La Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale n’est guère satisfaite des conditions dans lesquelles les annonces sur les restructurations territoriales des armées sont sans cesse repoussées. Initialement prévues le 19 juin, elles ne se feront pas avant le 20 juillet, au plus tôt.
Chargés d’une mission d’information sur la mise en oeuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense, les deux députés Bernard Cazenave (également maire socialiste de Cherbourg) et François Cornut-Gentille (UMP – Saint-Dizier) réclament de concert qu’Hervé Morin ne rende pas publique cette importante réforme alors que la France sera en vacances.
« Nous souhaitons qu’elle ne soit pas annoncée en catimini, ce qui donnerait le sentiment de vouloir se dérober ou de profiter d’un temps mort. »
Et Bernard Cazeneuve ajoute qu’il refuse que cette réforme soit annoncée « dans la torpeur du mois d’août, sous la serviette », ce qui risque pourtant d’être le cas. À moins que les voeux des députés ne soient respectés : ils réclament que les annonces soient faites avant la fin juillet, ou en septembre…
Pour les députés Cazenave et Cornut-Gentille, qui donnent un bel exemple de coopération non partisane, la réforme du ministère de la Défense, dont découle la nouvelle carte militaire, ne se déroule pas dans des conditions optimales. Ils l’expliquent dans un rapport d’étape présenté à la presse en milieu de semaine.
Tout d’abord, ils remarquent, sans écrire qu’ils le regrettent, que « la liste des sites susceptibles d’être fermés ou réorganisés relève exclusivement des choix de l’exécutif ». Sous-entendu à l’attention du gouvernement : vous auriez tout de même pu consulter la représentation nationale.
Les observations qu’ils adressent portent en particulier sur le fameux accompagnement des mesures de restructurations et ils réclament à cet égard une « modification substantielle » des relations entre les ministères du Budget et de la Défense. Notamment pour éviter que les budgets votés par le Parlement soient laminés par le Budget.
Il convient de ce point de vue de « mettre un terme à la pratique budgétaire qui veut que les crédits de la défense votés en loi de finances initiale soient la variable d’ajustement du budget général en cours d’exécution par des mesures d’annulation, de gel ou de reports, étrangères à la politique de défense ».
Les députés regrettent également que la réforme « ne repose sur aucune étude financière exhaustive ».
Ils réclament que les mesures de dégagement des cadres qui avaient été mises en place lors de la professionnalisation des armées soient remises en vigueur, et dont la liste laisse augurer des lendemains coûteux pour les finances publiques.
Il s’agit, pour les militaires, de pécule d’incitation à une seconde carrière, majoration de pension, congé social des colonels et officiers généraux, indemnité spécifique de préparation de la reconversion, congé de création ou de reprise d’entreprise, indemnisation de la mobilité géographique des non-chargés de famille, reconversion dans la fonction publique. Sans oublier la petite prime supplémentaire de quatre ans de solde non fiscalisée.
Les civils qui ne sont pas oubliés devront recevoir indemnité de mobilité géographique, indemnité de départ volontaire (pour les ouvriers d’État), indemnité d’aide à la création ou à la reprise d’entreprise, plus un très flou « dispositif de départ ».
Sur l’accompagnement des territoires, les députés s’interrogent sur l’intégration, ou non du FRED (Fonds pour les restructurations de défense) dans les 320 millions d’euros annoncés par le Premier ministre pour accompagner la mise en place de la nouvelle carte militaire.
Ils s’interrogent en outre sur l’absence d’annonces par le gouvernement sur les effets des mesures prévues sur l’industrie de défense. DCNS, le grand chantier naval propriété de l’État et de Thales, risque d’être frappé très lourdement par les réductions de commandes de navires neufs (FREMM), et l’étalement des commandes des sous-marins nucléaires d’attaque.
Il est vrai que, sur ce point, le ministre de la Défense Hervé Morin est d’une discrétion remarquable !
Source: Jean Guisnel (Le Point)