A la veille de la rentrée parlementaire, des voix aussi diverses que Jean-François Copé et François Baroin (anciens ministres du gouvernement de Dominique de Villepin), le libéral Hervé Novelli, le sarkozyste Frédéric Lefebvre et le centriste Pierre Méhaignerie se sont relayées ce weekend pour appeler le gouvernement à reprendre le cours des réformes dans un esprit de plus grande justice sociale, et pour souhaiter un changement profond du mode de fonctionnement actuel de l’UMP.
Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, dans Le Figaro
« L’acte II » de la présidence de Nicolas Sarkozy qui vient de débuter doit être mis à profit pour accélérer et réussir les réformes, estime Jean-François Copé.
Les réformes économiques, politiques et sociales, « c’est maintenant ou jamais« , dit-il dans un entretien publié samedi dans Le Figaro, notant que « nous avons deux ans sans élection locale ».
« Et c’est dans les trois mois que cela doit se décider, avant que ne commence la présidence française de l’Union européenne », ajoute Jean-François Copé.
Le maire de Meaux fut l’un des rares responsables de la majorité à employer le mot « défaite » sur les plateaux de télévision le soir du second tour des élections municipales et cantonales dimanche dernier, d’autres préférant parler de « rééquilibrage », et il le répète.
« Nous venons de vivre une défaite. Le nier serait ridicule. Le premier travail à faire est un exercice de lucidité« , dit-il.
Frédéric Lefebvre, secrétaire national de l’UMP en charge de l’économie
Sur le même thème de l’accélération des réformes, l’UMP dit souhaiter que la session parlementaire qui s’ouvre mardi prochain permette de « réformer plus vite, plus fort, plus juste » et en profondeur l’économie.
Dans un communiqué signé de son secrétaire national chargé de l’économie et des finances publiques, Frédéric Lefebvre, le parti majoritaire appelle à des résultats sur cinq fronts : salaires (exonération de charges pour les entreprises qui jouent le jeu de l’augmentation), prix (dans la grande distribution), partage de la valeur (en réformant intéressement et participation, en offrant un dividende salarial), retraites, emploi (contrat de travail, contrat d’évolution).
François Baroin, député-maire de Troyes, sur Canal +
François Baroin, député-maire UMP de Troyes, a estimé dimanche que la majorité avait subi « une défaite sévère » aux municipales et qu’elle devait en « tirer les conséquences ».
« Ce n’est pas un simple rééquilibrage par rapport à 2001″, a déclaré M. Baroin. La majorité a subi « une défaite sévère, je crois qu’il faut le dire, le souligner, en tirer les conséquences », a ajouté ce fidèle de Jacques Chirac.
Selon lui, « une série de causes » ont joué : « une ambiance nationale incertaine, peut-être également des choix incertains sur des candidats qui ont provoqué beaucoup de dissidence ».
M. Baroin a cité le cas de Reims où la guerre d’investiture entre les anciens ministres UMP Renaud Dutreil et Catherine Vautrin a fait basculer la ville à gauche.
« Les réponses par rapport à l’impatience suscitée au lendemain de l’élection présidentielle n’ont pas été apportées« , a aussi jugé le maire de Troyes en évoquant le pouvoir d’achat.
Le conseiller politique de l’UMP a également estimé que ce parti n’avait pas encore « trouvé ses marques ». Il l’a appelée à faire « entendre une voix qui soit sur ses valeurs gaullistes, sociales, républicaines », pas une voix qui se « résume aux problèmes des Hauts-de-Seine ».
Hervé Novelli, président des Réformateurs, interviewé dans Le Figaro
Quelle est la part de responsabilité de l’UMP dans la défaite des municipales ?
Nous portons chacun à l’intérieur de l’UMP une part de responsabilité. Le parti n’est plus assez ce lieu de débat collectif, d’expression de la diversité des sensibilités et d’offensive intellectuelle contre la gauche qu’il était lorsque Nicolas Sarkozy le présidait. Cette dernière lacune a été particulièrement criante aux municipales. Il y a eu trop peu de mobilisation nationale pour répondre à la campagne de la gauche sur le problème du pouvoir d’achat, qui est réel, ou sur le prétendu plan de rigueur qui allait suivre les élections.
