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Carte militaire: l'Etat met l'armée au régime

François Fillon a dévoilé hier matin la nouvelle carte militaire, qu’il a présentée comme un « réforme difficile ».

L’armée va perdre quelque 54000 hommes, quelque 83 régiments vont être supprimés, des collectivités vont être durement touchées mais le Premier ministre a exhorté les élus locaux à « prendre en compte l’intérêt général » et promis 320 millions d’euros d’aides.

Visiblement diminué par sa sciatique, François Fillon n’a pas faibli à l’heure d’annoncer la nouvelle carte militaire, et ses coupes claires parmi les régiments.

Evoquant « le pacte sacré », qui veut que « la stratégie commande l’organisation de la défense » et non l’inverse, le chef du gouvernement a assumé une « réforme difficile », préparée en liaison avec l’Elysée et Hervé Morin, le ministre de la Défense. Une réforme nécessaire, a-t-il dit, pour s’adapter « aux nouvelles menaces » comme « le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, le fondamentalisme religieux ».

« Le continent européen est devenu la zone la plus stable du monde (…) Nous ne sommes pas dans un monde plus dangereux, même s’il est moins stable », a-t-il continué.

« On a moins besoin de chars Leclerc, d’artillerie lourde, mais plus besoin de renseignements, de projection de forces plus légères, plus réactives », a-t-il témoigné. D’où la suppression de 54 000 postes, annoncée par Nicolas Sarkozy en juin et confirmée par son chef de gouvernement.

Au terme de la réforme, a précisé François Fillon, l’armée de terre comptera 131000 hommes, l’armée de l’air 50000, la marine 44000. « L’armée de terre aura perdu 20 régiments et bataillons, l’armée de l’air 11 bases aériennes et la marine une base aéronavale », a-t-il dit. Quatre-vingt-trois unités militaires, comprenant des régiments, des centres d’instruction, des services logistiques ou encore des bases aériennes seront fermées à partir de 2009.

Les effectifs seront resserrés autour des « bases de défenses », autour de 85 et 90 sur le territoire d’ici à 2014. Ce concept « extrêmement novateur » consiste à regrouper des « moyens opérationnels différents » autour d’un « même dispositif logistique ».

L’objectif est de faire baisser « les coûts de soutien », qui aujourd’hui représentent selon le Premier ministre 60% des dépenses, contre 40% pour les opérations. Soit l’inverse de l’armée britannique, citée à plusieurs reprises en exemple.

Lorsque la réforme sera menée à son terme, ce sont au moins deux milliards d’euros par an qui devraient être récupérés, a estimé le Premier ministre. Onez de ces bases de défens seront créées dès 2009: dix en métropole (Avord, Brest, Clermont-Ferrand, Creil, La Valbonne, Laudun, Marseille, Nancy, Rennes et Valence) et une à Djibouti.

Cette réforme, a souligné Fillon, permettra à la France de « rester parmi les quatre grandes puissance militaires du monde ».

Le Premier ministre a également insisté sur la difficulté des choix engagés pour de nombreuses communes qui perdront leur bataillon, mais « les chefs doivent faire des choix », a-t-il martelé.

Et s’il a loué la réforme de professionnalisation de l’armée, il a souligné qu’elle « n’a pas été menée à son terme, à cause de problème liés à l’aménagement du territoire, et d’un manque de courage pour décider ». Une pierre dans le jardin, déjà garni, de Jacques Chirac, aux manettes lors de cette réforme.

Si l’Etat a entendu les plaintes des maires, des députés, des sénateurs qui vont perdre un régiment ou un bataillon, le Premier ministre ne se laisse pas amadouer: « Je veux dire sans détour que le rôle de l’armée n’est pas l’aménagement du territoire mais la sécurité des français. Je veux dire aux élus locaux qu’ils sont aussi des citoyens qui doivent faire la différence entre l’intérêt général et l’intérêt local. »

François Fillon n’oublie pas le rôle économique et social des régiments, dont les soldats et leurs familles permettaient de faire vivre toute une ville, notamment, a-t-il reconnu dans « le quart nord-est de la France ». Là, a-t-il promis, l’Etat fera en sorte que toutes les réformes engagées sur différents fronts ne « tombent » pas en même temps.

L’UMP, par la voix de son secrétaire national chargé de la défense, Hervé Mariton, a salué l’effort fait pour tenir compte des « dimensions humaines et territoriales » tout en demandant que les aides soient mises en oeuvre « le plus rapidement possible ».

Le Premier ministre a confirmé l’octroi d’une enveloppe de 320 millions d’euros pour les communes touchées par les fermetures et les 33 déménagements qui débuteront en 2009.

Des « contrats de redynamisation de site de défense » seront élaborés pour 24 sites touchés par la disparition de plus de 200 emplois. En 2009 et 2010, 51 millions d’euros seront répartis pour les neuf premiers sites.

Des mesures fiscales seront mises en place pour inciter les entreprises à investir dans les régions frappées par les fermetures. Paris demandera à l’Union européenne le droit d’accorder ces subventions.

« Une importance particulière » sera accordée au quart nord-est de la France, zone frontalière fortement militarisée au fil des conflits franco-allemands aujourd’hui la plus durement touchée par la réorganisation, a dit le chef du gouvernement.

Par ailleurs, 5000 postes de fonctionnaires d’administrations parisiennes seront transférés d’ici 2012 vers les communes concernées par les restructurations militaires.

Source: Maud Pierron (Le Journal du Dimanche) et L’Express

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