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Dominique de Villepin, invité de Jean-Michel Apathie sur RTL

L’ancien premier ministre Dominique de Villepin, invité de RTL ce matin, a salué le plan en faveur des banques annoncé lundi par le président de la République mais est resté prudent sur l’issue de la crise financière. « Sommes-nous au bout ? », s’est-il interrogé, inquiet notamment de la réalité des bilans des banques.

« Maintenant, il faut s’attaquer à la situation économique et à la situation sociale », a-t-il plaidé. Dominique de Villepin a souhaité qu’on affronte « la souffrance sociale » en garantissant les retraites, le système de santé, et en menant « une politique d’emploi plus active ».

Dominique de Villepin a également répondu aux insinuations proférées à son encontre par Lionel Jospin, concernant les notes de l’ancien patron des Renseignements Généraux, Yves Bertrand.

Dominique de Villepin a enfin rappelé qu’il était lui-même « victime à titre personnel et familial de tels ragots et rumeurs » ; et qu’il « continue de l’être à travers l’affaire Clearstream ».

Dominique de Villepin répond aux accusations de Lionel Jospin

Dominique de Villepin s’est défendu vendredi des accusations de Lionel Jospin dans « Le Point », en justifiant ses rencontres avec l’ancien patron des RG Yves Bertrand par la nécessité pour l’Elysée d’être informé dans la période « spécifique de la cohabitation ».

Dans cette « période très particulière » de la cohabitation, a expliqué Dominique de Villepin sur RTL, « le président de la République ne bénéficie pas des informations normales institutionnelles qu’il devrait avoir pour exercer sa fonction ».

« Dans cette période, il n’y a pas de notes, d’informations orales », alors qu’en temps normal, selon lui, « l’Elysée, par le secrétaire général, le directeur de cabinet, est informé notamment par le directeur des renseignements » de nombreuses fois par jour ou par semaine.

S’il n’a pas démenti ses rencontres avec Yves Bertrand, Dominique de Villepin a rappelé que la période avait été marquée par le « risque terroriste », « AZF », les « problème(s) » corse et basque, qui « justifi(ai)ent l’information du chef de l’Etat ». « Il y a là de quoi rassurer » Lionel Jospin, a-t-il souligné.

« L’ensemble de ces éléments qui concernent ces carnets ont déjà été versés depuis longs mois dans la procédure Clearstream, il n’y a pas de ce point de vue-là de zone d’ombres », a-t-il par ailleurs ajouté, fustigeant une nouvelle fois les « ragots et les rumeurs ».

« Ce qui est certain, c’est que je n’ai aucun rapport avec cette affaire, et tout jusqu’à une date récente l’a encore montré », a-t-il répété.

Dans une tribune parue jeudi dans l’hebdomadaire Le Point, l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, dénonce « le nombre extravagant (trente-trois!) de rendez-vous » qu’Yves Bertrand « aurait eus avec Dominique de Villepin » entre janvier 2001 et octobre 2002, parlant de « scandale d’Etat » si M. de Villepin avait alors encouragé « les opérations de basse police » du chef des RG.

« Je n’ai pas lu ces carnets, je n’ai pas eu connaissance de ces carnets », a également dit l’ancien Premier ministre.

« Malheureusement, les ragots et les rumeurs font partie de la République. J’ai moi-même été victime, à titre personnel et familial, de tels ragots et des rumeurs et je continue de l’être à travers l’affaire Clearstream, donc je suis bien placé pour savoir quel est le scandale que cela représente », a-t-il dit.

Concernant la plainte de Nicolas Sarkozy contre l’ancien patron des RG, M. de Villepin a relevé que « d’une manière générale » tous les présidents de la République « ont préféré ne pas rentrer dans l’engrenage judiciaire ».

« Le président Sarkozy fait son propre choix, c’est évidemment tout à fait respectable, moi je n’ai aucun commentaire à faire sur une situation de ce genre », a-t-il ajouté

Le script complet de l’interview

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Dominique de Villepin.

Dominique de Villepin : Bonjour.

L’Europe est confrontée, à son tour, au risque d’une crise financière et économique sans précédent. Que pensez-vous du plan de 360 milliards d’euros de soutien au système bancaire décidé par le gouvernement ?

Je crois qu’il est tout à fait adapté, correspond à la nécessité de calmer les marchés dans la phase aiguë, qu’il s’agisse de la recapitalisation des banques, qu’il s’agisse des garanties inter-bancaires, des garanties données aux épargnants. Tout cela est nécessaire.

Il fallait le faire ?