Étant donné le poids de l’exécutif, de quel espace l’UMP dispose-t-elle pour débattre ?
L’UMP doit créer son propre espace pour aider, éclairer, voire devancer l’exécutif, comme elle le faisait depuis 2004. Les Réformateurs organiseront, le 6 mai, un grand « rendez-vous de la réforme » pour faire le bilan de celles déjà en vigueur, identifier celles qui doivent être engagées au plus vite et proposer leurs solutions pour atteindre les objectifs fixés par le président de la République. Quand Nicolas Sarkozy présidait l’UMP, il faisait vivre le débat par des colloques ou même des votes en conseil national. Cela doit continuer et s’amplifier. Sous sa présidence, le parti était pluriel. Depuis dix mois, nous n’avons pas eu le temps de reconstituer ce climat, au risque d’apparaître comme exclusivement suiviste. Une UMP monolithique serait à la fois une trahison de l’histoire des familles qui ont fusionné pour la construire et un déni de la réalité actuelle, où les sensibilités qui forment l’arc de la droite au centre ne correspondent plus forcément aux anciennes appellations.
Êtes-vous pour l’instaurationde courants au sein de l’UMP ?
Non. Il ne s’agit pas de s’affronter ou de se diviser comme le font les socialistes, mais d’être le plus vivant possible et ainsi plus efficace dans l’opinion. Puisque nous réformons la France, réformons aussi l’UMP en profondeur. Au sommet, le partage des responsabilités n’est pas optimal. Je souhaite qu’il soit clarifié : au secrétariat général, la gestion quotidienne, et au Conseil national, l’organisation des débats. Je demande aussi que les sensibilités actuelles, dont la sensibilité réformatrice et libérale qu’avec d’autres je représente, soient intégrées dans les instances dirigeantes de notre formation et associées à sa gestion. Les Réformateurs sont puissants à l’intérieur du groupe UMP à l’Assemblée nationale, mais ils me paraissent ignorés dans la direction du parti. Notre poids et, en conséquence, notre influence ne sont pris en considération ni par l’exécutif ni par le législatif de l’UMP.
Et si cette demande est repoussée ?
La diversité de l’UMP est la condition de sa réussite à fédérer toutes les volontés du centre et de la droite. Si cette diversité n’était plus à l’ordre du jour, il faudrait le dire clairement et revenir à ce que la majorité a connu durant les vingt-cinq ans qui ont précédé 2002, c’est-à-dire aux anciennes familles politiques. Cherchons ensemble comment éviter ce retour en arrière, jalonné de tant de mauvais souvenirs.
Pierre Méhaignerie, député-maire de Vitré et un collectif de députés de la majorité, dans le journal Les Echos
« Seule l’action réformatrice du gouvernement permettra à la France de retrouver le plein-emploi et de redonner aux Français confiance dans l’avenir. A l’issue des élections municipales, nous voulons et nous devons poursuivre les réformes, même les plus difficiles. Mais nous savons qu’elles ne seront acceptées et soutenues par les Français que si elles sont marquées du sceau de la justice. Comment et dans quel sens agir alors que nous sommes face à trois contraintes ?
· La contrainte de la dette et des déficits. Toute aggravation ruinerait la confiance en l’avenir et la solidarité à l’égard des jeunes générations. Dans le domaine des dépenses publiques, de nombreux redéploiements sont possibles et nécessaires.
· La contrainte liée à la forte progression des dépenses sociales. Dans une récente étude du CERC, il est d
émontré qu’au cours des quinze dernières années, l’accroissement du pouvoir d’achat s’est fait essentiellement par les prestations sociales, par le salaire différé plutôt que par le salaire direct.
· La contrainte internationale, qui tire les classes moyennes vers le bas et les classes supérieures vers le haut, creusant les inégalités.
Face à ces trois contraintes, nous devons trouver un nouvel équilibre entre exigence d’efficacité et exigence de justice sociale.
