Michèle Tabarot, députée UMP des Alpes-Maritimes, a remis cette semaine à François Fillon son rapport sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance.
Malgré les 7,5 milliards d’euros annuels consacrés à la politique familiale, les besoins des familles en termes de garde sont en effet loin d’être couverts. Une loi de programmation sur l’offre d’accueil de la petite enfance pourrait être envisagée « pour 2009″, a souhaité la députée.
Son rapport dresse un constat attendu mais sévère : le manque de places en crèche ou chez les assistantes maternelles s’élèverait à 320 000.
Un calcul en-deçà des projections de la Cnaf qui, de son côté, évalue le besoin à 430 000 places. Quoi qu’il en soit, le taux de couverture actuel n’est que de 51 places pour 100 enfants. Le rapport en vise désormais 60. Une augmentation très attendue par les parents qui, selon les études, seraient 7 sur 10 à préférer un accueil en structure pour leurs enfants plutôt que de recevoir une allocation favorisant la garde à domicile.
Une pénurie qui pèse sur la vie des familles françaises, puisque 25 % de celles qui gardent leur enfant à domicile affirment n’avoir pas d’autre choix. Là encore, pas de surprise : ce sont souvent les mères qui choisissent de prendre un congé parental (lequel peut aller jusqu’aux 3 ans de l’enfant) pour s’occuper d’un enfant en bas âge, renonçant du même coup à leur activité professionnelle.
« Le congé parental constitue souvent une trappe à inactivité pour les femmes qui perçoivent un bas salaire ; nous voulons changer les choses en incitant les pères à prendre un congé parental et en augmentant l’offre des structures de garde », résume Michèle Tabarot.
S’appuyant sur l’expérience de douze pays européens, notamment les modèles suédois et norvégien, le rapport articule ses propositions selon deux grands axes : optimiser l’offre d’accueil existante et créer des structures innovantes.
Sa première proposition pour améliorer la garde des enfants en bas âge vise à desserrer les normes d’accueil. En France, la loi interdit aux assistantes maternelles, qui constituent le mode de garde le plus répandu, de prendre en charge plus de trois enfants. Le rapport Tabarot propose de passer à une assistante pour quatre enfants.
Il est également envisagé de revoir le fonctionnement de la Protection maternelle et infantile (PMI), qui dépend du département. Aujourd’hui, c’est elle qui fournit l’agrément aux assistantes maternelles. La députée veut donner aux communes la possibilité facultative de délivrer ces fameux agréments.
Le document soumet aussi l’idée de créer des « maisons des assistantes maternelles ». Ces dernières pourraient se regrouper à trois dans un local commun. « Cela leur permettrait d’être plus efficaces et d’accueillir plus d’enfants », approuve Julien Damon, responsable du département questions sociales au Centre d’analyse stratégique (CAS) et spécialiste des politiques familiales.
Car si, théoriquement, les assistantes maternelles pourraient actuellement accueillir 968 000 enfants, seuls 689 900 d’entre eux sont inscrits dans ce dispositif, faute de locaux. Ces derniers pourraient être fournis par les communes ou loués soit par des entreprises (qui profiteraient alors de crédits d’impôt), soit par les assistantes maternelles elles-mêmes, qui bénéficieraient alors de déductions fiscales.
Regroupement des assistantes maternelles dans un lieu extérieur (local communal ou appartement) sans perte de statut, développement des crèches d’entreprise, encore en nombre très limité, les solutions « innovantes » devraient être développées.
Jugeant souhaitable que les enfants soient gardés par les parents « dans les tout premiers mois de la vie », citant une fourchette de « six à douze mois », avec une « implication des deux parents », Mme Tabarot propose de réformer le congé parental, qui a par ailleurs un effet désincitatif sur le travail des femmes, rappelle-t-elle.
Autre proposition : l’accueil pour les 2-3 ans dans les « jardins d’éveil ». Moins de 20 % des enfants fréquentent la maternelle avant l’âge de 3 ans, un chiffre en baisse constante. Le rapport propose donc de recevoir ces tout-petits à la maternelle, encadrés par des éducateurs et des agents territoriaux spécialisés.
Les plages horaires seraient semblables à celles des crèches, mais l’encadrement moindre (un adulte pour 12 enfants), générant donc un coût plus faible.
La piste des seniors est également envisagée. « Il s’agit de développer, dans chaque relais d’accueil familial, un réseau de papys et de mamies sitters à temps partiel », poursuit Michèle Tabarot. Dans le secteur de la petite enfance, le cumul emploi-retraite serait alors autorisé pour les plus de 60 ans.
Enfin, pour en finir avec l’effet pervers du congé parental, la députée envisage de créer, dès le premier enfant, un congé « plus court et mieux rémunéré », d’une durée d’un an, copié sur le modèle suédois (actuellement, il existe en France un congé parental d’un an et mieux rémunéré, mais que l’on peut prendre à partir du troisième enfant seulement). Il serait porté à 67 % du salaire brut, avec un plafond de 1 800 €, et pourrait être partagé entre le père et la mère.
Les salaires des pères étant souvent supérieurs à ceux des mères, cela pourrait aussi les inciter à prendre le congé, comme 10% des pères allemands depuis la réforme dans ce pays.
La recherche d’un mode de garde est « une épreuve » pour les parents qui doivent se débrouiller seuls, reconnaît le rapport, qui préconise la mise en place d’un numéro d’appel téléphonique unique et d’un site internet, qui permettrait de simuler le coût du mode de garde, consulter les places disponibles et se voir attribuer un numéro de dossier consultable.
Le pilotage de l’offre d’accueil reviendrait aux communes et intercommunalités, la Cnaf (caisse nationale des allocations familiales) étant garante d’une répartition équilibrée sur le territoire.
Il n’a pas été possible pour l’instant de chiffrer le coût de ces mesures, a indiqué Mme Tabarot à l’AFP. Mais « les excédents cumulés de la branche famille s’élèveront de 2009 à 2012 entre 13,5 et 15,9 milliards d’euros », rappelle-t-elle.
Sources: Françoise Marmouyet (La Croix), Delphine de Mallevoüe (Le Figaro) et Agence France Presse