Il fallait le faire. La question, c’est : Est-ce que cela est suffisant ? Et nous le voyons aujourd’hui avec la volatilité des marchés boursiers ou la continuation dans certains cas de la baisse. Je crois qu’il y a deux questions qui se posent aujourd’hui pour les prochaines semaines et les prochains mois. La première c’est : Est-ce que nous sommes au bout de la crise financière ? Est-ce qu’il n’y a pas encore une partie inconnue dans cette planète Finances ? Et notamment la véritable estimation du bilan des banques et de certaines compagnies d’assurances…

Vous soupçonnez les banques de ne pas avoir tout dit, c’est ça ?

Je pense que les banques et les compagnies d’assurance ne savent peut-être pas encore tout. Donc, il y a une part d’incertitudes et l’on voit bien que les marchés boursiers anticipent encore cette partie sombre, obscure de l’économie financière. Il y a une deuxième raison : c’est le bras-de-fer qui est engagé entre les Etats et le marché. Alors dans ce bras-de-fer, il y a bien sûr une dimension spéculative qui est habituelle sur les marchés financiers ; mais il y a aussi un problème de vérité des prix. Quel est le véritable prix des choses ? Dans le domaine immobilier, par exemple, est-ce que nous n’avons pas connu des bulles spéculatives ? Donc, il y a un retour à l’économie réelle.

Donc, nous entrons dans une crise importante, peut-être dans une récession ?

Nous entrons d’abord dans un retour au réel. On le voit aux Etats-Unis puisque tout est parti des Etats-Unis, des taux beaucoup trop bas pendant de nombreuses années, des crédits à la consommation, des crédits d’accès au marché immobilier qui ont, en quelque sorte, entrainé une spirale spéculative. Donc, on revient à l’économie réelle. Et puis, on découvre aussi la menace de récession, les atteintes portées à la croissance à travers des courroies de transmission que sont la baisse de l’investissement, que sont également la montée du chômage, la baisse de la consommation. Donc, tout ceci, effectivement, atteint l’économie réelle.

Comment faire face à la récession qui menace ? Comme relance, qu’est-ce qu’il faut imaginer, Dominique de Villepin ?

Je crois d’abord qu’il faut revenir à une vérité financière. Il faut de la transparence. Il faut connaître exactement la situation. Il faut évaluer les pertes. Il faut les garantir. C’est ce qui a été fait, cela demande du temps.

Il y a une deuxième chose c’est que pour rétablir la confiance, il faut véritablement s’attaquer à la fois à la situation économique et en même temps à la situation sociale. Je le dis depuis maintenant un certain nombre de mois. La situation sociale est un élément extrêmement préoccupant, partout dans l’ensemble des pays. Il y a des anticipations, des anticipations pour la consommation, des anticipations pour l’investissement qui ne sont pas favorisées par l’inquiètude des populations. Et nous le voyons, en France, où il y a une souffrance sociale.

Je plaide en faveur du même effort qui a été fait pour la planète Finances, d’un même effort dans le domaine social, il faut garantir aux citoyens français dans des domaines essentiels comme les retraites, comme la santé, comme l’emploi où il faut revenir à une politique d’emploi beaucoup plus active comme nous l’avions fait entre 2005 et 2007 si l’on veut que la confiance revienne.

Et puis, Nicolas Sarkozy a raison quand il plaide à la fois au sein de l’Union Européenne, comme il va le faire à Washington et comme il le fera vis-à-vis de l’ensemble des pays du monde, nous avons besoin de repenser notre système financier international. Et il faut le faire évidemment avec l’ensemble des institutions financières et en particulier le Fonds monétaire international qui est particulièrement actif dans cette période.

Un plan social après le plan financier, votre appel sera peut-être entendu, Dominique de Villepin, on verra ça dans les prochains jours. L’actualité judiciaire c’est chargée. On a appris hier soir que le chef de l’Etat déposait une plainte puisque l’hebdomadaire « Le Point » a publié, la semaine dernière, le contenu de carnets remplis par Yves Bertrand, patron des Renseignements Généraux en France entre 1992 et 2004. Ces carnets contiennent p
eut-être des informations mais aussi beaucoup de ragots, de rumeurs sur la vie privée et personnelle d’hommes publics cités parmi d’autres donc. Nicolas Sarkozy a rendu publique, hier, la plainte qu’il a déposée contre Yves Bertrand pour atteinte à l’intimité de la vie privée et dénonciation calomnieuse. Yves Bertrand a toujours été présenté comme un fidèle de Jacques Chirac. Que pensez-vous de la plainte déposée par le président de la République contre lui ?

