La semaine dernière, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin a été entendu pour la quatrième fois par les juges chargés de l’enquête sur l’affaire Clearstream. Le contenu d’un mystérieux document saisi dans son bureau a été au coeur de cette audition. Les deux magistrats souhaitent accélérer le mouvement, pour boucler l’instruction fin janvier.
Rien n’a filtré de l’audition de Dominique de Villepin par les juges de l’affaire Clearstream, jeudi au pôle financier de Paris. Selon des sources concordantes, l’ex-Premier ministre a été interrogé sur un mystérieux document crypté saisi cet été lors de la perquisition effectuée à son bureau. Il s’agit d’un DVD-Rom portant la mention manuscrite « version cryptée » et dont le contenu demeure énigmatique, les experts requis n’ayant jusqu’ici pas réussi à le décrypter.
Or les juges d’Huy et Pons soupçonnent qu’il puisse s’agir d’une copie du contenu d’un CD-Rom Clearstream que Jean-Louis Gergorin affirme avoir remis en mars 2004 à Dominique de Villepin, à sa demande, pour qu’il puisse informer le président Jacques Chirac. Selon Gergorin, ce CD-Rom comportait des transactions suspectes opérées chez Clearstream, dont une sur un compte « attribué par Imad Lahoud à M. Brice Hortefeux, ce que j’avais précisé à M. de Villepin », a déclaré Gergorin sur procès-verbal.
Jeudi, Dominique de Villepin a balayé ces soupçons d’un revers de la main. « Je ne me souviens pas du cas précis de ce DVD », a-t-il déclaré aux juges. Précisant, pour mieux se faire comprendre: « Je n’ai jamais reçu personnellement quelconque document de Jean-Louis Gergorin. » D’ailleurs, lâche l’ancien Premier ministre, « je ne me suis jamais servi d’un ordinateur de ma vie ».
Ce DVD crypté – dont il dit ignorer le contenu – doit, selon lui, vraisemblablement renfermer des documents d’ordre diplomatique. Dans ce cas, il l’aurait suivi du Quai d’Orsay à la Place Beauvau puis à l’Hôtel Matignon, et enfin dans ses bureaux actuels de l’avenue Kléber. « Je n’ai jamais fait de tri lors de mes déménagements », assure Dominique de Villepin aux juges. Certains spécialistes du dossier restent toutefois intrigués par ce récit, et osent un parallèle avec la fameuse « cassette Méry » que Dominique Strauss-Kahn aurait détenue sans jamais l’avoir visionnée…
Les déclarations de Dominique de Villepin quant à son propre rôle dans l’affaire Clearstream restent en totale contradiction avec celles de Jean-Louis Gergorin et du général Rondot. L’ex-Premier ministre sera donc confronté successivement à ses anciens amis les 11 et 12 décembre. Entre-temps, Imad Lahoud aura été confronté au général Rondot.
Les juges d’Huy et Pons, qui accélèrent, ont l’intention de boucler leur dossier d’instruction pour la fin janvier. Henri Pons quitterait alors le pôle financier pour un détachement auprès de la Banque mondiale.
La question qui agite ces jours-ci les milieux politique et judiciaire est la suivante: les juges renverront-ils Dominique de Villepin devant le tribunal correctionnel ? Il faudrait, pour cela, établir qu’il a donné l’instruction de transmettre de faux listings à un juge en pleine connaissance de cause. Les avis sont partagés chez les avocats et magistrats ayant accès au dossier. Dominique de Villepin, en tout cas, s’en défend énergiquement.
Source: Michel Delean (Le Journal du Dimanche)