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L'ancien Premier Ministre Alain Juppé "inquiet" du retour de la France dans l'OTAN

C’est à la quarantième minute que le coup est parti. « Des évolutions m’inquiètent », s’est exclamé Alain Juppé devant un parterre d’aficionados réunis, mercredi 18 juin, à la Fondation pour l’innovation politique (FIP).

« En 1995, Jacques Chirac avait dit qu’il était prêt à entrer dans l’OTAN si les Américains partageaient le pouvoir et si l’Europe construisait une défense. Aujourd’hui, je crains que le « si » ait disparu. Si on entre dans l’OTAN sans condition, ce sera un marché de dupe », a indiqué l’ancien premier ministre.

Mots ciselés, façon nette de se démarquer des annonces faites la veille par Nicolas Sarkozy, qui avait redéfini devant 3 000 militaires la politique de défense de la France. Le maire de Bordeaux aurait-il choisi la date du 18 juin pour signer son retour sur la scène nationale ?

Depuis sa réélection en mars, M. Juppé se montrait discret, refusait la plupart des demandes d’entretien de la presse, se concentrait sur la coprésidence de la commission du Livre blanc sur les affaires étrangères et européennes, qui rendra ses travaux à la mi-juillet.

« Je me demande si on n’est pas en train de faire un marché de dupes en rentrant sans conditions » dans l’OTAN, a-t-il dit, précisant que ce point de vue serait exprimé, « de façon beaucoup plus diplomatique pour ne pas susciter des querelles », dans le Livre blanc sur la politique étrangère dont il préside les travaux.

« Cette réintégration a du sens dans la mesure où l’Europe progresse dans l’affirmation de ses propres capacités de défense. Je pense qu’il faut que les deux aillent de pair, et je ne voudrais pas qu’on aille plus vite dans un sens que dans l’autre », a précisé Alain Juppé à l’AFP en marge de la conférence.

Mais lorsque la FIP l’a invité à débattre de l’héritage de Mai 68, il n’a pas résisté à la tentation. « Une fondation qui m’est chère », a-t-il martelé, comme pour mieux rappeler une histoire commune qui n’a pas toujours été heureuse : fondée en 2002 par Jérôme Monod pour servir de laboratoire idéologique à l’UMP que présidait alors M. Juppé, la FIP a été mise sur la touche en 2004 lorsque M. Sarkozy s’est emparé du parti. Depuis, elle s’est autonomisée et conserve des liens avec le maire de Bordeaux, qui pourrait s’en servir comme d’une rampe de re lancement. « Le gaullisme n’est pas mort, au moins dans l’esprit de certains », a-t-il lancé.

Concédant des difficultés récurrentes à « communiquer », le maire de Bordeaux a pris le risque d’allonger la liste de ses ennemis en moquant les radios qui « le matin donnent la parole à des gens qui n’ont que des conneries à dire ». Mais l’essentiel de son propos a consisté à valoriser le rôle du chef qui voit loin et assume. Sur l’affaire du référendum irlandais, il a contesté l’idée que les élites soient de nouveau sur la sellette.

Selon lui, il faut au contraire se demander si, en matière de construction européenne, « les élites ne sont pas en avance et le peuple en retard ». Sur la présidence Sarkozy, il s’en est tiré par une pirouette : « Je ne crois pas trop à la dérive monarchique », ajoutant, sibyllin : « Le style peut-être, mais le style, c’est l’homme. »

« On pourrait aussi s’interroger sur notre politique africaine, par exemple », a par ailleurs estimé le maire de Bordeaux lors de la conférence.

« D’accord, il faut actualiser nos accords de défense. En revanche, que nous gardions en Afrique un dispositif militaire, ne serait-ce que pour assurer la sécurité de nos ressortissants, qui sont très nombreux, et puis pour assurer nos engagements de défense, c’est sans doute nécessaire », a-t-il estimé.

« Et là, on peut s’interroger sur certaines orientations récentes », a jugé Alain Juppé.

Source: Françoise Fressoz (Le Monde) et Agence France Presse

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