Il nous faut améliorer le minimum vieillesse, les pensions de réversion et le pouvoir d’achat des salariés à bas revenus. Cela passe, non par des dépenses publiques supplémentaires, mais par un effort fiscal plus justement réparti. Le paquet fiscal, dont les mesures sont pour l’essentiel orientées vers les classes moyennes, doit être complété soit par un plafonnement des niches fiscales et sociales, soit par la mise en oeuvre d’un impôt minimum sur la dernière tranche d’imposition. Il ne s’agit pas de créer un nouvel impôt, mais de faire en sorte que l’empilement des niches en matière d’impôt sur le revenu ne puisse réduire ce dernier de plus de 60 %. En effet, les plus hauts revenus ne doivent pas pouvoir s’exonérer totalement de l’impôt. C’est un objectif de justice fiscale et sociale. Redéployer ainsi ces 800 millions d’euros vers les retraites les plus faibles et la prime pour l’emploi est donc non seulement possible mais nécessaire.
150.000 jeunes sortent du système scolaire sans le moindre diplôme, et particulièrement les jeunes des banlieues. Nous devons réformer profondément notre formation professionnelle qui est actuellement illisible, opaque et qui favorise la bureaucratie. Ses crédits, qui représentent plus de 20 milliards d’euros, doivent en partie être redéployés vers ceux qui sont les plus fragiles.
La réforme des retraites à venir doit être imprégnée de l’exigence de justice, comme elle le fut en 2003 en permettant à ceux qui ont commencé à travailler jeunes de partir plus tôt à la retraite. Le différentiel d’espérance de vie restant l’inégalité majeure de notre société, le travail posté, le travail de nuit, les métiers difficiles doivent être pris en compte lors du rendez-vous des retraites de 2008.
Les inégalités d’accès à la propriété ont été largement corrigées grâce aux mesures engagées par le gouvernement. Si nous voulons qu’elles jouent pleinement leur rôle, elles doivent être encore simplifiées. Par ailleurs, la rotation dans le parc HLM peut être fortement accrue grâce à deux mesures applicables depuis le 1er janvier : la location accession et le pass foncier. Grâce à elles, il est aujourd’hui possible d’accéder à la propriété dans la majorité des villes et des zones rurales, avec des mensualités voisines de 550 euros par mois.
Nous soutenons la volonté de réforme du gouvernement, mais nous restons très vigilants vis-à-vis du contenu des réformes, qui ne peuvent se faire sans esprit de justice.
Les ouvriers et les employés, qui ont été les grands perdants des deux septennats de François Mitterrand, ont largement contribué à l’élection de Nicolas Sarkozy. Nous devons et nous pouvons répondre à leurs attentes. Mais la confusion trop facile entre socialisme et social impose à la droite et au centre un effort beaucoup plus important de pédagogie, avec des objectifs lisibles, mesurables, vérifiables.
C’est ainsi que nous répondrons au dilemme de toute société. Trouver le bon équilibre entre deux exigences : plus d’efficacité et davantage de justice« .
Les députés signataires de ce texte sont Pierre Méhaignerie (UMP), Ille-et-Vilaine ; Jean-Paul Anciaux (UMP), Saône-et-Loire ; Benoist Apparu (UMP), Marne ; Thierry Benoit (NI), Ille-et-Vilaine ; Claude Birraux (UMP), Haute-Savoie ; Emile Blessig (UMP), Bas-Rhin ; Michel Bouvard (UMP), Savoie ; Yves Bur (UMP), Bas-Rhin ; Gérard Cherpion (UMP), Vosges ; Jean-Louis Christ (UMP), Haut-Rhin ; Charles de Courson (Nouveau Centre), Marne ; Marc-Philippe Daubresse (UMP), Nord ; Pascale Gruny (app. UMP), Aisne ; Laurent Hénart (UMP), Meurthe-et-Moselle ; Antoine Herth (UMP), Bas-Rhin ; Etienne Pinte (UMP), Yvelines ; Michel Piron (UMP), Maine-et-Loire ; Frédéric Reiss (UMP), Bas-Rhin ; Jean-Marie Rolland (UMP), Yonne ; Valérie Rosso-Debord (UMP), Meurthe-et-Moselle.
Sources: Gilles Trequesser (Reuters), Agence France Presse, Le Figaro et Les Echos