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Dominique de Villepin cible Nicolas Sarkozy et Laurent Le Mesle

Dans la note adressée aux juges avant son audition ce jeudi, l’ancien Premier ministre livre une véritable plaidoirie. Premier visé, l’actuel président, accusé d’avoir instrumentalisé les médias et les juges à son profit. Ensuite, Laurent Le Mesle, procureur général à la cour d’appel de Paris et conseiller de Chirac au moment des faits, accusé de partialité.

Une « Note à Messieurs les juges d’Huy et Pons sur la gestion de l’affaire Clearstream », assortie de 43 annexes couvrant plus d’une centaine de pages : tel est le nouveau document, en forme de plaidoirie, qu’à donné Dominique de Villepin aux juges qui l’ont entendu jeudi.

Avant de se livrer à une analyse plus approfondie, on remarque tout de suite que l’ancien Premier ministre s’en prend de façon directe et vive à l’actuel chef de l’Etat, accusé d’avoir instrumentalisé les médias et les juges à son profit, depuis juillet 2004, bien avant qu’il ne se constitue partie civile, début 2006. Selon lui, la thèse politique a été intégrée par « les acteurs du dossier eux-mêmes » selon « la logique bien connue du bouc émissaire ». Villepin cite la dernière intervention de Nicolas Sarkozy sur TF1 et France 2 qui « me paraît illustrer le risque d’une confusion des genres loin de la sérénité nécessaire à l’instruction d’un tel dossier ».

L’ancien Premier ministre va plus loin : « Quand on désigne du doigt un faux coupable et qu’on se désigne soi-même comme une victime politique, on enclenche, dans un pays comme le nôtre, une véritable chasse à l’homme où tous les moyens sont bons, rumeurs, délation, calomnie, désinformation… Comme le souhaite le Président de la République, j’entends bien m’expliquer auprès de la justice sur l’ensemble des points qui me concerne, mais je n’entends pas être le seul. La justice en France doit être égale pour tous. Et comme le dit très bien Nicolas Sarkozy, un citoyen quel qu’il soit, ne doit être « ni au-dessus ni au-dessous des lois ». Cela est vrai bien sûr pour lui même s’il utilise en l’occurrence cet argument à mauvais escient puisqu’il n’a jamais été « sali » ni à eu à s’expliquer devant un juge ».

Le Mesle visé

Mais Nicolas Sarkozy n’est pas la seule cible de Dominique de Villepin, qui s’en prend directement à Laurent Le Mesle, procureur général à la cour d’appel de Paris, dont il conteste implicitement l’impartialité.

En juillet 2004, écrit l’ancien Premier ministre dans sa note aux juges, « le souci commun du Président de la République et du Gouvernement était d’être irréprochables quant aux actions engagées. Mais le choix était d’autant plus complexe que la situation était confuse sur le plan juridique. C’est d’ailleurs ce qu’a fait valoir Laurent Le Mesle, conseiller technique pour la justice, lors d’une réunion que j’avais avec le Président de la République à la mi-juillet et à laquelle il a été associé : Il n’y avait pas de raison ni d’urgence pour le Gouvernement, de prendre d’initiatives au plan judiciaire, puisque Clearstream était situé au Luxembourg et non en France. De plus, il n’y avait pas eu de publication des listings ni de plaintes déposées ».

En clair, alors conseiller de Jacques Chirac, Laurent Le Mesle conseille de ne rien faire. Ses arguments ? « Il était difficile de diligenter une enquête intérieure approfondie puisque, à ce stade, on ne pouvait suspecter un délit. La détention d’un compte à l’étranger n’était pas en soi répréhensible. Sur quelles bases s’appuyer ? Celle de rétrocommissions, d’accusation de fraude fiscale ou de blanchiment d’argent, utilisés à des fins politiques ? »

Confusion des genres

Dans l’annexe N°40, Dominique de Villepin va plus loin : « Tout au long du deuxième semestre 2004, le gouvernement à travers ses différentes composantes n’a cessé de se poser la question de la meilleure réponse possible dans cette affaire(…). Laurent Le Mesle estimait qu’il n’y avait pas d’urgence à prendre des initiatives compte tenu du lancement des procédures judiciaires (…). Selon certaines sources bancaires françaises, il pouvait y avoir en effet des éléments vrais mêlés à des informations erronées (…). Selon Laurent Le Mesle, la demande d’entraide judiciaire internationale adressée par le Procureur de la République à son homologue luxembourgeois était la bonne réponse ».

Laurent Le Mesle refuse toute initiative et laisse ainsi le juge Van Ruymbeke s’enferrer dans ses recherches sur Nicolas Sarkozy, qui se révéleront vaines. Cette mise en cause prend un relief particulier lorsque l’on sait que le conseiller de Jacques Chirac a été nommé directeur de cabinet du ministre de la Justice puis, peu avant l’élection présidentielle, procureur général à la cour d’appel de Paris. A ce titre, c’est lui qui supervise l’enquête des juges d’Huy et Pons. Ainsi, lorsque Dominique de Villepin a fait appel de son contrôle judiciaire, cela a été traité par le parquet général, dirigé par Laurent Le Mesle. Cette confusion des genres pose évidemment problème.

Si Dominique de Villepin ne demande pas le dépaysement du dossier Clearstream dans une autre juridiction – ni a fortiori, que Le Mesle se démette – c’est pour ne pas donner le sentiment de fuir ses responsabilités. Mais il prend date, sur le plan procédural.

Source: Airy Routier (Le Nouvel Observateur)

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