Premier invité de ce « Grand Jury » de rentrée, Dominique de Villepin a étrenné pour l’occasion un rôle inédit : celui d’ »apporteur d’idées ».
Fini, le tir à vue contre Nicolas Sarkozy. L’ex-premier ministre a affirmé son « estime » pour le président, sentiment qu’il croit réciproque, malgré « des péripéties pas simples, comme Clearstream ».
Sur ce scandale, Villepin considère que « tout a été dit » : « Il apparaît clairement que je n’ai pas eu de rôle dans cette affaire, que je n’ai aucune responsabilité. Il appartient à la justice de le dire. »
En attendant, il a pris soin de ménager le chef de l’État. Il y a un an tout juste, il lui reprochait de favoriser « l’esprit de cour » à l’Élysée. Aujourd’hui, Dominique de Villepin considère que « c’est une critique qui vaut beaucoup moins ». À tel point qu’il est allé jusqu’à saluer, dimanche, « une simplicité et un dépouillement dans la démarche » de Nicolas Sarkozy « qui n’existaient pas il y a six mois ». Il lui a décerné plusieurs bons points, notamment dans le domaine de la politique étrangère.
Revenant sur la crise entre la Russie et la Géorgie, il a affirmé que « la diplomatie européenne incarnée par Nicolas Sarkozy a joué un rôle crucial ». De la part d’un des plus flamboyants locataires du Quai d’Orsay, le compliment n’est pas mince.
« Apporter sa contribution »
L’ancien ministre des Affaires étrangères a confié qu’il avait revu le président « en juin, pour parler de l’Europe et de la situation du monde ». Sur un ton vibrant d’émotion, il a raconté que Nicolas Sarkozy lui avait confié une « mission » qui l’avait « touché » : représenter la France aux obsèques d’un poète palestinien assassiné, Mahmoud Darwich.
Au cours de leur entretien, les deux hommes n’auraient pas, à en croire l’ex-premier ministre, évoqué les futures échéances électorales. Avant les vacances, l’idée de propulser Dominique de Villepin tête de la liste de la majorité présidentielle en Ile-de-France, lors des européennes de 2009, était très en vogue à l’Élysée. Dimanche, l’ex-premier ministre a semblé exclure cette perspective : « Je ne brigue aucun poste. J’aurais pu assez facilement au lendemain de mon passage à Matignon choisir de devenir élu. Je ne l’ai pas voulu. J’ai ressenti le besoin de me confronter à quelque chose d’autre, peut-être plus rugueux : une expérience professionnelle. Je repars de zéro. »
Pour autant, Villepin n’est « certainement pas un retraité de la politique, en tout cas pas un retraité du débat public ». Invoquant « d’autres légitimités que celle de l’élection » qui, « comme toutes les légitimités, s’érode vite », il a expliqué que son « état d’esprit » était « d’apporter sa contribution à la réflexion pour aider le pays à sortir de la crise conjoncturelle et structurelle dans laquelle il se trouve. »
Jamais élu, il a donc décidé d’adopter définitivement un rôle de stratège. Ses premiers conseils à Nicolas Sarkozy : « Aller plus loin dans les réformes », en distinguant « l’essentiel du subalterne », « parce qu’on ne peut pas tout faire en même temps ». Partisan d’un « pacte » où, en « contrepartie d’efforts supplémentaires », les Français recevraient « des garanties sur la santé, l’éducation, les retraites », il s’est prononcé en faveur d’un départ plus tardif à la retraite.
Villepin pousse-au-crime ? « Non, pousse-à-la-vertu » a-t-il répondu avec un large sourire.
Source: Judith Waintraub (Le Figaro)