L’ancien ministre, député de la Drôme, maire de Crest et président du club Réforme et Modernité revient sur la nécessité de poursuivre les réformes, mais de le faire dans l’ordre et l’harmonie, en tenant compte de ce que sont les valeurs de notre société.
« Nous, majorité, ne pouvons pas continuer sur le chemin chaotique qui est le nôtre. Nous avons proposé un projet ambitieux pour la France. Aujourd’hui, ça coince et nous voulons que ça marche.
La méthode du gouvernement, la relation au Parlement, à la majorité sont incertaines. Mais l’essentiel n’est pas là. Le problème, c’est le fond. La France a besoin d’une vision, de valeurs, de fraîcheur.
Aujourd’hui, la vision est confuse. Où nous mène-t-on ? Quel est le sens de notre politique ? Quelle est la priorité ? Il y en a quinze à la fois. Les enjeux économiques, internationaux, sociétaux, institutionnels sont traités au même niveau. Il est temps de comprendre que si d’innombrables sujets tissent la vie de nos concitoyens, la France est plus que jamais et plus que d’autres confrontée à une exigence, créer de la richesse.
Notre pays, fasciné par la répartition, doit retrouver le chemin de la création. Je viens de conclure un rapport sur « la mesure des grandes données économiques et sociales ». En France, à la différence du reste du monde, on s’intéresse plus au nombre de chômeurs qu’au nombre d’emplois. Quand on parle pouvoir d’achat, en France on débat d’abord de l’augmentation des prix, ailleurs de l’augmentation des salaires. Bien sûr, l’action publique est attendue sur des champs variés, mais il y a une priorité unique, enrichir la France et les Français. Ce doit être le paradigme de notre politique, l’objectif qu’on promeut, qu’on décline.
Dans tous les domaines et pour tous les publics, on doit répéter la question « Comment créer davantage de richesses ? ». Le projet de loi de modernisation de l’économie illustre cette exigence. Ce n’est pas un texte révolutionnaire, mais il peigne de nombreux sujets et propose, au profit des entreprises, de desserrer les contraintes (les seuils sociaux, les charges fiscales…) pour créer davantage de richesse. L’ouvrage du Medef Mettez un tigre dans l’offre France ! est stimulant, où chaque page invite à des réformes qui toutes visent le même objectif.
Telle est aussi la démarche du rapport Attali pour lever les obstacles à la croissance. Il faut espérer que les travaux du groupe UMP permettent d’en sauver les meilleures propositions.
Oui, le vrai sujet qui vaille aujourd’hui, c’est d’enrichir la France et les Français. Toutes les idées sont requises, et surtout, c’est bien tous les Français qu’il s’agit d’enrichir. Enrichir par le travail des jeunes, des seniors et des personnes handicapées. Enrichir par le déroulement de carrière des ouvriers et des employés. Par le développement de la recherche, par le développement durable et les opportunités nouvelles de l’éco-industrie. Guizot n’a pas rendu de si mauvais services à notre pays, mais aujourd’hui c’est évidemment d’une nouvelle richesse qu’il s’agit.
Cette vision d’un objectif clair et partagé donnera son sens à la politique de réforme. Sinon, pourquoi moderniser, pour l’esthétique ? Pour qui, pour les nantis ? Et pour tenir le cap, il faut des valeurs.
Pour réformer, il faut savoir où on va, mais d’abord d’où on vient et qui on est. Assumer l’héritage sans ingratitude. À quoi sert-il de décrier le « modèle social français » ? L’autoflagellation sert-elle à la rédemption ? Le pacte social n’est pas une idée vaine comme l’a rappelé le débat sur la carte « familles nombreuses ».
Alors oui, l’exaltation heureuse de la valeur travail est une bonne illustration de ce à quoi on tient. L’élévation par l’intelligence, le mérite, illustre une autre valeur. L’intégration qui enrichit notre pays est une valeur féconde à laquelle il ne faut pas préférer la coexistence communautaire qui le mine. La famille est une autre valeur forte, menacée par la privatisation du mariage sous-entendue dans la déjudiciarisation du divorce ou par les menaces répétées à l’égard de la politique familiale. Le débat est à mener de ce à quoi nous tenons, de ce que nous voulons conserver. Pour mieux bouger, pour mieux réformer.
Les valeurs nourrissent nos talents, nos atouts. La « politique d’enrichissement » doit reconnaître et développer les atouts compétitifs de la France, notre niveau de formation, nos infrastructures, notre création culturelle, notre attrait touristique. Beaucoup peut être puisé dans ce que nous sommes, tout doit se combiner pour l’objectif unique de l’enrichissement.
Et pour que ça marche, à la vision, aux valeurs, il faut ajouter la fraîcheur. Sortir les vieilles fiches des placards de la réforme administrative ne fait pas une politique. La revue générale des politiques publiques est un exercice de qualité qui n’évite pas cet écueil. Il y a beaucoup de choses intéressantes dans le rapport Attali, mais rien de très original. Notre pays a besoin de plus de créativité. Le benchmarking est d’actualité, mais on est aussi plus intelligents à plusieurs que seul. Puisse l’exécutif écouter davantage les parlementaires… et les autres.
Nous n’avons pas le pouvoir de faire, peut-être aurions-nous celui d’imaginer. Donnons-nous un peu de temps s’il faut trouver des idées neuves. Secouons les systèmes. La pertinence, la profondeur, l’efficacité des réformes sont de meilleurs objectifs que leur vitesse et leur nombre.
Je suis un peu insolent, Monsieur le Président, mais je veux que ça marche. »
Source: Hervé Mariton (Tribune publiée dans Le Figaro)