Celui qui, avant d’être condamné à la prison à vie par le régime d’apartheid, avait dit qu’il était prêt à mourir pour son idéal est toujours vivant. Nelson Mandela, qui a passé vingt-sept ans de sa vie en prison, fête ce vendredi ses 90 ans.
Retiré de la vie publique depuis 2004, le vieil homme est devenu une icône de la liberté, vénéré dans le monde entier.
C’est à Qunu, le petit village où il a vécu son enfance, que Nelson Mandela fête ce vendredi, en famille, son 90e anniversaire. Mais l’événement, symbolique, aura de l’écho sur l’ensemble de la planète. Car, à l’image de Gandhi ou de Martin Luther King, Nelson Mandela est devenu un symbole de la lutte contre les inégalités et une icône de la paix.
Nelson Mandela naît en 1918 dans le Transkei. Fils d’un chef de tribu, il se prénomme alors Rolihlahla, « celui par qui les problèmes arrivent ». Doué pour les études, Mandela devient avocat. En 1942, il rejoint l’ANC, le Congrès national africain, avec son ami d’études Oliver Tambo. Deux ans plus tard avec Tambo et Walter Sisulu, il fonde une ligue de jeunesse de l’ANC et s’engage pleinement dans la lutte contre la domination blanche qui devient officiellement apartheid en 1948.
Sous la pression d’un régime où l’homme noir est de fait l’esclave des blancs et après de nombreuses arrestations suite à des manifestations, Mandela est poussé à abandonner la stratégie de non-violence prônée par l’ANC.
Un destin à accomplir
En 1962, une nouvelle arrestation aboutira à sa condamnation à la prison à vie. « Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales (…) C’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir », lance-t-il alors à ses juges. Il est emprisonné dans le pénitencier devenu célèbre de Robben Island. Il y croupira pendant dix-huit ans avant d’être transféré dans une résidence surveillée où il passera encore neuf ans.
Devenu le prisonnier politique le plus célèbre du monde, Mandela symbolise l’atrocité du régime d’apartheid tandis que l’Afrique du Sud se retrouve placée au ban des nations. Un peu partout sur la planète, le nom de Mandela est célébré et la pression, quasi-unanime, sur Johannesbourg ne se relâche pas.
Il faudra toutefois attendre jusqu’en 1989 pour que le président Pieter Botha daigne le rencontrer et c’est finalement le 11 février 1990 que Frederik De Klerk décide de la remise en liberté du détenu 46664.
C’est alors un homme aux cheveux blancs et souriant qui apparaît aux yeux du monde quand il retrouve son épouse Winnie. Un homme qui n’a rien perdu de sa combativité et de sa volonté d’anéantir le régime qui n’aura pas réussi à le détruire. Aussitôt libéré, Nelson Mandela entame des négociations avec le régime sud-africain à l’agonie.
Les lois inhumaines de l’apartheid sont abolies et un régime de transition est mis en place. Honoré en 1993 par le prix Nobel de la Paix qu’il partage avec Frederik De Klerk, il reste à Mandela à accomplir son destin.
Son dernier combat, la lutte contre le Sida
Lors des premières élections démocratiques en Afrique du sud qui ont lieu en avril 1994, Mandela est élu triomphalement. Président, il refuse toute idée de vengeance et, avec l’aide d’un gouvernement de coalition, il entend bâtir une « nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et le monde ». Un objectif qui passe par la commission « vérité et réconciliation » au cours de laquelle, par la parole, il s’agit de purger les crimes passés.
Après cinq ans au pouvoir, Mandela passe le relais en 1999 à Thabo Mbeki, le chef de l’ANC. Divorcé de Winnie, il avait épousé en 1988 Graça Machel, veuve de l’ancien président mozambicain. Il prend alors du recul mais demeure considéré comme une conscience, dans son pays et partout ailleurs.
Il se prononcera ainsi en 2003 contre la guerre en Irak menée par les Etats-Unis. Mais son nouveau combat, celui auquel il a décidé de consacre ses dernières forces, est celui de la lutte contre le Sida.
Maladie honteuse en Afrique du sud, il entend briser le tabou en annonçant en janvier 2005 que son propre fils, Makgatho, âgé de 54 ans, a succombé à ce fléau. « Nous ne devons pas dissimuler la cause de la mort des membres de nos familles, que nous respectons, car c’est le seul moyen de pouvoir faire comprendre à la population que le Sida est une maladie ordinaire », dit-il alors.
Retiré de la vie publique, affaibli par les années, Nelson Mandela est apparu récemment à Londres où pendant une semaine, il a été honoré comme un chef d’Etat. Mieux comme une conscience planétaire. Dans son pays, son aura est restée intacte. Le 2 août prochain, il sera fêté par l’ANC à Pretoria à l’occasion d’un grand rassemblement populaire.
Source: Fabrice Voisin (Le Journal du Dimanche)