Le Président de la République Nicolas Sarkozy aurait-il réussi en neuf mois le tour de force de faire émerger un « front uni » contre lui, allant du PC à l’UMP, en passant par le PS et le Nouveau Centre ?
C’est en tout cas ce que laisse entendre l’ »Appel à la vigilance républicaine » publié hier dans l’hebdomadaire Marianne, qui accuse le chef de l’Etat, sans le nommer, de « dérive vers une forme de pouvoir purement personnel confinant à la monarchie élective », et met en cause sa pratique en matière de « laïcité », « d’indépendance de la presse » ou de « politique étrangère ».
On trouve parmi les 17 signataires de cette charge rien de moins qu’un ancien Premier ministre UMP, Dominique de Villepin, deux récents candidats à la présidentielle, la socialiste Ségolène Royal et le centriste François Bayrou, le maire PS de Paris Bertrand Delanoë, le député communiste André Gérin ou le député Nouveau Centre Maurice Leroy. Une « diversité » politique voulue par l’initiateur de l’appel, Jean-François Kahn.
Qui, au fil de rencontres en tête à tête, a entrepris (dès octobre avec certains) de bâtir cette première liste, volontairement restreinte et sélective. « Jean-François m’a proposé d’en être avant la fin 2007, à une époque où Sarkozy régnait sans encombre, témoigne le député vert Noël Mamère. Ce n’est pas un appel circonstanciel, lié à sa chute dans les sondages. Nous ne sommes pas des réveillés de la dernière heure. »
Le fondateur de Marianne a également déjeuné récemment avec Jacques Chirac… sans convaincre cependant l’ancien président, qui prend soin de ne pas commenter l’action de son successeur, de mettre son nom en haut de la liste.
La signature de Villepin, réellement acquise au dernier moment, donne tout son sel à cet appel. Et a fait manifestement débat parmi les amis de l’ancien Premier ministre.
« Dominique est l’un des premiers à avoir utilisé l’expression de vigilance républicaine, et il est indépendant, il était donc normal qu’il signe », justifie Georges Tron, député de l’Essonne, proche de Villepin.
« Vu le sectarisme de ceux qui dirigent l’UMP aujourd’hui, signer, c’est prendre le risque de passer pour un opposant systématique, d’apparaître dans le tout sauf Sarkozy », souligne un député UMP, sous le couvert de l’anonymat.
Si Villepin, selon le député UMP du Finistère Jacques Le Guen, « prend date » en signant ce texte, on est prié de ne pas voir dans cet « acte fort » un premier pas vers une éventuelle candidature à la prochaine présidentielle.
« 2012 ne s’écrit pas aujourd’hui », assure le villepiniste Hervé Mariton. « Nous ne sommes pas dans un front anti-Sarkozy, il faut rester subtil », ajoute le député de la Drôme.
A gauche, les signataires ne savaient pas forcément que leur nom figurerait à côté de l’instigateur du CPE, mais s’en étonnent à peine. « La présence de Villepin sur cette liste n’est pas étonnante, vu la haine qu’ils se vouent avec Sarkozy », note Mamère. Pour autant, on n’imagine pas côté PS que cette action commune soit les prémices d’un « front anti-Sarkozy ». « Cette alliance sur le papier correspond davantage au lectorat de Marianne qu’à une réalité politique », estime le député PS Jean-Christophe Cambadélis.
Les amis de Sarkozy, eux, n’ont bien sûr pas de mots assez durs pour dénoncer l’initiative. « C’est une sorte de conjuration des aigreurs, commente Dominique Paillé, conseiller du président. Les protagonistes sont tous exclus du jeu, ils sont donc en train de se liguer contre Sarkozy pour exister. C’est de l’opportunisme politique. » Voire, tout simplement, de la politique…
Source: Nathalie Segaunes (Le Parisien)