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Dominique de Villepin: revenir au gouvernement? "ce n'est pas mon état d'esprit"

Dominique de Villepin était jeudi l’invité de l’émission de Frédéric Mounier, « Face aux chrétiens », et a répondu aux questions d’Aymeric Pourbaix (Radio Notre-Dame), Stéphanie Gallet (RCF) et Solenn de Royer (La Croix).

L’ancien Premier Ministre s’est exprimé sur le Plan Paulson (« On ne peut pas privatiser les profits et en même temps socialiser les pertes ! Il y a là un vrai problème éthique ») et a dit son inquiétude face à la crise financière (« La grande difficulté de la situation actuelle, c’est que nous ne connaissons pas les tenants et les aboutissants de cette crise »).

Il est revenu sur son opposition au paquet fiscal voté après l’élection présidentielle (« Il me semblait que le premier message adressé aux Français devait être un message consensuel de justice sociale. Cela n’a pas été le cas ») et a exclu de revenir au gouvernement dans les circonstances actuelles (« Ce n’est pas mon état d’esprit »).

Concernant la présence française en Afghanistan, Dominique de Villepin demande une clarification de notre stratégie (« On doit se fixer des objectifs plus précis et plus clairs »).

Le Sénat américain vient enfin de soutenir le plan présenté par George Bush pour sauver le système financier américain. Pourquoi, selon vous, autant de réticences ?

Dominique de Villepin : Ce n’est pas un choix facile. Devant une crise financière, comment réagir et qui doit porter la responsabilité ? Les représentants se trouvent à quelques semaines d’une élection. Or les Américains ne sont pas satisfaits de voir que les pertes accumulées à Wall Street vont être financées par l’ensemble du peuple.

On ne peut pas privatiser les profits et en même temps socialiser les pertes ! Il y a là un vrai problème éthique. S’il faut sauver le système, il faut tirer des leçons de cette crise. C’est sans doute cela qu’ont voulu exprimer les représentants en rejetant la première version du plan Paulson.

La manière dont l’exécutif français gère la crise financière qui arrive en Europe vous paraît-elle adaptée ?

L’exécutif veut d’abord parer au plus pressé, et il a raison. Il faut garantir les encours bancaires, rassurer les citoyens. Car la clé de voûte de notre économie, c’est la confiance. Néanmoins, ne nous trompons pas : la grande difficulté de la situation actuelle, c’est que nous ne connaissons pas les tenants et les aboutissants de cette crise. C’est cela qui m’inquiète.

Le chef de l’État donne le sentiment qu’il prend la crise à bras-le-corps. N’est ce pas illusoire de penser que la France est en mesure de trouver une réponse à cette crise internationale ?

Le système bancaire est plus sain en France, parce qu’il a pris moins de risques que d’autres. Néanmoins, il est essentiel de revoir certaines pratiques qui se sont développées à l’échelle internationale. De ce point de vue, les propositions faites par l’Europe sont de bon aloi. Au-delà de ces pratiques, c’est tout le système financier international qu’il s’agit de réviser.

La réunion de l’ensemble des responsables internationaux sera l’occasion de mettre sur la table un système vicié, perverti, qui a fait le jeu de la spéculation tout en étant découplé de l’économie réelle. Revenons à la réalité économique, aux vraies valeurs. Nous nous trouvons moins devant l’effondrement du capitalisme qu’à la fin d’un cycle. Repartons sur d’autres bases, plus solides, plus éthiques.

Vous avez été très critique envers Nicolas Sarkozy au début de son mandat, vous l’êtes beaucoup moins aujourd’hui. Pourquoi ?

Je pense que, dans la difficulté, il est important de faire preuve d’unité. Les critiques que j’avais émises au début du quinquennat avaient un objectif clair : éviter un certain nombre d’erreurs. J’aurais souhaité qu’on parte d’un meilleur pied. J’ai vu monter plus tôt que d’autres la crise, les dangers. Je voyais venir le retournement de la conjoncture, l’étouffement de la croissance.

Et il me semblait que le premier message adressé aux Français devait être un message consensuel de justice sociale. Cela n’a pas été le cas. Je note toutefois des évolutions dans la politique menée par Nicolas Sarkozy, ainsi que dans son attitude face aux crises, notamment internationales : cela mérite d’être salué.

Accepteriez-vous de revenir au gouvernement si Nicolas Sarkozy vous le demandait ?

Je ne crois pas qu’en politique on puisse revenir en arrière. Ce n’est pas mon état d’esprit. En politique, il y a des rythmes à respecter. Je suis engagé pour l’instant dans une contribution à la réflexion. On verra bien de quoi demain sera fait.

Comment jugez-vous la prestation de Ségolène Royal au Zénith, samedi 27 septembre ?

Ségolène Royal ne fait pas comme avant. Or c’est important en politique d’essayer de nouvelles attitudes, de nouveaux discours, de nouvelles façons d’entrer en communication avec le citoyen. J’ai longtemps vécu aux États-Unis et je ne sous-estime pas cette façon de faire de la politique, qui consiste à entrer dans une espèce de communion avec les citoyens rassemblés. Les Français sont angoissés, ils souffrent, ils ont un problème de confiance. Dans ce contexte-là, ils ont besoin de se raccrocher à tout ce qui est susceptible de rassurer ou de donner une perspective.

Votre nom est associé à l’affaire Clearstream. Comment le vivez-vous ?

Ce n’est pas agréable. C’est même douloureux. Mais le tour de cette affaire a été fait et on peut constater que je n’ai rien eu à voir avec ce dossier. La justice va maintenant se prononcer. Je suis serein.

La présence française en Afghanistan est-elle encore légitime aujourd’hui ? Surtout, peut-on espérer une victoire militaire sur le terrain ?

La légitimité de la présence française existe au travers de décisions internationales prises en 2001 et 2002. Pouvons-nous gagner sur le terrain ? Non, pas plus en Afghanistan qu’en Irak.

C’est pourquoi je crois que notre stratégie doit être une stratégie d’initiative visant à créer les conditions d’un retrait le plus rapide possible. On voit bien qu’au fil des années une force d’intervention animée des meilleures intentions du monde devient une force d’occupation. On doit se fixer des objectifs plus précis et plus clairs.

Source: La Croix

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