Les querelles au sein du gouvernement font désordre. La dernière en date – la passe d’armes sur le plan banlieue entre Christine Boutin, dans La Croix, et Fadela Amara, dans Le Monde – a mis le premier ministre hors de lui. Au point de faire une intervention rare et solennelle au conseil des ministres du mercredi 16 janvier au nom de la « cohérence de la communication gouvernementale ».
François Fillon a demandé à ses ministres de faire relire leurs interviews par l’Elysée ou Matignon avant parution : « Faites attention à ne pas vous faire piéger ». Nicolas Sarkozy a renchéri : « Je vous donne une liberté de parole, c’est à vous de l’utiliser correctement et à bon escient. »
Bachelot/Laporte : une union jamais consommée.
« Ils m’ont affublé d’un gangster ! », avait confié à des proches la ministre de la santé et des sports, Roselyne Bachelot, à l’annonce de la nomination programmée de l’entraîneur du quinze de France à ses côtés, faisant allusion à sa carrière d’hommes d’affaires. Quatre mois plus tard, alors qu’après la coupe du monde de Rugby, cette nomination était devenue effective, Bernard Laporte fait une première « faute » : « J’ai un nouveau métier. S’il ne me plaît pas, je ne le ferai plus. » Sa ministre de tutelle transforme l’essai : « Etre secrétaire d’Etat, ce n’est pas une question que ça plaise ou pas. On remplit une fonction, on ne la remplit pas pour son plaisir, on la remplit pour le bien des Français. » Quelques jours plus tard, elle met encore les points sur les i : « Le ministre des sports, c’est moi-même, Roselyne Bachelot, avec un secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports, Bernard Laporte, dans une configuration classique dans la République d’un ministre et d’un secrétaire d’Etat. » Depuis, ces deux-là s’ignorent, même s’ils devaient présenter, ensemble, leurs voeux à la presse, vendredi 18 janvier.
Borloo/Kosciusko-Morizet : mariage d’intérêt.
Il a l’expérience politique et la popularité ; elle a les compétences techniques : ce couple-là aurait pu faire alliance. Mais Jean-Louis Borloo a toujours été sur ses gardes : « C’est une emmerdeuse », l’avait prévenu Jacques Chirac qui avait mis son veto à sa nomination dans le gouvernement Villepin. Le ministre du développement durable a pris ses précautions, prenant en main tous les dossiers, ne laissant pas grand-chose à sa secrétaire d’Etat, par ailleurs privée d’administration, puisque l’écologie a été fondue avec les directions des transports et de l’équipement… « Le problème de Jean-Louis avec Nathalie, c’est qu’elle connaît son sujet. Son problème à elle, c’est qu’il veut s’en occuper », observe un haut responsable de l’UMP. Ce n’est que quand M. Borloo sent le vent tourner qu’il la laisse monter en première ligne. Comme lors de la visite du colonel Kadhafi, où il s’est décommandé pour une signature de contrats. « Un grand moment de solitude », lâche-t-elle. De même, mardi 15 janvier, l’a-t-il envoyée in extremis devant le groupe UMP de l’Assemblée alors qu’il savait les députés déchaînés par l’interdiction des OGM annoncée par le premier ministre.
Bertrand/Lagarde : le chômage en garde alternée.
Le travail d’un côté, l’emploi de l’autre : la répartition des portefeuilles du titulaire de la rue de Grenelle et de celle de Bercy portait en elle les germes de la discorde, d’autant que Xavier Bertrand rêvait de Bercy. Les deux ministres se disputent la paternité de la lutte contre le chômage et celle des grands projets économiques et sociaux du gouvernement. Xavier Bertrand a ainsi arraché à sa collègue, en décembre, le premier rôle sur le projet de loi sur le pouvoir d’achat alors que Christine Lagarde avait défendu le premier plan, à l’été. Il n’a pas hésité non plus, à faire état, mercredi 19 décembre, à l’Assemblée, du premier bilan d’utilisation des heures supplémentaires défiscalisées et exonérées de charges… Alors que sa collègue avait programmé une conférence de presse sur le sujet le lendemain.
Christine Boutin/Fadela Amara : incompatibilité d’humeur.
Le pari de Nicolas Sarkozy de marier la vedette des banlieues, musulmane, laïque et féministe, et celle des catholiques traditionalistes pour prendre en main le dossier du logement se révèle impossible. A la complicité affichée des débuts, a succédé une guerre de tranchée entre deux personnalités ambitieuses et jalouses de leur périmètre. Dernière scène de ménage, le fameux plan « antiglandouille » pour les banlieues. « Je ne crois pas en un plan banlieue, mais en une autre politique de la Ville » a déclaré, le 14 janvier dans La Croix, Christine Boutin… sommée par le premier ministre d’être aux côtés de Mme Amara en février pour le présenter.
Source: Gaelle Dupont, Christophe Jakubyszyn et Patrick Roger (Le Monde)