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Le Sénat, mode d'emploi

Demain dimanche, un tiers du Sénat va être renouvelé. C’est la seule élection qui se déroule par un scrutin indirect puisque ce sont quelque 50 720 grands électeurs – conseillers municipaux, conseillers régionaux etc. – qui vont élire 114 sénateurs dans 38 départements et cinq collectivités d’outre-mer.

A l’issue de ce scrutin, le président du Sénat, le deuxième personnage de l’Etat, sera désigné. Explications.

A quoi sert le Sénat?

Le Parlement de la Ve République est bicaméral: il est composé de deux chambres, l’Assemblée nationale et le Sénat, considéré comme la chambre-Haute. Il est le représentant des collectivités territoriales et des Français de l’étranger. Les deux détiennent le pouvoir législatif. Ils votent et amendent les lois. Dominé par la droite, le Sénat est considéré comme plus conservateur que l’Assemblée. Il est aussi le garant de la continuité de l’Etat, puisque le chef de l’Etat ne peut le dissoudre. D’ailleurs, en cas de décès ou de démission du président de la République, c’est le président du Sénat, deuxième personnage dans l’ordre protocolaire, qui prend l’intérim. Ce cas s’est déjà produit deux fois, lors de la démission du général de Gaulle en 1969 et lors du décès de Georges Pompidou en 1974: c’est Alain Poher qui a donc assuré le rôle du chef de l’Etat.

Qui sont les grands électeurs?

Les élections sénatoriales présentent cette particularité d’être la seule au suffrage universel indirect. C’est-à-dire que les citoyens ne sont pas appelés à voter, ce sont leurs représentants qui s’acquittent de ce devoir. Devoir, car, c’est une exception, les grands électeurs sont les seuls à avoir l’obligation de voter. Dans le cas contraire, ils sont soumis à une amende. Parmi eux, figurent les maires, maires-adjoints, conseillers municipaux, dont le nombre varie selon la taille de la commune. Les conseillers généraux (Département) et régionaux, ainsi que les députés sont aussi concernés, mais dans une moindre mesure puisqu’ils ne représentent que 5% des votants.

Comment ça marche?

Ces élections ont une autre originalité (dans le droit français): leur mode de scrutin varie selon les départements, en fonction de leur taille. Dans les gros départements (quatre sénateurs au moins), il s’agit d’un scrutin proportionnel plurinominal. En clair, les grands électeurs votent pour une liste des candidats d’un parti. C’est la majorité des cas. Pour les départements plus modestes (trois sénateurs maximum), il s’agit d’un scrutin majoritaire uninominal à deux tours. C’est-à-dire que les grands électeurs votent pour le candidat de leur choix.

Au total, le Sénat compte actuellement 331 sièges, 313 pour les départements et les DOM, un en Nouvelle-Calédonie, un en Polynésie française, un à Wallis et Futuna, deux à Mayotte, un à Saint-Pierre et Miquelon, ainsi que douze pour représenter les Français de l’étranger. Cette assemblée est renouvelée tous les trois ans, par tiers. Jusqu’à la réforme de 2004, le mandat du parlementaire durait neuf ans, mais il a été ramené à six ans, avec l’objectif au final de réélire le collège tous les trois ans en deux fois seulement. Ce toilettage a été rendu nécessaire par le passage au quinquennat. La nouvelle loi a également abaissé l’âge pour être éligible, qui passe de 35 à 30 ans. En 2008, le Sénat passera à 343 sièges, cette augmentation a pour but de « coller » à l’évolution de la démographie française. A terme, en 2011, le palais du Luxembourg comptera 348 sénateurs.

Quels sont les département concernés?

Sur les 114 sièges de sénateurs à élire, 102 sont soumis à renouvellement. Quatre-vingt quinze en métropole, un en Guyane, un en Polynésie française, un à Wallis-et-Futuna, et quatre pour les Français de l’étranger. A ces postes, il faut ajouter douze nouveaux postes créés spécialement pour s’adapter à la nouvelle donne démographique française. Un siège sera désormais à pourvoir à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin. Et un nouveau a été ajouté à ceux existants déjà dans l’Ain, dans les Alpes-Maritimes, dans les Bouches-du-Rhône, dans la Drôme, en Eure-et-Loire, en Haute-Garonne, en Gironde, dans l’Hérault, en Guyane et en Polynésie-Française.

Pourquoi cette élection est-elle contestée?

Ce scrutin est très critiqué par la gauche depuis des dizaines d’années. Lionel Jospin, avait même qualifié le Sénat d’ »anomalie démocratique ». En effet, l’hémicycle est tenu par la droite depuis 1958, date de l’instauration de la Ve République. L’alternance n’a jamais eu lieu. L’opposition n’a aucune chance d’être majoritaire dans l’enceinte du Palais du Luxembourg avant de longues années. Et ce, même si la PS gère la grande majorité des régions, des départements et des grandes villes. Pourquoi? Tout simplement parce que, d’une part, les conseillers régionaux et généraux (avec les députés) ne représentent que 5% du corps électoral. D’autre part, parce que le mode d’élection donne un poids très importants aux petites villes rurales, qui représentent l’immense majorité des 36000 communes, et qui sont souvent ancrées à droite. Mais, les derniers succès du PS aux élections locales, pour peu qu’ils soient confirmés dans les prochaines années, lui laissent quelques perspectives pour l’avenir. La réforme du Sénat est l’un des serpents de mer de la vie politique française. L’idée avait été évoquée lors de la dernière réforme constitutionnelle. Le PS a subordonné son « oui » à Versailles à une réforme de la Haute-Assemblée. Mais le président n’a rien lâché.

Et concrètement?

L’autre particularité de cette élection, c’est que son résultat est quasiment connu d’avance. Dimanche, l’UMP remet en jeu 56 sièges sur les 159 qu’elle compte, le PS 29 (sur 95), les Radicaux 9 (sur 17), les centristes 4 (sur 30) et les communistes, républicains et citoyens, trois (sur 23). Après ses derniers revers électoraux aux élections locales, l’UMP s’attend à perdre plusieurs sièges tout en conservant grosso modo le même nombre de sièges. En effet, sur les douze postes crées, une majorité devrait leur revenir. La PS va pousser et augmenter son score total de 95 sénateurs. François Hollande espère gagner entre 10 et 15 postes. Mais les socialistes seront encore loin de la majorité, qu’ils espèrent obtenir dans leurs rêves les plus fous en 2011, au prochain renouvellement.

Le président du Sénat

Comme à chaque fois que le Sénat est renouvelé, les membres de la Haute-Chambre éliront leur président. L’UMP Christian Poncelet occupe cette fonction depuis 1998. Cette fois, il ne sollicite pas officiellement (encore) de nouveau mandat. Plusieurs candidats sont en lice à l’UMP, Jean-Pierre Raffarin, sénateur de la Vienne, Gérard Larcher, sénateur des Yvelines et Philippe Marini, sénateur de l’Oise. Jean-Pierre Raffarin se prévaut du soutien du président, il est également plus médiatique que ses deux rivaux. Mais il se pourrait qu’au sein de l’hémicycle, ce soit Gérard Larcher qui soit le plus populaire et qui, donc, soit élu. Ils ont jusqu’au 23 septembre pour déposer leur candidature, ils seront départagés le 24 lors d’une primaire. Le vote solennel aura lieu le 1er octobre.

Source: Maud Pierron (Le Journal du Dimanche)

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