La loi libéralisant la contraception en France a 40 ans.
Le 28 décembre 1967 fut en effet promulguée la « loi Neuwirth », du nom de son auteur, Lucien Neuwirth, député UNR de Saint-Etienne. Elle abrogeait la loi du 31 juillet 1920 interdisant toute contraception.
Elle était désormais autorisée mais pas remboursée par la Sécurité sociale. Il faudra attendre le 4 décembre 1974 pour que la contraception soit remboursée par la Sécurité Sociale.
Lucien Neuwirth, un gaulliste de la première heure
Né le 18 mai 1924 à Saint-Etienne, Lucien Neuwirth s’engage en 1944 dans les Forces françaises libres. Condamné à mort en 1945, il échappe au peloton d’exécution.
Adhérent au RPF, il est conseiller municipal de Saint-Etienne (1947-1965) et adjoint au maire (1953-1965).
A Alger, il est membre du Comité de Salut public (mai 1958), directeur de la RTF et représentant permanent de Soustelle (juin-novembre 1958).
Elu député UNR, UDR et RPR (1958-1981), il propose la loi sur la régulation des naissances (1967).
Secrétaire général du groupe UNR (1958-1962), puis questeur de l’Assemblée nationale (1962-1975), il devient secrétaire général-adjoint de l’UDR (décembre 1974).
« Le père de la pilule » a été notamment président du Conseil général de la Loire de 1979 à 1994. Il a été également sénateur RPR de 1983 à 2001.
La genèse de la loi Neuwirth
Aujourd’hui alerte octogénaire, Lucien Neuwirth raconte la genèse de cette loi, long combat parsemé d’embûches qu’il mena pour faire aboutir sa proposition de loi.
« C’est à Londres en 1944 – j’y avais rejoint le général de Gaulle deux ans plus tôt – que j’ai découvert un contraceptif féminin qui était en vente libre, le gynomine », explique-t-il.
Le jeune membre des « missions spéciales » retrouve le sol français en juin 1944. Une fois la guerre finie, le fervent gaulliste s’engage en politique sous la bannière du RPF dans sa ville natale de Saint-Etienne, dans la Loire.
« Quand j’ai été élu député je me suis dit qu’il fallait que la France connaisse la pilule contraceptive », dit-il, soulignant que jeune conseiller municipal de Saint-Etienne il avait connu des situations de jeunes filles se faisant avorter par des « faiseuses d’anges » avec tous les risques que cela comportait.
Lucien Neuwirth continue donc son combat en faveur de la contraception.
Le général de Gaulle, dans un premier temps, est plutôt contre. Son épouse est franchement hostile de même que le Premier ministre d’alors, Georges Pompidou. « Vous avez fini de nous emm… avec cette affaire », lui lance-t-il un jour alors que son épouse, Claude, « est très pour ».
Ses amis politiques de l’UNR (gaullistes) sont majoritairement contre. Seuls la gauche et le Planning familial soutiennent l’action menée par cet élu de droite.
Le 18 mai 1966 il dépose une proposition de loi. Lucien Neuwirth obtient un rendez-vous avec le général de Gaulle pour lui présenter son dossier.
« Alors Neuwirth, parlez moi de votre affaire », déclare d’emblée le général qui laissera le jeune député intimidé plaider sa cause pendant 40 minutes. « Ca m’a paru interminable, je n’étais pas rassuré, je n’avais pas fermé l’oeil de la nuit », explique Lucien Neuwirth.
Puis l’homme du 18 juin prend la parole. « C’est vrai. Transmettre la vie c’est important, ce doit être un acte lucide. Continuez », dit le général en se levant pour raccompagner son hôte.
Fort de ce soutien tacite – « de Gaulle n’interviendra jamais pour ou contre », insiste-t-il, Lucien Neuwirth reprend la bataille en faveur de sa proposition de loi. Elle vient en discussion à l’Assemblée nationale le 1er juillet 1967.
Les critiques sont vives.
« Ta carrière est foutue », lui déclarent des amis politiques. « L’homme de la débauche », « l’assassin d’enfant », les insultes pleuvent tant dans l’hémicycle qu’à l’extérieur. Sous la pression de parents d’élèves, Lucien Neuwirth doit changer sa fille d’école.
Avec l’aide de la gauche – « pas une voix n’a manqué » – et une partie de la droite – « les jeunes », souligne-t-il -, la proposition de loi franchit un à un les obstacles, l’Assemblée puis le Sénat. Elle est adoptée le 19 décembre 1967, dans une version fortement remaniée, de nuit par un vote à main levée.
Le général de Gaulle promulgue la loi le 28 décembre. Il faudra attendre le 3 février 1969 pour que paraissent les premiers décrets d’application.
Sept ans plus tard, le 20 décembre 1974, dans un climat encore plus tendu, – « c’était deux fois plus violent », se souvient Lucien Neuwirth – le Parlement adopte un projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) présenté par Simone Veil.
La « loi Veil » sera promulguée le 17 janvier 1975.
Source: Reuters