Faut-il consacrer autant de temps aux retraites ? La question peut paraître saugrenue, elle se pose néanmoins.
Pour la seconde fois en un mois, Xavier Bertrand, le ministre du Travail et de la Solidarité, a consulté lundi le patronat et les syndicats sur le sujet. Il leur a présenté son projet de réforme, qui doit être arrêté avant l’été puis faire de l’objet de quelques mesures législatives à l’automne. D’ici à quelques semaines, les Français connaîtront donc les nouveaux paramètres du régime de retraite.
Ce sera la… quatrième remise à plat après celles de 1993, 2003 et 2007, sans oublier la tentative avortée de 1995 et en attendant la prochaine. C’est beaucoup, sans doute trop.
Certains diront que cette répétition a un avantage. Elle a fait évoluer les esprits en douceur et chacun est désormais convaincu de la nécessité de modifier le régime des retraites. (…)
Cet éternel recommencement a cependant trois inconvénients.
Le premier est que l’ajustement permanent des curseurs, sans parler de sa seule évocation, a un vrai caractère anxiogène, collectivement et individuellement. Il fait oublier la bonne nouvelle que devrait être l’allongement de la vie, qui est la cause de cet ajustement.
Le deuxième inconvénient est lié au climat social. Chaque réforme suscite bien sûr son lot de conflits et de manifestations. La question, là, n’est pas de faire l’économie du social, les syndicats ont leur mot à dire, mais de se demander si le pas-à-pas est le plus efficace.
C’est d’autant plus vrai que – dernier écueil – la focalisation du débat public sur les retraites en obère bien d’autres. Exemple : l’intérêt pour la loi de modernisation de l’économie n’aura pas tenu longtemps face au défilé d’hier Rue de Grenelle. Peut-on pourtant oser le dire sans choquer ? La préparation de l’avenir de la France dans la mondialisation, l’innovation, l’éducation, l’environnement et la croissance comptent davantage, à un horizon de quelques décennies, que la façon dont les pensions seront calculées.
Nos voisins ont tous décidé des réformes relevant l’âge de la retraite à 65 ans ou au-delà, qui s’appliqueront de façon progressive ; le terme n’aura ainsi pas lieu avant 2029 en Allemagne, selon la loi de mars 2007. Mais ils ne remettent pas constamment l’ouvrage sur le métier. Or les perspectives financières du Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoient qu’une durée de cotisation à 41 ans ne suffira pas, et que 42 ans non plus d’ailleurs.
Le basculement entre les cotisations chômage et retraite repose quant à lui sur un audacieux scénario de retour progressif au plein-emploi. Xavier Bertrand prévoit d’ores et déjà un point d’étape d’ici à 2010 pour « identifier les solutions susceptibles de garantir durablement » le système de retraite.
Attention à ce que donner du temps au temps ne fasse pas perdre trop de temps.
Source: Dominique Seux (Les Echos)