Quelques clés pour mieux comprendre le conflit en Ossétie du Sud.
Une guerre de quinze ans
L’Ossétie du Sud, située à l’est de la Géorgie et peuplée de 70.000 habitants, est en conflit larvé avec la Géorgie – à laquelle elle est rattachée – depuis la chute de l’empire soviétique.
Les Ossètes du Sud souhaitent une réunification avec leurs voisins du Nord, situés en territoire russe. En 1990, la région s’est ainsi dotée de son propre Parlement. L’année suivante, les autorités ossètes ont proclamé unilatéralement leur indépendance, sans obtenir la moindre reconnaissance internationale.
La situation s’est détériorée en 2004, après l’arrivée au pouvoir du pro-occidental Mikhael Saakachvili, qui souhaite rétablir la souveraineté de la Géorgie sur l’ensemble du territoire.
Les liens avec Moscou
Depuis le début des années 1990, les Russes soutiennent l’Ossétie du Sud. Moscou a ainsi distribué des passeports aux Ossètes, les rendant de facto citoyens russes. Des Casques bleus russes sont également présents sur le territoire depuis 1992.
« Le président ossète est un ancien lutteur quasi analphabète complètement sous la coupe d’un directeur politique venu de Moscou. Quant au gouvernement, il est contrôlé par le FSB (services secrets russes) », assure le député Pierre Lellouche, ancien président de l’Assemblée parlementaire de l’Otan.
Des militaires russes auraient été tués. Les Russes se trouvent donc dans l’obligation de réagir. « C’est une question d’honneur », explique Sabine Freizer, experte de la région au think tank Crisis Group. « Et, en Russie, la cause ossète est très populaire. »
Les raisons d’une guerre
Ces dernières semaines, la tension était montée d’un cran en Ossétie du Sud avec une série de combats meurtriers qui avaient fait six morts. En juillet, l’aviation russe avait également survolé le territoire géorgien.
Selon un expert de la région, le pouvoir géorgien pensait boucler « l’opération » en vingt-quatre heures et comptait sans doute sur une absence de réaction russe en raison de la trêve olympique.
Autre raison avancée: le président géorgien, très contesté à cause de la corruption qui gangrène les institutions, a un besoin impérieux de ressouder le pays autour de lui. D’où cette offensive.
Enfin, dernier calcul possible de Mikhael Saakachvili: en cherchant à internationaliser le conflit, il tente d’obtenir le soutien des pays occidentaux et espère accélérer le processus d’adhésion à l’Otan.
Etats-Unis et Russie s’affrontent à distance
Derrière cette guerre, il y a confrontation entre Moscou et Washington, appui inconditionnel du président Saakachvili. Poussé par la Maison-Blanche, la Géorgie réclame son adhésion à l’Otan. Rattachement hypothétique, mais Moscou craint d’être encerclé dans le Caucase.
Pour contrecarrer cet « expansionnisme », Moscou agit donc sur plusieurs conflits dits « gelés » pour maintenir son influence. L’Ossétie du Sud en est un.
Les autres points chaud dans le Caucase
Daguestan : La plus grande république du Caucase russe, à majorité musulmane, a été le théâtre après 1999 d’incursions de rebelles tchétchènes faisant des centaines de morts. Le second conflit russo-tchétchène d’octobre 1999 a commencé après l’incursion au Daguestan d’un groupe de combattants tchétchènes conduit par le chef de guerre Chamil Bassaïev. Moscou avait alors répliqué en lançant une vaste offensive militaire. Les attaques contre les représentants des autorités, notamment les policiers, restent fréquentes dans cette région.
Tchétchénie : La Tchétchénie a proclamé unilatéralement son indépendance en novembre 1991, juste avant la chute de l’URSS. En 1994, le président russe Boris Eltsine lance l’armée contre la Tchétchénie et subit une défaite. Le 1er octobre 1999, les forces russes reprennent pied en Tchétchénie pour une « opération antiterroriste ». La guerre devait durer quelques mois, mais le conflit a perduré, s’exportant hors du territoire: en Ossétie du Nord, Bassaïev revendique la prise d’otages dans une école de Beslan (331 morts en septembre 2004). A Moscou même, prise d’otages au théâtre de la Doubrovka (octobre 2002, 130 otages tués). L’année 2003 a cependant été placée par Vladimir Poutine sous le signe de la normalisation, avec l’organisation d’un referendum constitutionnel et d’une présidentielle. La fin de l’opération antiterroriste » a été annoncée en janvier 2006. Mais si la région est normalisée et en pleine reconstruction, des accrochages avec les rebelles continuent. De facto numéro un depuis l’assassinat de son père, le président Akhmad Kadyrov, en mai 2004, l’ancien rebelle Ramzan Kadyrov est devenu en avril 2007 à son tour président de la Tchétchénie.
