Dans ses rêves, Nicolas Sarkozy se voyait porter Tony Blair – « un grand d’Europe », comme il l’a qualifié – à la présidence du Conseil européen instituée par le traité de Lisbonne. Il reviendra en effet à la France, qui présidera l’Union lors du Conseil européen qui se tiendra en décembre, de préparer les candidatures à cette fonction et à celles de haut-représentant aux affaires étrangères et de président de la Commission qui devraient être pourvus début 2009.
Le « ticket » Blair-Sarkozy a cependant du plomb dans l’aile. Malgré l’appui implicite de Nicolas Sarkozy et l’accueil triomphal réservé samedi par son parti UMP à l’ex-Premier ministre britannique, la candidature de Tony Blair à la future présidence de l’Union européenne ne suscite pas l’adhésion de la droite française.
Ainsi, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur est catégorique: M. Blair n’a pas le profil, car il « ne peut être le symbole d’une Europe qui veut exister », a-t-il souligné jeudi dans une tribune au quotidien Le Monde.
Si la plupart des responsables de l’UMP vantent sa « personnalité remarquable » ou « l’homme charimastique », c’est sa nationalité qui pose le plus problème: la Grande-Bretagne n’appartient pas à l’espace Schengen, a une politique étrangère jugée trop pro-américaine, notamment sur la guerre en Irak, et surtout n’est pas dans la zone euro.
Valéry Giscard d’Estaing, auditionné mercredi 16 janvier par la commission des affaires étrangères et la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale, ne s’est pas privé de dire tout le mal qu’il en pensait. Niant avoir des vues sur le poste – « J’ai passé l’âge de ce genre de fonction » -, l’ancien président de la République n’a pas caché que, pour lui, l’ex-premier ministre britannique n’a pas le profil de l’emploi. « Le futur président, a-t-il estimé, doit être en phase avec la majorité de son propre pays et appartenir à un pays qui respecte toutes les règles européennes. »
Le Royaume-Uni, qui n’appartient ni à la zone euro ni à la zone Schengen et qui pratique l’ »opting out » pour s’affranchir de certaines règles communautaires, n’entre manifestement pas dans cette catégorie. Interrogé pour savoir si cela excluait un candidat britannique ou polonais, M. Giscard d’Estaing s’est contenté de répondre : « Il semble. »
Même le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, s’est démarqué de la promotion de la candidature de M. Blair, jugeant ce choix « prématuré ». Lors du débat à l’Assemblée sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne, il a estimé que, pour chacun des trois postes à pourvoir, « il faudra tenir compte des équilibres politiques et du respect des engagements passés de chacun des postulants, dont la personnalité sera naturellement déterminante ».
Si Nicolas Sarkozy n’a pas officiellement apporté son soutien à Tony Blair, il ne manque pas de vanter les mérites d’un homme qualifié de « grand d’Europe ».
« Sarkozy se trompe sur les chances de Blair. Blair n’aura jamais le soutien du PPE (Parti populaire européen, rassemblant les partis conservateurs) et encore moins des socialistes », analyse un responsable UMP.
« Nicolas Sarkozy s’est avancé trop vite. Je ne pense pas que ce soit le bon candidat. Même si c’est le plus européen des responsables britanniques, Blair est très atlantiste. En 2009, on aura besoin de refonder l’Europe. Il faut tourner la page et faire appel à des Européens authentiques », a déclaré jeudi l’eurodéputée Marielle de Sarnez, bras droit du chef centriste François Bayrou.
Plus prudent, François Sauvadet, du Nouveau Centre, un parti créé par des centristes pour soutenir M. Sarkozy, estime toutefois lui aussi « qu’un président issu de la zone euro serait un signal fort ».
« Le choix de Blair me semble vraiment très, très difficile. Comment défendrait-il l’euro, qui conditionne notre croissance, dans les grandes discussions internationales ? », s’interroge Axel Poniatowski, président UMP de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée.
François Goulard (UMP) s’inquiète franchement du soutien de M. Sarkozy. « C’est une preuve de plus de son alignement sur Bush », a dit ce député proche de l’ex-Premier ministre Dominique de Villepin, qui fut le rival de l’actuel chef de l’Etat. Pour lui, chez M. Sarkozy, « la seule vraie rupture, c’est en politique étrangère ».
« Non à la nomination d’un vassal de Bush ! », s’emporte le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, opposé au traité européen.
« Blair est le symbole de la fausse modernité clinquante que ne supportent plus les Anglais et à laquelle les Français deviennent de plus en plus allergiques », assène-t-il.
Rares sont ceux, parmi les députés UMP, à voir d’un bon oeil la candidature Blair. « Il incarnerait très bien cette présidence. C’est le meilleur moyen de bien ancrer la Grande-Bretagne dans l’Europe car nous ne pouvons pas la faire sans elle », estime l’un d’entre-eux, Marc Laffineur.
Sources: Agence France Presse et Le Monde