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Coup de sang de Rama Yade: "La France n'est pas un paillasson"

Jusqu’à présent, la visite de Mouammar Kadhafi à Paris avait provoqué l’indignation dans les seuls rangs de l’opposition. Mais lundi matin, c’est un membre du gouvernement, en l’occurrence la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme Rama Yade, qui se déclare « dérangée » que Mouammar Kadhafi soit accueilli à Paris un jour de célébration des droits de l’homme.

« Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort », dit-elle dans Le Parisien.

« Ce qui me dérange, c’est qu’il arrive un jour de célébration des droits de l’homme », a expliqué la secrétaire d’Etat, en référence à la Journée internationale des droits de l’hommme.

« Je serais encore plus gênée si la diplomatie française se contente de signer des contrats commerciaux, sans exiger de lui des garanties en matière de droits de l’homme. C’est un devoir : la France n’est pas qu’une balance commerciale », estime-t-elle. « Il serait indécent en tout cas que cette visite se résume à la signature de contrats ou d’un chèque en blanc. Peut-on accorder une confiance absolue à celui qui demande d’être traité comme n’importe quel chef d’Etat et qui, avant même d’être arrivé sur le sol français, affirme que le terrorisme est légitime pour les faibles ? », se demande-t-elle.

Toutefois, elle ajoute qu’elle « ne partage pas l’indignation automatique de ceux qui excluent tout dialogue avec la Libye ». « Il est normal que la France parle à tout le monde. Elle a même le devoir de parler d’abord aux pays qui ne respectent pas les droits de l’Homme afin qu’ils changent », explique-t-elle.

« La France est une puissance, elle n’a pas à s’excuser de signer des contrats. C’est la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères qui vous le dit. Mais la secrétaire des Droits de l’Homme est obligée de vous dire que cela doit se faire dans la décence ».

Interrogée par ailleurs sur RTL lundi matin, Rama Yade a précisé qu’il n’est pas prévu qu’elle rencontre le chef d’Etat libyen. « On ne m’a pas invitée. Moi ma journée sera consacrée à la célébration de la Journée des droits de l’Homme (…) Je vais remettre des prix pour des avocats, notamment chinois », a-t-elle dit.

Elle a souhaité que Paris tienne au colonel Kadhafi « un discours rigoureux sur la question des droits de l’homme », qui « ne sont pas encore respectés » en Libye. « Je parle de la peine de mort, des disparus, des prisonniers politiques, toutes ces questions doivent être soulevées le jour de la visite de Kadhafi en France, c’est absolument indispensable », a-t-elle fait valoir.

« Je ne pense pas qu’on puisse se contenter d’une déclaration de virginité du colonel Kadhafi pour lui signer un chèque en blanc. Il faut lui demander des garanties (…) C’est comme l’amour, ce sont les preuves qui comptent, donc qu’il apporte les preuves et que les provocations cessent ».

« Je n’ai pas encore été conviée à rencontrer M. Kadhafi mais si je l’étais par hasard, je peux vous assurer que j’irai pour pouvoir lui dire ce que je viens de vous dire », a conclu la secrétaire d’Etat.

Egalement interrogée sur France Info, Rama Yade a modéré ses propos tenus dans Le Parisien. Elle a expliqué n’avoir « absolument aucune hostilité vis-à-vis d’une visite du colonel Kadhafi, à partir du moment où il a renoncé à tout programme militaire nucléaire ». « Dans ces conditions, il vaut mieux parler avec lui plutôt que de le marginaliser ou de le rejeter aux confins du terrorisme », a-t-elle ajouté. Mais, a-t-elle souligné, « cette visite ne doit pas être considérée comme un chèque en blanc, on doit être sur nos gardes ».


Depuis Buenos Aires, en Argentine, François Fillon a réagi pour dénoncer « les donneurs de leçon » qui s’insurgent contre la visite de Kadhafi. « La France reçoit Kadhafi parce qu’il a libéré les infirmières bulgares et qu’il s’est engagé dans un processus de réintégration dans la communauté internationale ». Le dirigeant libyen est aussi reçu, a-t-il ajouté, « parce que nous avons besoin que la Libye, dans le cadre des relations interméditerranéennes, redevienne un pays avec lequel on puisse discuter et redevienne progressivement un pays où les droits de l’Homme soient respectés. »

Source: TF1

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