Selon une série de télégrammes diplomatiques citée, samedi 26 avril, par le journal le Monde, les ambassadeurs Français en poste en Afrique soulignent la dégradation de l’image de la France sur ce continent.
L’image de la France « oscille entre attirance et répulsion dans nos anciennes colonies, au gré du soutien politique ou des interventions, militaires notamment, dont ont fait l’objet ces pays », d’après un télégramme de synthèse cité par le journal.
En automne 2007, les avis des 42 ambassadeurs de France en poste en Afrique avaient été sollicités, après notamment un discours du président Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet, très critiqué dans l’opinion et les capitales africaines.
L’un des diplomate cité par le journal affirme que « la France n’est plus la référence unique ni même primordiale en Afrique. Les Français ont du mal à l’admettre ».
La présence de bases militaires françaises en Afrique « alimente le fantasme d’une France qui n’agit qu’au profit de gouvernements iniques et pour des causes opaques » est-il écrit. « On nous reproche à la fois de trop intervenir et de lâcher l’Afrique. Quoi qu’on fasse, on a tort », estime encore un ambassadeur.
Un diplomate français met aussi en exergue les « dégâts durables » pour l’image de la France de l’affaire de l’Arche de Zoé, l’association qui a tenté de faire sortir clandestinement du Tchad des enfants supposés être des réfugiés du Darfour.
Les Français ignorent que les Africains entrent dans la mondialisation « plus vite qu’on ne le croit » et sont désormais courtisés par tous les pays émergents (Chine, Inde, Brésil) et par les Etats-Unis. « Loin de la pensée misérabiliste, (…) les progrès accomplis par l’Afrique sont importants et largement sous-estimés par l’opinion et les observateurs », estime le document, élaboré pour tenter de remédier à l’effet désastreux produit par le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007.
La voracité prêtée à la France en matière d’exploitation des ressources naturelles pèse aussi. Là encore, l’idée selon laquelle Paris tire toutes les ficelles dans ses ex- colonies relève du leurre, assurent les diplomates, puisque les principaux intérêts français se situent en Afrique anglophone. Le Nigeria et l’Afrique du Sud concentrent la moitié des échanges français avec le continent. L’Afrique ne pèse d’ailleurs que pour 0,5 % dans le commerce extérieur de la France, contre 40 % en 1957.
Les télégrammes mettent également en avant l’incompréhension entre l’opinion française qui tend à voir dans les Africains « des gens pauvres parce que corrompus », et l’opinion africaine qui voit une France « frileuse, doutant de ses intérêts, méfiante à l’égard de la jeunesse africaine ».
La France dispose toutefois parmi ses atouts de la « terrible demande » pour la langue française, et est créditée d’une « connaissance irremplaçable du terrain ».
« Nous analysons l’ensemble des paramètres de notre action pour la refonder et peut-être mieux l’inscrire dans un cadre européen, dans un objectif d’efficacité de l’action de l’Etat », a assuré un responsable du Quai d’Orsay, en ajoutant « qu’aucune conclusion ni décision n’ont été arrêtées ». Des exercices similaires sont en cours sur d’autres régions du monde, assure-t-on également au Quai d’Orsay.
Nicolas Sarkozy, à Dakar, avait été critiqué pour avoir notamment évoqué « le drame de l’Afrique, (qui est) que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». A l’occasion d’un déplacement en Afrique du sud en février, il avait souhaité contrer l’image d’une France paternaliste et « gendarme de l’Afrique » en annonçant une révision des accords de défense liant Paris à plusieurs pays de ce continent.
La modestie et la sobriété nouvelles du discours prononcé par le président Sarkozy au Cap le 28 février, résulte directement du constat dressé par les diplomates. Là où, à Dakar, M. Sarkozy avait multiplié les mises en garde péremptoires, il a affirmé au Cap que « les Africains en ont assez de recevoir des leçons de morale » et annoncé la révision des accords de défense avec les Etats africains. Ce nouveau discours a été largement inspiré par la cellule diplomatique de l’Elysée et le Quai d’Orsay, alors que celui de Dakar était né de la plume d’Henri Guaino, conseiller spécial de M. Sarkozy.
Sources: Le Monde et Le Nouvel Observateur