Le redéploiement partiel de la Prime pour l’Emploi pour financer le RSA, annoncé jeudi par Nicolas Sarkozy, suscite les inquiétudes d’une partie de la classe politique et des syndicats qui craignent que les salariés modestes soient ainsi pénalisés pour aider les plus pauvres.
Créée par le gouvernement Jospin en 2001, revalorisée par les gouvernements Raffarin et Villepin, la Prime pour l’Emploi est un complément de revenu versé par l’État aux salariés qui occupent un emploi mal payé.
Le chef de l’Etat a déclaré jeudi qu’il voulait généraliser le Revenu de solidarité active (RSA) « l’année prochaine » en le finançant par un redéploiement partiel de la Prime pour l’emploi (PPE), pour un coût de « 1 ou 1,5 milliard d’euros ».
La Prime pour l’emploi vient en déduction de l’impôt sur le revenu. Si cette remise est supérieure à l’impôt, le contribuable peut recevoir un chèque du Trésor. Ce dispositif coûte actuellement 4,2 milliards d’euros par an à l’État.
Le Haut Commissaire aux solidarités active Martin Hirsch, initiateur du projet, avait chiffré le coût du RSA entre 2 et 3 milliards d’euros. Mais dans son entourage, on précisait vendredi que « le recentrage de la PPE vient en plus des 1 à 1,5 milliard d’euros annoncés par Nicolas Sarkozy » sans qu’il y ait de chiffre clairement arrêté là-dessus.
« 1,5 milliard, cela permet de faire la réforme dans de bonnes conditions pour l’année prochaine » a indiqué M. Hirsch sur France-Info. « Avec le RSA, dans les conditions telles que celles annoncées par le président de la République (…) il y aura moins de travailleurs pauvres dans ce pays », a-t-il garanti sur RTL.
« Le compte va y être. Au fur et à mesure que cela monte en charge, il faudra le compléter, éventuellement en reprenant un peu des primes existantes là où elles ne servaient pas à grand chose », a évalué M. Hirsch.
Mais l’opposition d’une partie de la classe politique et des syndicats ont dénoncé le redéploiement de la PPE, le voyant comme une sorte de redistribution entre les plus pauvres.
Au PS, Stéphane Le Foll estime que « ce sont bien les salariés modestes et au SMIC qui paieront sur leur pouvoir d’achat », le Parti socialiste préconisant une augmentation de 50% de la prime pour l’emploi, créée en 2001 par Lionel Jospin.
Pour François Bayrou (MoDem) qui a qualifié ce redéploiement d’ »injuste » et « insoutenable », « le RSA est évidemment parfaitement fondé, mais la solidarité ne peut pas être mise à la charge des plus pauvres, sans qu’il soit fait appel en quoi que ce soit aux plus riches ».
Même son de cloche du côté des syndicats. François Chérèque (CFDT), s’est dit inquiet de la mesure qui renvoie « une image détestable » aux populations les plus modestes qui « touchent parfois 100 euros par mois de prime pour l’emploi, ce qui leur fait un 13e mois ».
De son côté, la CGT déplore que la généralisation du RSA soit financée par l’ »amputation de la Prime pour l’emploi aujourd’hui versée à plusieurs milliers de salariés modestes ». « Je ne pense pas que ce soit l’égalité », a ainsi dénoncé Jean-Christophe Le Duigou, un de ses dirigeants.
Face à ses critiques, le Haut Commissaire estime que « cela fait des années que, rapport après rapport, on dit que la Prime pour l’emploi est diluée, qu’elle n’est pas efficace et ne va pas là où c’est nécessaire ».
Il a également précisé qu’ »un milliard de cette somme va vers les catégories les plus aisées de la population » alors que le coût total de cette prime pour le retour à l’emploi ou la poursuite d’une activité professionnelle est de 4 milliards en 2007 pour près de 9 millions de bénéficiaires, selon le ministère.
M. Hirsch a estimé sur RTL qu’ »on n’est pas en train de déshabiller Pierre pour habiller Paul ». « On est en train d’habiller Pierre et Paul. Pierre c’est celui qui est au RMI et qui n’arrive pas à retravailler, Paul c’est celui qui travaille aujourd’hui et qui reste travailleur pauvre ».
Source: Agence France Presse