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Flambée des prix alimentaires: l'urgence absolue

Des populations entières subissent ce que d’aucuns appellent déjà un « tsunami humanitaire ». Un peu partout, des émeutes de la faim réclament simplement le droit à s’alimenter, en Haïti, en Egypte, aux Philippines, au Cameroun, au Sénégal, au Mexique, en Indonésie, à Madagascar…

Les manifestations se sont multipliées ces derniers jours contre la hausse du prix des produits de première nécessité, particulièrement du blé et du riz, laissant parfois derrière elles des morts.

Un rapport des Nations unies dresse une liste de trente-sept pays « actuellement confrontés à des crises alimentaires ». Dans la plupart de ces pays, les dépenses d’alimentation représentent plus de 60 % des revenus, contre 15 % en France.

Or, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui tire la sonnette d’alarme, l’assure : « En 2008, la facture des importations céréalières des pays les plus pauvres du monde devrait augmenter de 56 %, voire 74 %, pour les pays à faibles revenus après une hausse significative de 37 % en 2007″.

Comment tout cela est arrivé

C’est une succession d’événements avec, au départ, une mauvaise météo au printemps 2007, et donc de mauvaises récoltes, notamment en Australie qui a perdu 10 millions de tonnes et en Ukraine. Ceci a entraîné une réduction volontaire des exportations des pays producteurs, dont la Russie pour le blé ou la Thaïlande pour le riz.

Dans le même temps, on a enregistré une poussée de la demande mondiale, la population augmentant et les nouvelles classes moyennes indiennes et chinoises occidentalisant leur alimentation. Le tout a été couronné par une hausse des tarifs du fret, associée à celle du pétrole.

Pourquoi cette pénurie

Jean Ziegler, auteur de « Ll’Empire de la honte » et rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, considère que la situation a des causes avant tout structurelles. Selon lui, par exemple, les pays pauvres et endettés ont été contraints par les organismes officiels internationaux, comme le FMI, à produire des matières premières exportables, telles que cacao, coton, pour rétablir l’équilibre de leur balance commerciale, « au détriment des besoins locaux ». Ces pays sont donc tributaires des cours mondiaux.

A côté, la montée en puissance des biocarburants a détourné des millions de tonnes de céréales du circuit alimentaire. Ainsi, 11 % de la production du maïs américain sont dorénavant consacrés à la production d’éthanol.

Par ailleurs, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a dénoncé cette semaine « les aides au développement des pays de l’Union européenne qui ont baissé en 2007 pour la première fois depuis l’an 2000″. Elles se sont élevées à 46,1 milliards, contre 47,7 un an plus tôt. La France figure parmi ceux qui ont réduit leur contribution.

Les réactions des organisations internationales

« Les prix de l’alimentation, s’ils continuent comme ils le font maintenant… les conséquences seront terribles », a lancé M. Strauss-Kahn au cours d’une conférence de presse donnée à l’issue d’une réunion de l’instance dirigeante du FMI. « Des centaines de milliers de personnes vont mourir de faim… ce qui entraînera des cassures dans l’environnement économique », a-t-il mis en garde.

Les progrès réalisés par les pays pauvres depuis cinq à dix ans en matière de développement pourraient se retrouver « complètement détruits », a-t-il dit, en soulignant que ce problème dépassait le cadre strict des préoccupations humanitaires.

« Comme nous le savons, en apprenant du passé, ce type de problèmes débouche quelques fois sur la guerre ». Si le monde veut éviter « ces terribles conséquences », la hausse des prix doit être endiguée.

Le président haïtien René Préval a annoncé hier samedi une réduction du prix du riz pour éviter une répétition des violences des derniers jours. Le même jour, des émeutes impliquant quelque 20.000 personnes protestant contre la vie chère et les salaires bas ont eu lieu près de Dhaka (Bengladesh).

Dans nombre de pays en développement, les gouvernements ont été obligés d’augmenter le niveau des subventions aux biens de première nécessité et aux carburants, ou de réduire leurs exportations de produits agricoles (comme cela a été le cas en Thaïlande avec le riz) pour calmer les tensions inflationnistes sur leur proche marché.

Le directeur général de l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Jacques Diouf, avait appelé cette semaine les dirigeants mondiaux à un sommet en juin pour faire face à ce qu’il a appelé une crise alimentaire mondiale. « Au regard des émeutes alimentaires dans le monde, dans des pays comme l’Afrique et Haïti, nous avons véritablement une urgence ».

En France, la ministre de l’Economie Christine Lagarde a relevé devant la presse que ces problèmes étaient « de facture assez récente ». « On en parle de manière intense depuis 4 à 6 semaines avec des vrais problèmes sociaux ». Pour elle, « c’est parce que les marchés financiers sont en grandes turbulences que les opérateurs de marchés vont se placer sur des produits plus liquides et que les prix des matières premières, agricoles ou énergétiques, montent ».

Mme Lagarde a donc fait valoir que traiter la crise financière était la manière idoine de résoudre pour partie cette envolée des prix alimentaires. « Traitons la crise financière et on fera disparaître une partie de la pression qui s’exerce » sur les prix alimentaires, a-t-elle assuré.

Et l’avenir ?

Vendredi, sur France Inter, Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal et ancien président d’Action contre la faim, était pessimiste: « Il faut cinq ans pour que des terres non cultivées produisent à nouveau ». La situation est compliquée par le fait, selon la FAO, que « les stocks mondiaux sont épuisés ».

Cette flambée des produits alimentaires ne semble pas avoir pour l’heure de raison de cesser, et ses effets pourraient s’étendre. Les émeutes consécutives à la hausse des prix qui ont frappé jusqu’à présent l’Afrique et les Caraïbes pourraient ainsi toucher bientôt à l’Asie, met en garde Jacques Diouf.

Pessimiste, il assure qu’il ne serait aujourd’hui « pas surpris » d’une telle éventualité et souligne : « Il existe déjà de nombreuses tensions dans beaucoup de pays asiatiques, y compris ceux qui exportent des produits alimentaires ». Cela a notamment été le cas en Thaïlande avec les tensions sur le prix du riz…

Jacques Diouf estime également que cette situation est appelée à durer : « Je ne vois pas de raisons objectives à des diminutions de prix », explique-t-il. « Il faut donc s’attendre à de nouvelles émeutes de la faim ».

Sources: Daniel Rosenweg (Le Parisien), TF1 et Agence France Presse

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