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Conférence des Finances publiques: un rendez-vous institué par Dominique de Villepin

C’est une conférence des finances publiques sous pression que préside, mercredi 28 mai, François Fillon : dans la continuité du séminaire gouvernemental qu’il a tenu dix jours plus tôt, le premier ministre devait insister sur l’ampleur de l’effort à fournir pour parvenir à rétablir l’équilibre des comptes publics en 2012.

Le principe d’un rendez-vous régulier, au moins une fois par an, de l’ensemble des acteurs de la dépense publique avait été retenu par Dominique de Villepin, alors Premier Ministre, peu après la publication du rapport de la commission présidée par Michel Pébereau. Son titre – Rompre avec la facilité de la dette publique – était à lui seul un programme. La première conférence nationale des finances publiques a été organisée en janvier 2006.

Les participants

Cette grand-messe, qui se tient au centre de conférences Pierre-Mendès-France du ministère de l’économie et des finances, est présidée par le Premier Ministre. Elle devrait réunir, mercredi 28 mai, une cinquantaine de personnes : en particulier le ministre du budget et des comptes publics, Eric Woerth, la ministre de l’économie, Christine Lagarde, les représentants des collectivités territoriales et des régimes de sécurité sociale, les présidents et rapporteurs des commissions des finances de l’Assemblée nationale (Didier Migaud et Gilles Carrez) et du Sénat (Jean Arthuis et Philippe Marini).

Le calendrier

La conférence des finances publiques du 28 mai est la première du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Elle devait initialement se tenir plus tôt : mais entre la préparation du projet de loi de finances pour 2008 et la tenue au printemps des élections municipales, l’exécutif avait finalement décidé d’en décaler de quelques mois l’organisation.

Le contexte

En l’absence d’évaluation précise sur ce que coûtent et ce que rapportent les réformes engagées depuis un an par le président de la République, M. Fillon se heurte au scepticisme généralisé des experts et à celui de la Commission européenne. Cette dernière devait adresser, le même jour, à la France une recommandation politique (Policy Advice) l’incitant à mettre de l’ordre dans ses finances publiques et à ne pas laisser déraper le déficit au-delà du seuil des 3 % de PIB.

A moins de six semaines de la présidence française de l’Union européenne, qui débute le 1er juillet, M. Fillon doit convaincre les représentants de l’Etat, mais aussi ceux des collectivités locales et des régimes sociaux de freiner l’augmentation de leurs dépenses.

Les dotations de l’Etat aux collectivités locales, en particulier la dotation globale de fonctionnement (DGF), devraient, à terme, être soumises à la même norme d’évolution que les dépenses de l’Etat : la stabilisation en volume (hors inflation) puis en valeur (inflation comprise), probablement à partir de 2009. Les régimes sociaux, dont une partie des dépenses, celles de santé, croît structurellement plus vite que la richesse nationale, devraient également être invités à poursuivre leurs efforts de maîtrise.

Il n’est pas sûr, pour autant, que cet appel attendu à la vertu suffise à convaincre Bruxelles de la capacité de la France à tenir, avec deux ans de retard sur son calendrier initial, ses engagements.

La Commission, suivie en la matière par la plupart des instituts de conjoncture, a fait pour la France des prévisions de déficit public en 2008 et en 2009 (2,9 % et 3 % du PIB) bien supérieures à ce que lui a annoncé Paris (2,5 % et 2 %). Et elle a quelques raisons de douter : en 2007, le gouvernement français a dû se résoudre à réviser à la hausse le déficit public, passé de 2,4 % à 2,7 %.

Quant à la dette publique, au sens du traité de Maastricht, elle s’élève à 1 209,5 milliards d’euros fin 2007 et son poids dans le PIB s’est accru de 0,3 point, pour s’établir à 63,9 %. Si l’on y ajoute le fait que, depuis près d’un quart de siècle, la France vit avec des budgets en déficit, on comprend le scepticisme du commissaire aux affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia…

M. Fillon va, certes, faire valoir à Bruxelles que les pouvoirs publics ont pris la mesure de ces difficultés : ils ont décidé de constitutionnaliser le principe de l’équilibre, sur la durée d’un cycle, des finances publiques. Mais la première application de cette règle nouvelle est renvoyée à 2012, donc au prochain quinquennat.

Pour convaincre ses interlocuteurs bruxellois ou parisiens de la réalité de sa conversion à la vertu de l’équilibre budgétaire, le chef du gouvernement devra vraiment donner des gages dans le domaine des dépenses de l’Etat.

Or, depuis son élection, le chef de l’Etat fait valoir que réformer commence par coûter et qu’il a besoin d’un peu de lest. Lundi 26 mai, il a annoncé un nouveau crédit d’impôt destiné à relancer l’intéressement, dont le ministère du budget avouait ignorer le coût.

Et mardi 27 mai, il y ajoutait un nouveau dispositif d’aide aux victimes de la hausse du coût du gazole, financé par une partie de la TVA sur les carburants.

Gilles Carrez, le rapporteur UMP de la commission des finances de l’Assemblée nationale, plaide sans relâche auprès de Matignon et de l’Elysée pour obtenir leur accord sur l’intégration des dépenses fiscales dans la norme d’évolution du reste des dépenses de l’Etat (dépenses budgétaires et prélèvements sur recettes). Le ministre des comptes publics, Eric Woerth, souhaite aussi que soit mis fin à l’exubérance de ces dépenses, faussement indolores.

Quel est l’état réel des finances publiques ?

A quelques semaines du débat d’orientation budgétaire (DOB), au cours duquel le gouvernement précisera ses principales options en matière de dépenses pour 2009, le flou règne.

Les parlementaires ne parviennent pas à chiffrer réellement le coût et le gain des réformes engagées depuis l’élection de M. Sarkozy. Les 14 à 15 milliards, que la loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat (TEPA) était censée coûter en régime de croisière, devraient être revus à la baisse pour tenir compte du volume des heures supplémentaires effectuées, plus modeste qu’attendu. Le coût du bouclier fiscal et celui de l’aide à l’accession à la propriété devraient également être moins importants que prévu. Cela pourrait aider le gouvernement à boucler son projet de loi de finances pour les années 2009 à 2011.

A contrario, Bercy n’a fourni aux commissions des finances des deux Assemblées aucune évaluation de la loi sur le pouvoir d’achat, qui prévoit notamment la monétisation des heures supplémentaires dans la fonction publique. Il n’a pas donné d’indication sur le coût de la réforme des régimes spéciaux de retraite des salariés des entreprises publiques.

Les évaluations successives faites des bénéfices attendus en matière de croissance, d’emploi ou de baisse des prix du projet de loi de modernisation de l’économie (LME) incitent à penser qu’un certain empirisme prévaut dans ce domaine.

Ce flou n’est évidemment pas étranger aux doutes manifestés par Bruxelles.

Source: Claire Guélaud (Le Monde)

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