Ingouchie : L’Ingouchie, voisine de la Tchétchénie, est l’une des républiques les plus pauvres de Russie. Elle a accueilli jusqu’à 300.000 réfugiés. Proches des Tchétchènes, les Ingouches ont été, comme eux, déportés en 1944 par Staline, pour « collaboration » avec l’Allemagne Nazie. Longtemps à l’écart du conflit tchétchène, l’Ingouchie en subit les débordements: enlèvements, meurtres de civils et attaques contre les forces de l’ordre. En juin 2004, une attaque menée en Ingouchie par Bassaïev a fait 90 morts, en majorité des membres des forces de l’ordre ou du Parquet ingouches. Président de l’Ingouchie depuis 2002, l’ancien général du FSB Mourat Ziazikov mène une répression féroce.
Ossétie du Nord : Les Ossètes ont été divisés entre deux Etats, la Géorgie à laquelle appartient l’Ossétie du Sud et la Russie dont fait partie l’Ossétie du Nord. L’Ossétie du Nord abrite la principale base militaire russe dans la région du Caucase. En 1992, un conflit (plus de 500 morts), a opposé l’Ossétie du Nord à majorité chrétienne, à l’Ingouchie. L’Ossétie du Nord a également subi le contrecoup du conflit tchétchène, avec notamment la prise d’otages de Beslan. Les Ossètes accusent la minorité ingouche musulmane d’alimenter le terrorisme dans la région.
Ossétie du Sud : En janvier 1992, après un conflit armé avec la Géorgie, les Ossètes du sud se prononcent par referendum pour leur indépendance et leur rattachement à l’Ossetie du Nord. Aux termes d’un accord de cessez-le-feu conclu en juin 1992 entre la Russie et la Géorgie, une force d’interposition tripartite (Ossètes, Géorgiens et Russes) a été déployée le long de la frontière entre la Georgie et l’Ossétie du sud. Les incidents ont toutefois continué. Le président géorgien Mikhaïl Saakachvili, qui vient de lancer une offensive contre l’Ossétie du Sud, a toujours indiqué qu’il voulait la faire rentrer dans le giron géorgien. Un grand nombre d’Ossètes du Sud possède la citoyenneté russe et l’économie du territoire est de facto intégrée à celle de la Russie, que veulent rejoindre les autorités séparatistes.
Abkhazie : En 1992, la région géorgienne d’Abkhazie, située sur les bords de la Mer noire, a proclamé unilatéralement son indépendance. Un an de guerre entre séparatistes et forces géorgiennes qui s’est achevée par la victoire des Abkhazes avec le soutien présumé de la Russie, a fait des milliers de morts. Le maintien de la paix dans la zone est assuré par des soldats russes. Après avoir obtenu en 2004 le retour de la république autonome géorgienne d’Adjarie sous l’autorité de Tbilissi, le président Saakachvili a signifié que l’Abkhazie, comme l’Ossétie du Sud, devait suivre le même chemin. Un plan allemand de règlement, proposé en juillet 2008, a été rejeté par le séparatistes. Le président abkhaze, Sergueï Bagapch, vient de promettre son soutien à son homologue ossète. Un millier de volontaires abkhazes sont en rout
e vers l’Ossétie du Sud, a-t-il déclaré à l’agence Interfax.
Nagorny-Karabakh : Enclave à population majoritairement arménienne en Azerbaïdjan, le Nagorny Karabakh a été le théâtre d’un conflit sanglant au début des années 90 au moment de la désintégration de l’Union soviétique. L’enclave reste depuis le cessez-le-feu de 1994 sous le contrôle des Arméniens, qui l’avaient emporté sur le terrain. Les incidents entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises se poursuivent depuis lors.
Sources: Antoine Malo (Journal du Dimanche) et Nouvel Observateur