La suite de la conférence de presse donnée par Dominique de Villepin au Mexique.
Journaliste: Un gouvernement peut-il réussi dans son combat contre le crime organisé sans combattre sa propre impunité, dans les sphères mêmes du pouvoir public ? La société peut-elle apporter un soutien à son gouvernement si elle ne le voit pas mener un combat authentique contre la corruption et l’impunité ?
Dominique de Villepin: Vous signalez à juste titre que la lutte contre le crime organisé et le terrorisme n’est pas seulement le problème du gouvernement, mais c’est le problème du pays tout entier, de toute la société et aussi de la communauté internationale.
Quand on partage des valeurs, quand on partage des principes, quand il y a ce sentiment d’un destin commun, il est évident qu’on peut lutter plus facilement. La cohésion sociale est l’élément premier du succès face au crime organisé, mais pour avoir cette cohésion, cette unité dans une société, on a besoin aussi d’avoir la légitimité que donne la lutte contre l’injustice, que donne la lutte contre la pauvreté, que donne la conviction qu’en effet, il faut prendre tout le monde en considération dans une société.
Par exemple, nous l’avons vécu de manière très claire en France : prendre en considération la diversité des situations régionales, la diversité des situations sociales est un élément qui donne davantage d’efficacité à la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Tout comme l’approbation du peuple, la capacité de de chacun de comprendre ce qui est en jeu, ce qui est en danger, le destin commun du pays.
Le pire qui puisse exister dans la situation internationale actuelle, ce sont des Etats sans âme, des Etats faibles dont l’existence même est en cause et qui sont sous la coupe de forces étrangères ou de forces qui ne sont plus animées par l’intérêt général. C’est pourquoi il me semble qu’il est très important de connaître l’ennemi et de savoir quelles sont les manières les plus efficaces de combattre ce crime organisé.
Et on a besoin du temps, on a besoin de détermination et d’utiliser tous les instruments nécessaires, et d’une certaine manière, on a besoin aussi de renoncer à ce qui est une tentation classique des démocraties d’aujourd’hui, cette société du spectacle, où on manie les problèmes face aux caméras de télévision.
Il me semble qu’on a besoin d’une certaine discrétion, d’une certaine capacité de secret, parce que face à un ennemi qui est invisible, qu’on ne connaît pas, face un ennemi qui utilise des moyens qui sont totalement inconnus, on a aussi besoin de mystère. Et l’Etat doit utiliser tous ces éléments, clairement, fidèlement aux principes de l’Etat de Droit, fidèlement aux règles de la démocratie, mais on a aussi besoin de cette capacité d’anticipation, de surprise, qui est un élément vital dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Quelle vision avez-vous de notre pays après ces attentats à Morelia et Michoacán ? Est-ce une vision positive ou négative ? Croyez-vous que l’Etat mexicain a la capacité d’affronter cette situation ?
D’abord, aucun État dans le monde ne peut se considérer à l’abri des dangers que sont le terrorisme et le crime organisé, c’est pourquoi nous avons besoin de davantage de coordination et de meilleure gouvernance au niveau international ; on a besoin d’une coopération internationale, car c’est vital pour combattre de tels ennemis.
Deuxièmement, le Mexique a dans sa propre histoire, dans sa propre culture propre, la capacité de surmonter un situation aussi difficile que celle-là, parce que l’histoire du Mexique est une histoire incroyable, une histoire de révolutions qui a montré une capacité de faire face à des défis difficiles, de survivre dans des situations dangereuses. Donc le Mexique a sa propre histoire et sa propre culture pour trouver la solution.
Ce qui me paraît important à l’heure actuelle, c’est la capacité politique pour un pays comme le Mexique de dire: il y a des problèmes qui suscitent des débats économiques, sociaux, politiques, mais il y a aussi des problèmes où nous avons besoin d’un consensus social, d’un consensus politique, d’un consensus national.
J’ai toujours défendu dans un pays comme la France, qui ressemble beaucoup au Mexique, l’idée que face à certains dangers on a besoin de dépasser les contingences de la vie politique quotidienne ; il est évident que chaque parti, chaque groupe a ses intérêts, sa vision, mais face à des problèmes comme ceux-là il est important de se réunir, parce que des forces comme celles du crime organisé, comme celles du terrorisme, n’ont pas de réponse face à une union nationale, n’ont pas de réponse face à une cohésion politique et sur ces affaires, il est très important que le gouvernement et l’opposition débattent de telle sorte qu’ils puissent partager les mêmes convictions et apporter des réponses politiques qui soient partagées par les uns et par les autres. Pourquoi ? Parce que si les uns ne parviennent pas à trouver une bonne réponse seuls, les autres n’arriveront pas non plus à trouver une bonne réponse.
C’est-à-dire, mieux vaut s’unir rapidement pour apporter conjointement une bonne réponse avec le soutien des uns et des autres, chacun en gardant son identité, son histoire, sa vision, mais sur ces affaires, on a en effet besoin d’unité nationale.
Source: Partido Accion Nacional