Pour la première fois aujourd’hui, le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, a avoué clairement lors de sa conférence de presse de voeux qu’il souhaitait mettre fin aux 35 heures en 2008.
Il a suffi de neuf mots à M. Sarkozy pour enterrer définitivement les lois Aubry. Alors qu’on lui demandait s’il souhaitait que 2008 soit l’année de la fin de la semaine de travail de 35 heures, il a lâché: « Pour dire les choses comme je les pense, oui! »
Depuis 2002, la droite n’a eu de cesse de détricoter les lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000, jugées responsables de la dévalorisation du travail et de l’insuffisance du pouvoir d’achat. Le mouvement s’est accéléré depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, avec la mise en oeuvre de la défiscalisation des heures supplémentaires et du rachat des jours de réduction du temps de travail (RTT) pour permettre aux Français de « travailler plus pour gagner plus ».
Le chef de l’Etat est allé encore plus loin en souhaitant le 29 novembre dernier que les entreprises puissent s’ »exonérer » des 35 heures en échange de hausses des salaires. Le gouvernement a donné jusqu’au 31 mars prochain aux partenaires sociaux pour négocier sur ce sujet.
Mais jamais M. Sarkozy n’était allé jusqu’à remettre en cause la durée légale du travail à 35 heures, considérée par lui-même comme un « acquis social » le 29 novembre dernier.
Le conseiller spécial du président, Henri Guaino, a toutefois assuré qu’il n’y avait « rien de nouveau » par rapport à ce que Nicolas Sarkozy avait annoncé auparavant. « La durée légale du travail restera à 35 heures, mais il sera possible, branche par branche, entreprise par entreprise, avec des accords majoritaires, (…) de déroger à cette règle. S’il n’y a pas d’accord, la règle des 35 heures s’applique automatiquement », a-t-il précisé sur RTL. « Ça, c’est pour cette année », a-t-il ajouté, précisant que la loi devrait être précédée d’un dialogue social « dans les mois qui viennent ».
La sortie du chef de l’Etat a provoqué un tollé à gauche et parmi les syndicats, qui dénonçaient mardi la « fin de la durée légale du travail ».
« Trahissant la parole donnée, durant et après la campagne présidentielle, de ne pas les remettre en cause, Nicolas Sarkozy veut mettre fin à la durée légale du travail, une régression sans précédent depuis un siècle », a accusé le Parti socialiste. « S’il n’y a plus dans ce pays de durée légale du travail, à partir de quoi on va calculer les heures supplémentaires? Quelle va être la durée maximale du travail? On va vers une déréglementation totale en la matière, vers une forme d’arbitraire », s’est insurgé le socialiste Pierre Moscovici.
Le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, a exprimé son « désaccord » à la perspective de la fin des 35 heures. « Nous voulons maintenir la durée légale du travail en France », a-t-il dit sur France Info.
Interrogé cet après-midi à l’Assemblée Nationale, le Premier ministre François Fillon a, quant à lui, affirmé que les 35 heures sont « l’une des erreurs économiques et sociales les plus graves qui aient été commises dans notre pays depuis 25 ans »: le président Nicolas Sarkozy a appelé mardi matin le gouvernement à « poursuivre la libération du travail, pour qu’enfin disparaisse ce carcan des 35 heures, qui fut une des erreurs économiques et sociales les plus graves qui aient été commises dans notre pays depuis 25 ans », a-t-il dit, en réponse à une question d’actualité du patron du groupe UMP, Jean-François Copé.
M. Fillon a déclaré que M. Sarkozy avait « fixé le cap de l’année 2008″, en « proposant de poursuivre l’adaptation de notre pays aux changements du monde, changements que pendant si longtemps nous avons refusé d’admettre ».
Interpellé à son tour par les socialistes lors de la séance de questions au gouvernement, Xavier Bertrand a confirmé la volonté présidentielle. « Nous voulons tourner la page des 35 heures imposées. Les choses sont claires », a répondu le ministre du Travail. Si les discussions entre les partenaires sociaux ne débouchent pas, « nous prendrons nos responsabilités ».
M. Bertrand a cependant assuré qu’un « cadre juridique » resterait en vigueur pour la durée du travail en France. « Il n’est pas question de faire n’importe quoi n’importe comment », a-t-il affirmé, rappelant que la France s’était opposée au projet de directive européenne sur le temps de travail.
L’aveu présidentiel a été salué par les libéraux de la majorité favorables à la suppression des 35 heures. « On a besoin de savoir clairement où l’on va », a réagi le député UMP Hervé Mariton, disant « chiche » à Nicolas Sarkozy.
Source: Associated Press