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Anciens ministres battus aux Municipales: que faire après la défaite?

Anciens ministres sous Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin ou François Fillon, ils ont été battus aux élections municipales. Chacun d’entre eux prépare l’avenir. À sa façon. Mais non sans amertume.

Y a-t-il une vie après la mort électorale ? Gilles de Robien, écarté de la mairie d’Amiens ; Renaud Donnedieu de Vabres, distancié à Tours ; Dominique Perben, vaincu à Lyon ; Renaud Dutreil, sorti à Reims… En ce printemps de la gauche, les anciens ministres se ramassent à la pelle. Que faire au lendemain de la défaite ? Au minimum, bonne figure.

Privilège de l’âge, commençons par Gilles de Robien. Le 10 avril, il fêtera ses 67 ans. En compagnie de ses proches. Le soir du résultat des municipales, il annonçait la couleur : il « quittait la vie politique locale » pour se « consacrer » à ce qu’il avait « de plus cher au monde »: sa famille et ses amis. A d’autres, le soin « de reprendre le flambeau ».

Ciao et bonsoir, en somme. Le maire d’Amiens, sèchement remercié après dix-huit ans de règne, accusait le coup. Après avoir été ministre de l’Équipement, du Transport, du Logement, du Tourisme et de la Mer sous Raffarin, de l’Éducation nationale sous Villepin, il n’était plus rien. Enfin, plus grand-chose : conseiller municipal dans une ville qu’il avait sauvée de l’emprise communiste et fait entrer dans la modernité, ce vieux rêve giscardien.

Ingratitude des foules. Mais aussi éloignement d’un ministre devenu trop parisien, tergiversations interminables d’un centriste hésitant entre sa fidélité à Bayrou et l’aspiration à Sarkozy.

Fin de partie ? Ce serait méconnaître l’attachement au jeu politique, cette drogue dure. Peu après l’annonce de son retrait, Gilles de Robien revenait sur sa décision. Il annonçait qu’il siégerait au conseil municipal et animerait l’opposition. Une retraite donc, mais active.

Même repli, tempéré par son mandat de député, pour Françoise de Panafieu. Elle a perdu son pari face à Bertrand Delanoë. Tout le monde s’y attendait. Même elle. Rudoyée par son camp plus encore que par les socialistes, elle a désigné certains de ses tueurs : « Goasguen, Lellouche ont joué aux soldats de plomb ». Incorrigibles.

Aujourd’hui, peu encline à endosser les habits de Calamity Jane, elle renonce à son poste de maire du XVIIe arrondissement de Paris : « Compte tenu de l’évolution sociologique, il fallait quelqu’un d’autre ». Lucidité. Elle cède son siège à sa directrice de campagne, Brigitte Kuster. Françoise de Panafieu continuera à assumer ses mandats de conseillère d’arrondissement et de conseillère de Paris, et son rôle de grand-mère.

Sur l’autre rive, dans le quartier, si cher à son cœur, des ministères, Renaud Donnedieu de Vabres déborde d’énergie. Inemployée. Il a échoué dans sa tentative de conquête de Tours. Sèchement. Contre le maire sortant, Jean Germain. Son communiqué fièrement titré « La volonté de reconquête n’est pas de la vengeance ! » croule sous les points d’exclamation. RDDV fustige le système municipal : « Tout était bien réglé, réparti, orchestré. À l’avance ». Il a tenté de déjouer la manœuvre, mais « le système » a eu sa peau. Avec la complicité du candidat villieriste, Guillaume Peltier, qui « a voulu faire place nette ».

Loi d’airain de la politique. Mais Donnedieu de Vabres refuse de s’étendre sur ses malheurs : « Il ne faut jamais être une cicatrice en bandoulière… Faire d’un grain de sable un continent ».

L’ancien ministre de la Culture regorge de maximes optimistes pour temps de disette. N’empêche, le choc est rude. À 54 ans, cet ancien de la bande à Léo Léotard est redevenu un simple figurant dans le jeu municipal tourangeau. « Je veux être l’ingénieur conseil de la reconquête », scande-t-il avec une bonne humeur un peu forcée, « contribuer à désigner le ou la meilleur ». Dont acte.

Pour le reste, « je suis sur le marché, ouvert et disponible. Je sais que ce ne sera pas facile. Mais j’observe les choses avec une sorte de recul froid. Je ne suis pas dans la nostalgie. Je réfléchis ». RDDV se verrait bien rejoindre un organe de presse, développer à l’international la promotion culturelle de la France… En attendant, il va promener son chien, Diego, un labrador sympathique. Le meilleur ami de l’homme. Politique.

Dominique Perben continue, lui, à faire preuve de son étonnante voire irritante placidité. Pourtant, pour celui qui fut ministre successivement sous Balladur, Juppé, Raffarin et Villepin, la retraite est brutale : à peine plus de 30 % dans le IIIe arrondissement de Lyon, ravi au premier tour par son rival, Thierry Philip.

« Ce fut une grande déception », confesse-t-il. Mais pas question de s’avouer « déstabilisé » : « Je crois qu’en 2008, Lyon n’était pas gagnable. Le réseau tissé par Collomb a mieux résisté que je ne le pensais ». Une esquisse d’autocritique ? Il est encore un peu tôt : « Peut-être ai-je accordé trop d’énergie à l’union de la droite. Mais il fallait la faire ».

Un brin d’amertume ? « J’ai beaucoup été trahi, par des gens qui ont habillé leur trahison d’une admiration effrénée pour Collomb ». Fin de la confession. Perben a été élu premier vice-président du conseil général du Rhône, mais a renoncé à son poste de conseiller municipal : « Je ne vais pas continuer à jouer la cible pendant six ans face à Collomb pour tous les gens que ça arrange de me flinguer ». Parlementaire du Rhône, il a intronisé le député Michel Havard tête de file de l’UMP à Lyon. Un rêve s’envole.

Le plus combatif est Renaud Dutreil. Ses oreilles sifflent, comme des balles. À Reims, l’ancien ministre du Commerce, des PME et de l’Artisanat, investi par l’UMP, a non seulement été éliminé au premier tour, mais aurait, par ses hésitations, contribué à faire chuter l’autre candidate de son camp, Catherine Vautrin.

Il se défend : « Le diviseur, ce n’est pas moi, mais elle, qui a refusé de se plier à l’investiture officielle ». Avant de désigner l’homme qui l’a poignardé dans le dos : « À trois jours du premier tour, en violation flagrante du devoir de réserve, Jean-Louis Borloo a demandé à Dominique Bussereau d’émettre un communiqué pour annoncer que le tramway se ferait à Reims et qu’il mettrait 60 millions sur la table. Or j’avais axé toute ma campagne contre ce projet ».

Brutale leçon de trahison politique qui n’a pas fini d’estomaquer l’ambitieux député quadragénaire. Mais qui ne saurait le mettre K.O. « La vie politique est à haut risque, confie-t-il. Je le sais et j’aime ça ». Ce bretteur ne peut s’empêcher d’aller au feu. Vaincu, mais pas à terre, plus rémois que jamais, il contre-attaque.

Il se pose désormais en chantre enflammé de la réforme économique. Et tant pis pour Sarkozy, raillé pour ses « réformettes », ou Fillon, soupçonné de n’être pas « un grand réformateur ». L’UMP s’indigne. Dutreil s’en moque. Il refuse d’être au service des faibles.

Source: Bertrand de Saint-Vincent (Le Figaro)

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