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Dominique de Villepin à Bruxelles: "La France a besoin de plus de cohésion et de rassemblement"

Dominique de Villepin était à Bruxelles, lundi, pour parler de son livre « Hôtel de l’insomnie ».

Au cours de l’interview qu’il a accordé à La Libre Belgique, il a évoqué ce dossier et l’actualité politique en France. « Je n’ai jamais été très inquiet sur la vérité des choses puisqu’à la fois, la réalité des faits et la réalité du droit sont pour moi extrêmement claires », explique-t-il à propos de l’ »affaire Clearstream ».

« J’ai agi dans le cadre de mes fonctions avec le souci de l’intérêt général. Je n’ai donc pas de doute sur ce que sera la décision finale. Alors sera-t-elle prise dans quelques jours ou dans de longs mois ? Nous verrons. Je regarde tout cela avec beaucoup de confiance. »

Des députés français qui vous sont proches ont évoqué un malaise, la semaine dernière, à propos de certains projets du gouvernement. S’agit-il d’un malaise profond ?

Pour un pays comme la France, qui est engagé dans une voie de modernisation et de réformes, il y a une clé, indispensable, celle du rassemblement. Cette clé est d’autant plus indispensable que, parmi les pays européens, il y en a qui ont de très forts consensus sociaux et politiques, les pays anglo-saxons notamment, et il y en a d’autres qui ont de moins fort consensus.

C’est le cas d’un pays comme la France où ma conviction est que la Révolution française n’est pas tout à fait terminée. Il y a toujours ces suspicions entre le pouvoir et la société et ces divisions au sein de la société et des pouvoirs, qui affichent en permanence des rivalités.

Si nous voulons avancer, nous réformer et nous adapter, nous avons besoin de plus de cohésion, de plus de rassemblement. C’est pour cela que j’ai plaidé depuis de longs mois pour que nous nous retrouvions sur ce qui doit faire l’essentiel du défi à relever, le défi économique et le défi social.

Dans cette période, poser la question de la réorientation de la politique étrangère ou celle des institutions ne me paraît pas prioritaire par rapport à cette exigence.

Avez-vous l’impression que le Président et son gouvernement ne font pas suffisamment d’efforts pour rassembler ?

J’ai l’impression que c’est le défi qu’il nous faut relever aujourd’hui et que c’est difficile. Mais j’ai le sentiment que c’est une idée qui chemine. J’ai bon espoir que cet esprit de rassemblement et de mobilisation autour d’une vision claire de l’avenir pourra se dégager au fil des prochains mois.

Que vous ont apporté les grands auteurs auxquels vous vous référez dans « Hôtel de l’insomnie » ?

C’est un livre dont l’écriture m’a accompagné tout au long de mon périple à l’Hôtel Matignon. L’exercice du pouvoir m’a conduit à souhaiter cheminer à travers la réflexion et le questionnement d’un certain nombre de grandes figures de la poésie ou de la peinture. C’est un livre de questionnement sur le sens des choses, de l’action, de la relation aux autres… C’est d’autant plus nécessaire dans un monde qui change vite.

Le maître-mot de ce livre, c’est se désinstaller, se dépouiller, partant de l’idée que nous sommes toujours trop encombrés d’un fatras de certitudes, de choses inutiles. C’est une invitation à se recentrer sur l’essentiel.

Quel est-il ?

Parmi les grands défis du monde, il y a la nécessité d’établir des passerelles. Il y a surtout la nécessité pour l’Occident, les Européens comme les Américains, de montrer que nos idéaux ne sont pas des idéaux de papier. On ne peut pas défendre le principe de liberté, de justice, de paix sans être capable de relever les grands défis du monde.

Force est de constater que la communauté internationale n’a pas fait les progrès que l’on attendait d’elle. Nos démocraties auront de plus en plus de mal à se justifier, à défendre leurs causes, dès lors qu’elles ne parviennent pas à franchir ces étapes indispensables de la paix, de la lutte contre la pauvreté, de la justice… Si nous voulons éviter ce déclin, nous devons montrer que nos idéaux, nous sommes capables de les appliquer. Il y a urgence.

Faut-il créer de nouveaux instruments pour mener à bien ces projets ?

Nos instruments sont en crise. Les Etats-nations n’ont pas la capacité de porter, à travers la diplomatie traditionnelle, les exigences du monde. Cela implique une gouvernance mondiale, une communauté internationale qui se dote de règles adaptées. La tentation a été pour nous de prendre les règles de l’Occident et de les étendre au reste du monde; cela ne marche pas.

Regardez la crise financière. Elle met en défaut les normes comptables, financières, juridiques établies pour nos propres pays et que nous pensions adaptées au reste du monde. Nous devons penser l’organisation du monde via un système qui ne peut être légitime qu’à travers notre propre regard occidental et à travers celui des autres pays d’autant que ceux-ci affirment leur puissance.

Plus que jamais, il y a la nécessité d’un monde multipolaire et multilatéral. Je pense à une grande organisation mondiale de l’Environnement, à une fusion des compétences des grands organes économiques comme le FMI, la Banque mondiale, l’OMC…

Cela implique aussi que l’Europe soit capable de prendre ses responsabilités. Or l’Europe, même avec la perspective du traité simplifié, reste en panne. D’idées, d’idéaux, de projets. Elle est repliée sur elle-même. Il faut redonner un moteur, un horizon, des projets à l’Europe.

Source: La Libre Belgique

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