L’hommage scolaire imaginé par Nicolas Sarkozy pour Guy Môquet, jeune résistant communiste fusillé en 1941 par les nazis, a pris des formes diverses lundi et suscité l’opposition d’une bonne partie des enseignants.
Le chef de l’Etat, qui avait initialement prévu de lire personnellement la lettre du jeune martyr au lycée parisien Carnot, où Guy Môquet fut scolarisé, a renoncé au dernier moment, en raison d’un agenda chargé, a expliqué l’Elysée.
Ce sont donc le Premier ministre, François Fillon, plusieurs ministres et de nombreux élus et personnalités de la droite qui ont animé l’initiative en se rendant dans les lycées et collèges un peu partout en France.
Le chef du gouvernement a rendu hommage au jeune résistant communiste fusillé le 22 octobre 1941 lors d’une brève cérémonie à Matignon. Sa dernière lettre a été lue par une lycéenne, devant des élèves des lycées parisiens Diderot, Duruy et Rabelais. Derrière l’estrade avait été suspendue une oeuvre de l’artiste franco-chinois Yan Peï Ming représentant Guy Môquet sur fond rouge. Une minute de silence a ensuite été respectée.
« Comme beaucoup d’autres, Guy Môquet fut fusillé pour ses convictions qu’il plaçait au-dessus de sa propre existence », a souligné François Fillon. « Il était communiste, d’autres étaient gaullistes, certains étaient de droite, d’autres de gauche, certains étaient croyants, d’autres ne l’étaient pas… Qu’importe, tous étaient patriotes ».
« L’honneur de la nation n’est pas négociable », a insisté le Premier ministre. Or, « le régime de Vichy négocia, pactisa, puis collabora avec le régime nazi, et en cela il bafouait une certaine idée de la France », a-t-il ajouté.
Plusieurs ministres avaient inscrit à leur agenda la lecture de la lettre de Guy Môquet, comme la ministre de la Culture Catherine Albanel au collège Paul-Vaillant-Couturier à Argenteuil (Val-d’Oise), ou la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie à Caluire près de Lyon (Rhône), là où fut arrêté le résistant Jean Moulin en 1943.
Certains ministres furent quelquefois la cible de critiques, comme le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, dans son fief de Périgueux (Dordogne), voire de sifflets, comme la ministre de la Justice, Rachida Dati, à Villejuif, en banlieue parisienne.
La cérémonie, qui se voulait un acte de mémoire et une leçon sur le thème de la jeunesse insurgée et de l’esprit de sacrifice, a varié selon les lieux, de la simple et brève lecture en classe au rassemblement dans la cour de l’établissement, en passant par une journée complète d’animation autour du thème de la Résistance.
Selon le ministère de l’Education, la lettre a été lue dans « la quasi-totalité » des lycées de métropole, parfois grâce à aux personnalités présentes – responsable politique, associatif ou ancien résistant – qui ont remplacé des enseignants refusant de le faire.
Cependant, comme le laissaient prévoir les consignes du principal syndicat enseignant Snes, hostile à l’initiative, le climat a été houleux dans les écoles où les enseignants ont refusé de se prêter à la cérémonie.
Les enseignants contestent l’intervention de l’Elysée dans l’organisation pédagogique, critiquent ce qu’ils voient comme une « récupération » de l’Histoire et s’interrogent sur l’impact d’un document sorti de son contexte sur des enfants et adolescents, jugeant même parfois dangereux son aspect morbide et l’exaltation du courage devant la mort.
La commémoration a parfois été détournée de sa forme originelle. Ainsi, la lecture d’une lettre du résistant Raymond Aubrac était prévue au lycée André Cuzin, à Caluire-et-Cuire, dans le Rhône. Au séminaire d’enseignement catholique de Walbourg (Bas-Rhin), un débat avec les élèves de terminale a soulevé deux questions: « un président a-t-il le droit de faire l’Histoire » et « l’Etat a-t-il le droit d’imposer une mémoire? » Au lycée Pasquet d’Arles (Bouches-du-Rhône), certains professeurs, comptaient évoquer la résistance de ceux qui militent pour que tous les enfants, même sans papiers, puissent continuer d’être scolarisés en France.
Le Parti communiste et sa secrétaire nationale Marie-George Buffet ont rassemblé 5.000 personnes dimanche à Châteaubriant (Loire-Atlantique), où Guy Môquet fut fusillé. Le quotidien L’Humanité a publié lundi un cahier spécial de douze pages.
Le Parti socialiste a aussi condamné l’initiative présidentielle. « Ce choix personnel et unilatéral du président conduit à une polémique et une division inutiles. On confond ici l’émotion et la raison », a dit lors d’un point de presse Stéphane Le Foll, directeur de cabinet de François Hollande.
Dimanche soir, François Bayrou s’était opposé aussi à la démarche : « Franchement, je trouve que l’Etat ne doit pas se mêler de l’histoire, l’Etat ne doit pas organiser la promotion en figure héroïque de qui que ce soit ».
Sources: Reuters, Associated Press et Le Figaro