Le Conseil des ministres a adopté, mercredi 23 avril, le projet de loi sur la réforme des institutions. Les députés commenceront à débattre du projet le 20 mai, puis ce sera au tour des sénateurs en juin.
Il ne pourra être définitivement adopté qu’après acceptation par les 3/5è du Congrès, qui se réunira en juillet, probablement le lundi 7.
A l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Luc Chatel a indiqué que le texte prévoyait la suppression de l’obligation d’un référendum pour ratifier l’adhésion d’un nouveau membre de l’Union européenne.
Cette suppression, a-t-il précisé, constitue un retour à l’article 89 de la loi fondamentale, qui permet au président de la République de soumettre une révision constitutionnelle soit à référendum, soit au Parlement réuni en Congrès.
Cette révision entraînera, si elle est approuvée, la disparition de l’article 88-5 rendant obligatoire un référendum pour ratifier toute nouvelle adhésion à l’UE, une disposition qui avait été adoptée pour calmer les craintes suscitées en France par une éventuelle adhésion future de la Turquie à l’UE.
Le président pourra s’exprimer devant le Parlement
Autre mesure phare de la réforme des institutions : le projet de loi permet au président de la République de venir s’exprimer devant le Parlement, dont il accroît les pouvoirs. La « quasi-totalité » des propositions du comité présidé par l’ancien Premier ministre Edouard Balladur ont été reprises dans ce projet de loi, selon les services de la présidence.
Y ont été ajoutées deux propositions, « sur la demande expresse du président de la République »: limitation à deux du nombre de mandats présidentiels consécutifs et fixation du nombre maximum de ministres par une loi organique. Aux termes de ce projet, le chef de l’Etat a la possibilité de s’adresser directement au Parlement, « ce qui l’oblige de fait », selon l’Elysée, à venir devant lui « en cas de crise ou pour faire le bilan de son action ».
L’ordre du jour du Parlement sera par ailleurs fixé non plus par le gouvernement, mais par la conférence des présidents de chaque assemblée, deux semaines sur quatre étant réservées à l’examen des textes gouvernementaux. Une séance par mois sera laissée à l’opposition. La discussion en séance d’un projet de loi ne pourra intervenir qu’au bout d’un mois après son dépôt. Elle portera sur le texte adopté par la commission, et non plus sur celui du gouvernement.
Droits nouveaux aux citoyens
Une commission parlementaire donnera son avis sur toutes les nominations importantes. L’article 49-3, qui permet au gouvernement de faire adopter une loi sans vote, sera limité.
Le Parlement devra autoriser la prolongation de toute intervention armée à l’étranger au-delà d’une durée de six mois.
La révision constitutionnelle donne enfin des droits nouveaux aux citoyens. Un « Défenseur des droits des citoyens » pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public. Une exception d’inconstitutionnalité permettra aux justiciables de contester devant le Conseil constitutionnel la conformité à la Constitution de lois déjà promulguées.
La gauche votera contre
Le gouvernement n’est pas pour autant assuré de réunir la majorité requise, l’UMP ne disposant pas à elle seule des trois cinquièmes nécessaires au congrès. Pour l’obtenir, il doit convaincre les socialistes ou les centristes de voter pour, ou de s’abstenir.
La gauche juge toujours la réforme insuffisante. Les socialistes réclament l’introduction d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale, une réforme du collège électoral du Sénat afin de rendre possible l’alternance, la prise en compte par le CSA du temps de parole du président de la République et le droit de vote des étrangers aux élections locales. Ils jugent toujours « impossible » la venue du chef de l’Etat devant le Parlement, même si quelques personnalités comme Laurent Fabius se sont dites prêtes à un compromis.
Les centristes, qu’ils appartiennent au MoDem ou au Nouveau centre (NC), exigent eux aussi l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives. Le président du NC Hervé Morin a annoncé le dépôt d’un amendement en ce sens lors du débat au Parlement. Reste que l’UMP, et en premier lieu ses représentants au Sénat, ne veut pas entendre parler de la proportionnelle.
Les principaux points de la réforme constitutionnelle
Les pouvoirs du président de la République
- le président pourra désormais venir s’exprimer devant le Parlement et son allocution pourra donner lieu, hors sa présence, à un débat non suivi d’un vote
- les mandats présidentiels sont limités à deux
Le rôle du Parlement
- chaque Assemblée aura la maîtrise de la moitié de son ordre du jour
- « un jour de séance par mois » est réservé à l’ordre du jour fixé par l’opposition
- « une séance au moins » de questions au gouvernement par semaine, y compris durant les sessions extraordinaires
- les parlementaires donneront leur avis sur les nominations aux institutions les plus importantes ou des dirigeants d’entreprises publiques
- sauf en procédure d’urgence, l’examen d’un texte en première lecture ne peut intervenir qu’après le « délai d’un mois après son dépôt », et « dans la seconde assemblée, 15 jours après sa transmission »
- le nombre maximum de commissions permanentes passe de 6 à 8 dans chaque assemblée
- le recours à l’article 49-3 (adoption sans vote) limité au budget de l’Etat, au budget de la Sécu et à « un autre texte par session »
- lorsque la durée d’une intervention extérieure des forces armées excède six mois, « sa prolongation est autorisée par le Parlement », sous la forme « d’une motion votée par les deux assemblées ».
La représentation électorale
- le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en fonction de leur population »
- les Français de l’étranger sont représentés par des députés comme par des sénateurs
- les ministres issus du Parlement récupèrent automatiquement leur siège en quittant le gouvernement.
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM)
- il ne sera plus présidé par le président de la République mais par le premier président de la Cour de cassation, ou par le procureur général auprès de la Cour de Cassation.
Adhésion à l’Union européenne
- la France ratifie l’adhésion d’un nouvel Etat par référendum ou par voie parlementaire (Congrès).
Source: Nouvel Observateur