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François Goulard, le tonton flingueur

Plus efficace et plus prompt à dézinguer Sarkozy que toute l’opposition réunie, le député du Morbihan est en train de devenir l’improbable chouchou des médias.

« Oh ! Cette semaine, c’est très calme : j’ai fait le JDD, Canal plus, Marianne2.fr, j’attends une de vos consoeur de la radio… non, vraiment rien d’extraordinaire. »

François Goulard paraît presque blasé. A 55 ans, ce député UMP classé « villepiniste » connaît pourtant une médiatisation que rien, dans son parcours, ne laissait espérer. Depuis un an, à force de taper comme un sourd sur Sarkozy, on le voit partout, on l’entend sans arrêt. « C’est logique : il y a un espace vacant, décrypte l’élu du Morbihan. L’opposition est assez nulle. Je n’ai rien contre les responsables du PS, mais ils sont inaudibles. Il leur manque un chef. Quant à l’UMP, c’est un parti caporalisé et inexistant. »

Et François Goulard d’ajouter de sa voix douce quelques piques bien senties à l’adresse de Patrick Devedjian, le secrétaire général de l’UMP, avec ce sens de la formule qui en fait le chouchou des médias : « c’est un porte-flingue de Nicolas Sarkozy, je ne l’ai jamais apprécié ». Goulard : la nouvelle voix de l’opposition ?

Le cave se rebiffe

S’il a soutenu François Bayrou à l’élection présidentielle de 2007, il continue à porter, curieusement, les couleurs de l’UMP. « Je suis de droite, martèle-t-il, c’est l’UMP qui ne l’est plus depuis sa sarkoïsation. Nicolas Sarkozy n’est ni gaulliste, ni libéral, ni centriste : c’est un bonapartiste. »

Jamais avare de critiques à l’égard du Président, il l’accuse d’à peu près tout, à commencer par sa personnification du pouvoir et son autocratisme. A ses camarades du parti, il reproche, selon les cas, leur moutonnerie ou leur roublardise. Cet ancien ministre délégué à la Recherche à l’Enseignement supérieur du gouvernement Villepin travaille, à l’inverse, son image de bosseur et d’honnête homme.

Il est vrai qu’en tant que député, il est souvent présent dans l’hémicycle. Et pour prouver son sens de l’éthique, il n’hésite pas à ouvrir le tiroir de son bureau à l’Assemblée pour exhiber les timbres dont il se sert afin que l’envoi de ses courriers personnels ne soit pas facturé à la République !

L’UMP, éparpillée façon puzzle ?

Question : mais comment ses petits camarades du Parti supportent-ils ses coups de gueule ? Pour Patrick Balkany, le personnage est à classer avec George Tron, Hervé Mariton ou Jean-Pierre Grand parmi les chiraco-villepinistes, soit « trois connards qui existent seulement dans la salle des Quatre colonnes ».

Pourtant, François Goulard assure qu’il n’a « jamais cru en Dominique de Villepin ». « Ca ne veut rien dire d’être « villepiniste », je souhaite à l’homme d’avoir un avenir, mais le « villepinisme » comme courant politique, lui, n’en a pas ». Il ne se rend d’ailleurs jamais aux dîners des anciens chiraquiens. Pas plus qu’aux réunions du groupe UMP : « avec toutes les interviews que je fais, je n’ai plus le temps ».

Habile, Dominique Paillé, admire sa « forte personnalité » et « son humour caustique », mais l’accuse d’avoir toujours navigué à vue, avec une seule et même tactique. « Il a compris, et cela flatte son penchant naturel, qu’en politique il était plus facile d’exister en flinguant ses petits copains », fait valoir le secrétaire général adjoint de l’UMP.

Mais Goulard ne franchit jamais la ligne jaune : contrairement à Jean-Pierre Grand, il n’invite pas à voter à gauche, pas plus qu’il ne manie l’invective. Les caciques de l’UMP, agacés et parfois jaloux de sa médiatisation, supportent donc sans broncher. « Je suis un peu boudé par mon groupe, reconnaît Goulard. En revanche, depuis que j’ai participé à la soirée au Zénith contre l’ADN organisée par Charlie Hebdo, Libé et SOS racisme, certains députés de l’opposition me saluent ! »

Galvanisé par une vie familiale qui le comble – père d’un grand fils qui veut se lancer en politique, d’une petite fille d’un an et dans l’attente d’une autre naissance en janvier – Goulard n’a aucune intention de changer de ton. Il prédit même qu’« il y aura de plus en plus de déçus du sarkozysme » parmi les députés UMP et assure que « cela finira par donner lieu à un mouvement organisé. » Dont il prendrait la tête ?

François Goulard, le CV

Diplômé de Centrale, énarque, il entre au Parti Républicain en 1983 et apparaît sur les listes municipales de Vannes, la ville qui l’a vu naître. Très vite, les ministères lui ouvrent ses portes.

En 1986, il est propulsé directeur de cabinet de Gérard Longuet, ministre des P & T, mais la fréquentation des hautes sphères de la politique le déçoit, explique-t-il. Il retourne donc travailler dans le privé pendant dix ans, dans une filiale de Suez.

Pourtant, lorsqu’en 1997 Raymond Marcellin, député du Morbihan depuis 1946, lui propose d’être son successeur, la tentation est plus forte. Il se fait élire et rejoint Démocratie libérale.

En 2001, il devient également maire de Vannes. Proche d’Alain Madelin, il soutient sa candidature à la présidentielle en 2002. Il n’aura donc jamais fait la campagne d’un candidat à la présidentielle RPR ou UMP.

En 2004, il est promu secrétaire d’Etat aux Transport et à la mer dans le troisième gouvernement Raffarin puis est nommé ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche en 2005, dans le gouvernement Villepin.

En 2007, il est réélu député du Morbihan. Lorsqu’il est venu plaider sa cause à l’UMP pour être réinvesti comme candidat pour la mairie de Vannes en 2008, les responsables du parti lui ont conseillé d’ouvrir ses listes « jusqu’aux sarkozystes ». Sans trop d’espoir…

Source: Anna Borrel (Marianne)

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