Michel Barnier espérait jouer les bons élèves européens, afin d’incarner à sa manière le « retour de la France » au sein de l’Union européenne. Colloques, réunions en série, réceptions, le ministre de l’agriculture et de la pêche a prévu de passer la semaine avec son cabinet à Bruxelles. Flanqué de parlementaires, il compte ainsi contribuer à « reconnecter le débat européen et le débat national qui sont aujourd’hui indifférents l’un à l’autre ».
Mais, lundi 21 janvier, l’ancien commissaire européen a vu sa tentative soudainement déstabilisée par la diatribe de Nicolas Sarkozy sur les quotas de pêche. « Il faut qu’on en sorte et on a une opportunité pour en sortir, c’est que la France va présider l’Union européenne du 1er juillet au 31 décembre », avait lancé le chef de l’Etat devant les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), samedi 19 janvier.
A peine arrivé à Bruxelles, Michel Barnier a constaté que la sortie présidentielle fait des vagues. La question ne figurait pas à l’ordre du jour du conseil agricole du jour, mais face aux journalistes, plusieurs de ses collègues ont pris leurs distances avec les velléités affichées par le locataire de l’Elysée. « A terme, ne pas avoir de quotas ne sert pas les pêcheurs si, dans le même temps, ils n’ont plus de poissons », a observé son homologue allemand Horst Seehofer.
« Les quotas sont un élément essentiel de la politique commune de la pêche », a fait savoir le commissaire en charge du secteur, Joe Borg, après s’être rapidement entretenu avec M. Barnier en marge du conseil. Les deux hommes devaient se retrouver mardi 22 janvier, afin d’examiner le plan d’aide à la profession notifié en début d’année par Paris.
Entre deux rendez-vous, M. Barnier a été contraint de minimiser le discours présidentiel, sans s’en démarquer complètement. « Nous souhaitons préserver la politique commune de la pêche et les quotas », a-t-il affirmé, en appelant à une réforme du dispositif.
Le ministre de l’agriculture a lancé un hommage à la présidence slovène de l’Union, afin de bien montrer que les Français ne cherchent pas, en dépit des soupçons en ce sens, à lui ravir la vedette à coup d’initiatives intempestives. « J’ai surtout le souci de respecter cette présidence, qui est très active, que nous devons accompagner, qui doit réussir, confie-t-il. Personne ne doit s’inquiéter que la France soit de retour, avec son tempérament, et le dynamisme de son nouveau président. C’est le contraire qui serait préoccupant. »
Dans la délégation française, où l’on se demande comment « ne pas en faire trop » en cette période d’avant-présidence, l’embarras est perceptible. Certains regrettent que M. Sarkozy ait donné l’impression de vouloir mettre en cause le dispositif d’un « claquement de doigts » au second semestre. « Nous ne décidons pas chacun pour soi, mais avec les autres », martèle M. Barnier.
La polémique est d’autant plus inopportune aux yeux du ministre de l’agriculture que, depuis sa nomination, il fait partie des membres du gouvernement les plus assidus à Bruxelles. A l’instar du secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, présent deux jours par semaine à Strasbourg ou à Bruxelles, il multiplie les contacts avec les dirigeants européens.
Certains le soupçonnent de soigner son carnet d’adresses européen pour succéder à l’Espagnol Javier Solana à la tête de la diplomatie de l’Union. « Cela n’est pas du tout d’actualité pour moi », affirme, sans surprise, l’ancien ministre des affaires étrangères. Tout en rappelant « l’intérêt » qu’il continue de porter aux questions internationales.
Source: Thomas Ferenczi et Philippe Ricard (Le Monde)