus dans les crédits des ministères qui ont déjà été réduits pour la plupart ?
C’est vrai. C’est pour cela que c’est une difficulté politique qui conduirait à réduire encore un certain nombre de dotations, même si on augmente certaines dépenses comme celles touchant au bâtiment, ce qui est classiquement utilisé pour relancer l’économie.
Quelles dépenses peut-on encore réduire selon vous ?
Au risque d’être très impopulaire parmi mes collègues, je pense que les collectivités locales doivent apporter leur solution au problème des finances publiques. On peut faire une nouvelle répartition, et donc des économies, dans l’apport de l’Etat aux collectivités locales. Mais je suis probablement l’un des seuls à avoir cette position.
Au final, pensez-vous que le gouvernement révisera son budget ?
Nous sommes face à un exercice de vérité vis-à-vis du Parlement et des Français. Il y a un défaut de transparence. On sait aussi qu’il y aura des gels de crédits plus importants que d’habitude. Le plus probable, c’est que le gouvernement fasse adopter le projet de loi de finance tel qu’il a été présenté, et après avoir enregistré une baisse des recettes fiscales, il gèlera des crédits dès le début de l’année, quitte à augmenter d’autres dépenses. Pour l’instant, on fait comme si rien ne s’était passé, mais personne n’est dupe. Le gel des crédits est une pratique classique. La direction du budget gèle les crédits dès qu’il sont votés et les libère, ou pas, en fonction de la conjoncture. Le budget voté et le budget réel seront plus différents qu’ils ne l’ont jamais été.
Source: François Vignal (Libération)