Vous savez, dans une démocratie, chaque citoyen a bien sûr le droit de se défendre dès lors qu’il est attaqué. Là nous sommes dans un cas particulier puisqu’il s’agit du président de la République. Tous les présidents de la République n’ont pas choisi la même stratégie mais d’une manière générale, ils ont préféré ne pas rentrer dans l’engrenage judiciaire. Le Président Sarkozy fait son propre choix, c’est évidemment tout à fait respectable. Moi je n’ai aucun commentaire à faire sur une situation de ce genre.

Vous avez été choqué par la lecture des carnets noirs d’Yves Bertrand dans « Le Point », la semaine dernière ?

Je vais vous dire, je n’ai pas lu ces carnets. Je n’ai pas eu connaissance…

Mais vous avez lu « Le Point » comme nous ?

Non, je n’ai pas lu « Le Point » comme vous.

Ah c’est dommage ! J’aurais dû vous le donner, hier soir, tiens !

Et je n’ai pas eu connaissance de ces carnets. On peut s’étonner des conditions dans lesquelles de telles publications interviennent et quel est l’intérêt de telles publications. Je ne crois pas qu’elles contribuent en aucune façon à la bonne démocratie.

Toujours dans l’hebdomadaire « Le Point » : l’ancien Premier ministre, Lionel Jospin, lui aussi cité dans ces carnets, s’étonne de la fréquence des rencontres, selon ces carnets, que vous avez eues, vous Dominique de Villepin, avec Yves Bertrand.

Non, pas des carnets. Des entretiens que j’ai eus.

Pardon, excusez-moi. Oui, des entretiens que vous avez eus avec Yves Bertrand ; et Yves Bertrand a mentionné ces entretiens dans ses carnets. Lionel Jospin se demande, je le cite, si vous n’avez pas « incité Yves Bertrand à discréditer tel ou tel responsable politique au moyen de ragots et de divagations ». Ce pourrait être, suggère Lionel Jospin, un « scandale d’Etat ».

Oui, soyons sérieux, monsieur Aphatie. A aucun moment, bien évidemment, les entretiens que j’ai pu avoir dans une période très particulière monsieur Aphatie parce qu’il faut avoir de la mémoire quand on fait de la politique. Nous parlons d’une époque spécifique qui est celle de la cohabitation. Quelle est la caractéristique de la cohabitation ? C’est que le président de la République ne bénéficie pas des informations normales, institutionnelles qu’il devrait avoir pour exercer sa fonction dans cette période.

Et il faut passer par le patron des Renseignements Généraux pour l’avoir ?

Dans cette période, il n’y a pas de notes, il n’y a pas d’informations orales comme il y a en temps normal. Combien de fois aujourd’hui sur une affaire simple. Prenons l’affaire récente qui a touché la Corse dans une affaire simple. L’Elysée par le secrétaire général, par le directeur de cabinet, est informé notamment par le directeur des Renseignements, combien de fois par jour, combien de fois par semaine alors que dans cette période à intervalles réguliers – tous les quinze jours, trois semaines – l’Elysée ait été informée des grandes questions et rappelons-nous les grandes questions qui ont marqué cette cohabitation : risques terroristes, AZF, problème corse, problème basque, autant d’éléments qui justifient l’information du Chef de l’Etat. Donc, vous voyez, il y a là de quoi payer rassurer l’ancien Premier ministre.

Rien à voir avec les ragots pour ce qui vous concerne. Tout ça se passe, cette affaire ténébreuse des cartons…

C’est malheureusement les ragots et les rumeurs font partie de la République. Je l’ai toujours regretté. J’ai moi-même été victime à titre personnel et familial de tels ragots et rumeurs ; et je continue de l’être à travers l’affaire Clearstream. Donc, je suis bien placé pour savoir quel est le scandale que cela représente.

C’est ça. Tous ces carnets s’inscrivent en arrière plan, on retrouve toujours l’affaire Clearstream dont finalement, Dominique de Villepin, vous n’arrivez pas à être débarrassé !

Non monsieur Aphatie, je crois qu’il faut bien distinguer les choses. L’ensemble des éléments qui concernent ces carnets, ont déjà été versés depuis de longs mois dans la procédure Clearstream. Donc, il n’y a pas de ce point de vue-là de zones d’ombre, enfin que je sache. Ce qui est certain, c’est que je n’ai aucun rapport avec cette affaire et que tout, jusqu’à une date récente, l’a encore montré.

Dominique de Villepin, ancien Premier ministre, était l’invité de RTL ce matin. Bonne journée. »

Sources: Agence France Presse, Associated Press et RTL

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