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Disparition du Prix Nobel de littérature Alexandre Soljenitsyne

L’écrivain russe Alexandre Soljénitsyne, grande figure de la dissidence sous le régime soviétique et prix Nobel de littérature, est mort ce soir à l’âge de 89 ans.

Soljenitsyne a révélé au monde la réalité du système concentrationnaire soviétique dans ses ouvrages « Une journée d’Ivan Denissovitch », « Le premier cercle » et « L’Archipel du Goulag ».

Interrogé sur France Inter, Dominique de Villepin lui a rendu hommage lundi, en estimant qu’Alexandre Soljenitsyne nous laisse « quelques questions d’une brûlante actualité ».

Auteur d’une oeuvre fondée sur l’expérience du totalitarisme, notamment d’une série d’ouvrages faisant le récit des horreurs des goulags soviétiques, Soljenitsyne a longtemps été considéré comme un écrivain dissident.

Condamné lui-même à huit ans de détention dans les goulags pour avoir critiqué Staline, déchu de sa nationalité soviétique, il est contraint de s’exiler et publie ses oeuvres à l’étranger: « Le Premier Cercle », « Le Pavillon des cancéreux » et « L’ Archipel du goulag » (1973). Après 20 années d’exil, il rentre dans son pays en 1994.

Né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk (Russie), Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne passe son enfance à Rostov-sur-le-Don, au sud de la Russie, où il fait des études de sciences et de lettres, avant d’être mobilisé pendant la seconde guerre mondiale.

Après la guerre, en 1945, Soljenitsyne est condamné à huit ans de « redressement » dans les camps de travail pour complot anti-soviétique, après avoir critiqué la politique de Staline dans une correspondance. Soljenitsyne y accusait le gouvernement de l’URSS et Staline lui-même de porter une plus grande responsabilité que Hitler dans les dramatiques conséquences de la guerre sur le peuple soviétique.

Il relatera son expérience du goulag dans « Une journée d’lvan Denissovitch », dont Khrouchtchev autorise la parution en 1962. Cet ouvrage lui confère rapidement la notoriété.

Prix Nobel de littérature en 1970, il a été privé de sa citoyenneté soviétique en 1974 et expulsé d’URSS. Il a alors vécu en Allemagne, en Suisse puis aux Etats-Unis. C’est à l’étranger qu’il publie son ouvrage le plus célèbre, « L’ Archipel du goulag ».

Depuis son retour sur sa terre natale en 1994, Soljenitsyne s’était montré critique envers l’Occident et envers l’évolution de la Russie postsoviétique, appelant à un retour aux valeurs morales traditionnelles.

Il appréciait néanmoins le rôle de Vladimir Poutine, président (2000-2008) reconverti Premier ministre et partisan du retour d’une Russie forte et fière d’elle-même, malgré son passé d’officier du KGB. Ce dernier, qui lui avait rendu visite le 12 juin 2007 pour lui remettre le prestigieux Prix d’État russe, avait alors loué celui qui a « dédié sa vie à la patrie » : « Des millions de gens dans le monde lient le nom et les oeuvres d’Alexandre Issaevitch Soljenitsyne au sort de la Russie elle-même. »

« A la fin de ma vie, je peux espérer que le matériel historique que j’ai collecté entrera dans les consciences et la mémoire de mes compatriotes » avait alors répondu Soljenitsyne.

« Notre expérience nationale amère aidera, en cas de nouvelles conditions sociales instables, à nous prévenir d’échecs funestes ».

Le président russe Dmitri Medvedev a exprimé dimanche soir ses condoléances à la famille de l’écrivain.

Le président français Nicolas Sarkozy a rendu hommage lundi à la mémoire d’Alexandre Soljenitsyne, « l’une des plus grandes consciences de la Russie du XXe siècle ». « Son intransigeance, son idéal et sa vie longue et mouvementée font d’Alexandre Soljenitsyne une figure romanesque, héritière de Dostoïevski. Il appartient au panthéon de la littérature mondiale. Je rends hommage à sa mémoire. »

L’ancien président Jacques Chirac a fait part de sa « tristesse » dans un communiqué publié après le décès de cet « héritier des géants de la littérature russe, historien d’exception ». « La Russie perd aujourd’hui un grand combattant pour la vérité qui aura oeuvré à la réconciliation des Russes avec leur passé », souligne-t-il. « Le monde perd quant à lui une figure de la liberté ».

L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin a également rendu hommage lundi à Alexandre Soljenitsyne, décédé la veille, qui nous laisse « quelques questions d’une brûlante actualité ». « C’est un homme qui déborde la littérature russe », a déclaré sur France Inter M. de Villepin, interrogé dans le cadre de l’émission « Escale estivale » d’Emmanuel Khérad.

« Il est vraiment de plain-pied dans la grande littérature mondiale, avec quelques grands noms, Dostoïevski et Tolstoï bien sûr, et aussi les Victor Hugo, les Paul Celan, les Mandelstam », a-t-il ajouté.

« C’est quelqu’un qui dans la littérature s’intéresse à l’histoire, à la philosophie, à l’homme et donc c’est quelqu’un qui nous invite à nous dépasser, à nous questionner, et qui au-delà de ce siècle qu’il a tutoyé, le XXe siècle, (…) nous laisse quelques leçons, quelques questions qui restent d’une brûlante actualité », a estimé Dominique de Villepin.

Sources: Le Figaro, Le Point, Agence France Presse et Associated Press

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